E. Cosse : « finie l’alliance avec la gauche radicale ».

Un mois après les élections régionales, les écologistes sont encore sonnés. Il y a bien sûr les scores du Front national au premier tour, le 6 décembre 2015, qui restent gravés dans la tête de chacun. Mais il y a surtout leurs résultats : 6,81 % des voix ; 66 élus contre 265 cinq ans plus tôt. Une des plus mauvaises performances d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV) dans une élection qui lui est pourtant réputée favorable.

Lors d’une prise de parole devant le conseil fédéral de son parti, samedi 9 janvier, la secrétaire nationale d’EELV, Emmanuelle Cosse, est revenue sur ces résultats, qu’elle a qualifiés de « mauvais », et souhaité « dire les choses », « même celles qui dérangent ». « Nous sommes tombés dans le piège qui nous était tendu: un front entre pro-gouvernement et anti-gouvernement, a-t-elle jugé. Cette vision simpliste, imposée à la fois au plus haut niveau de l’Etat et par Jean-Luc Mélenchon, a réduit considérablement notre espace politique. »

A plusieurs reprises cette semaine, dans un entretien publié sur le site de L’Obs mercredi puis lors de ses vœux à la presse vendredi, la patronne d’EELV a critiqué les alliances nouées en décembre avec la gauche de la gauche, jugeant que « l’opposition de gauche est une impasse ». « A chaque fois qu’on a fait ça, ça n’a pas marché, avait-elle indiqué. Les écolos ne peuvent pas raconter deux histoires. Les gens n’ont rien compris. Ils en ont marre qu’on apparaisse toujours contre, ils veulent de l’espoir. »

Dans quatre régions, EELV s’est présenté avec la gauche radicale. Mais les résultats n’ont pas été à la hauteur des espérances. Si en Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées, alliés au Front de gauche, les écolos ont réussi à se hisser au-dessus de 10 % des suffrages, en Nord-Pas-de-Calais-Picardie, avec le seul Parti de gauche, ils n’ont pas atteint les 5 % des voix. « Il y a deux listes qui ont fait moins de 5 % : une en alliance, une en autonomie, ce serait simpliste de dire que le score est seulement imputable à la stratégie », juge Julien Bayou, porte-parole d’EELV.

Préparation de la présidentielle

L’année qui s’ouvre s’annonce donc décisive pour les écologistes qui ont tant à reconstruire et si peu de temps pour y parvenir. En graves difficultés financières, EELV avait déjà dû affronter le départ d’une partie de ses élus et cadres avant les régionales. Vendredi, Mme Cosse avait indiqué vouloir s’attaquer au « dépassement » et au « renouvellement » de son parti, formulant à plusieurs reprises son souhait de travailler avec « l’ensemble de la galaxie écolo ». Un congrès de la formation doit se tenir en juin. La secrétaire nationale a précisé qu’elle verrait « dans les prochaines semaines » si elle est candidate ou non à sa propre succession. Mais ce temps fort risque d’être monopolisé par la préparation de la présidentielle. Les questions restent nombreuses. Faut-il un candidat écologiste ? Participer à une primaire ? Si oui, dans quel périmètre ?

A ce stade, il serait surprenant qu’ils décident de ne pas être représentés en 2017. Depuis plusieurs mois, Cécile Duflot a fait savoir qu’elle se préparait à cette éventualité. Pour Mme Cosse, qui s’interroge sur la stratégie à adopter, seules trois personnes sont « capables de porter les couleurs écologistes » : Mme Duflot, Daniel Cohn-Bendit et Nicolas Hulot. Quant à la primaire, l’actuelle secrétaire nationale ne semble pas y être favorable. Tout comme David Cormand, numéro deux d’EELV. « Je suis contre, explique ce proche de Mme Duflot. On en a déjà fait une avec Joly et Hulot en 2011 et on a vu le résultat : c’est la mise en scène de nos propres faiblesses. »

En attendant, Mme Duflot continue à s’organiser. Samedi soir, l’ancienne patronne des Verts a convié les membres du conseil fédéral qui le souhaitaient à un dîner dans un restaurant proche du siège de la CFDT où se tenait la réunion. Pour celle qui a perdu en 2015 ses deux précieuses chevilles ouvrières dans le parti – son ex-complice, Jean-Vincent Placé, et son ancien bras droit, Stéphane Sitbon-Gomez –, c’est l’occasion de mesurer son influence dans le mouvement. Et de revenir sur sa main tendue lancée mi-décembre à François Hollande, une initiative qui n’a pas toujours été bien comprise en interne.


Raphaëlle Besse Desmoulières – Le Monde – Source


Emmanuelle Cosse Nouvel Obs 06 janv 2016