Une analyse des régionales 2015 – 6

Front de gauche en voie de dislocation

La situation s’annonce bien délicate pour le Front de gauche après les régionales. La question de savoir si le rassemblement de la gauche radicale pourra survivre à ces élections est clairement posée.

Dès lundi 14 décembre, Olivier Dartigolles, porte-parole du Parti communiste, a jugé que « le Front de gauche [s’était] planté » et appelé à « tout revoir ». Le dirigeant communiste parle de « l’échec » de la coalition qui réunit le PCF, le Parti de gauche et Ensemble, « trop occupée à se regarder le nombril ». « Le débat sur les alliances a pris trop de place et laissé de côté de grandes batailles populaires à l’heure où le FN marquait des points dans la bataille culturelle », juge M. Dartigolles.

Tête de liste du Front de gauche en Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, ce dernier n’a lui-même pas réussi à passer la barre des 5 % au premier tour et sa liste n’a pu fusionner avec celle des socialistes qui ont remporté la région dimanche. Au soir du premier tour, le Front de gauche a obtenu au niveau national 4,15 % des voix, en recul par rapport à 2010, où la toute jeune coalition de la gauche radicale avait réalisé 5,84 % des suffrages. Elle doit notamment ce résultat à des alliances à géométrie variable qui ont rendu sa stratégie illisible.

6,63 % des voix en Ile-de-France

Selon les régions, on trouvait ainsi le Parti communiste seul, le Front de gauche rassemblé, le Parti de gauche allié à Europe Ecologie-Les Verts ou encore le Front de gauche et les écologistes sous la même bannière. En Ile-de-France, PCF et PG avaient eu bien du mal à partir unis et n’avaient scellé leur accord qu’au dernier moment. Le résultat s’en est ressenti : 6,63 % des voix au premier tour pour la liste emmenée par le patron des communistes, Pierre Laurent, qui réalise quasiment le même score qu’en 2010 où il était déjà tête de liste. Au final, le Front de gauche ne sera pas représenté que dans sept conseils régionaux sur treize.

Dimanche soir, Jean-Luc Mélenchon a appelé à faire naître un « véritable front populaire ». Dans un entretien publié par Le Monde le 9 décembre, l’ancien candidat à la présidentielle avait affirmé que la coalition n’avait plus d’avenir. « Sous cette forme-là, non », avait-il déclaré. « Nous sommes la seule famille politique qui n’a pas fait une campagne nationale », avait-il déploré avant de mettre en garde : « Une présidentielle qui serait menée dans les mêmes conditions, c’est-à-dire découpée en 570 circonscriptions législatives où chacun ferait sa popote sur son petit feu, est condamnée d’avance. »

L’élection de 2017 pourrait bien faire exploser le Front de gauche, qui depuis 2012 a échoué à incarner une alternative crédible au PS. Plus rien ne paraît désormais impossible, même l’hypothèse de plusieurs candidatures de la gauche radicale. Chez les communistes, les différentes campagnes, dont celle des municipales de 2014, ont laissé des traces. L’idée de faire de M. Mélenchon leur nouveau champion pour la présidentielle passe de plus en plus mal. « Il faut que tous les responsables du Front de gauche se mettent sur la même ligne sans qu’aucun d’entre eux ne fasse un pas supplémentaire vers la présidentielle, indique M. Dartigolles. 2017 n’est pas la question aujourd’hui. »

Le débat risque cependant de virer au dialogue de sourds. M. Mélenchon, lui, a déjà fait ce pas depuis longtemps. « Ce pays veut des solutions à ses problèmes. Il y a une demande d’égalité, d’autorité et de clarté. Je me sens prêt pour ça », expliquait ainsi le député européen dans son entretien au Monde. Une façon de continuer à imposer sa candidature comme il le fait depuis plusieurs mois déjà. Sans le PCF, la partie serait cependant bien compliquée.

Dans l’entourage de l’ex-coprésident du Parti de gauche, on note avec satisfaction que c’est son nom qui a de nouveau été testé dimanche soir dans un sondage Harris Interactive où il est donné à 10 % des voix en 2017. « Mélenchon fait partie de nos atouts, juge Eric Coquerel, coordinateur du PG. Mais nous sommes le seul courant qui s’ingénie à affaiblir les atouts que nous avons. C’est simple, on fait tout l’inverse du Front national. »

Mardi, les différents partis du Front de gauche devaient se retrouver au siège du PCF, place du Colonel-Fabien. Sans Jean-Luc Mélenchon, qui ne participe plus depuis longtemps aux réunions du Front de gauche.

Besse Desmoulières Raphaëlle, Le Monde – Source