Selon une étude de l’Ifop, 44% des Français ont déjà eu un rapport sexuel avec une personne dès leur première rencontre.
Coucher le premier soir est souvent mal perçu. On dit d’une fille qu’elle est “facile”, d’un garçon qu’il ne veut pas “s’engager”. C’est oublier un peu vite que le sexe ne rime pas forcément avec les sentiments. Pourtant, selon un sondage réalisé par l’Ifop pour Cam4, un site de webcam porno, les Français l’ont eux, bien compris. Ils sont 44% a avoir déjà eu des relations sexuelles lors d’une première rencontre, et 58% lors d’un premier rendez-vous amoureux. Parmi les premiers : 55% sont des hommes, et 34% des femmes.
La démocratisation du “coup d’un soir”
Les sites et applis de rencontre pourraient bien jouer un rôle prépondérant dans la démocratisation du “coup d’un soir”. Ainsi, 55% des Français affirment avoir déjà eu un rapport sexuel complet dès le premier-rendez-vous avec une personne rencontrée sur un site de rencontres. Ils sont 47% à avouer avoir cédé à la tentation du premier soir en sachant pertinemment qu’ils ne reverraient pas la personne. Une étude de l’Ifop parue en juin affirmait déjà que les sites et applis de rencontre favorisent les “one shots” : 38% des inscrits déclaraient ne rechercher que “des aventures sans lendemain” contre 22 % en 2012.
Interrogé par nos soins en juillet dernier, Pascal Lardellier, auteur des Réseaux du cœur : sexe, amour et séduction sur internet (F. Bourdin, 2012), estimait: “On assiste à une technicisation et une industrialisation des relations sexuelles. Avec Tinder, la finalité est rapide et consumériste : il faut que ça soit bien et que ça aille vite.”
Pour lui, en “hyperationnalisant les relations”, les outils comme Tinder et Happn contribueraient à déculpabiliser les femmes vis-à-vis de la baise éphémère, trop souvent vue comme un privilège masculin, “à s’affranchir des convenances, à quitter leur position d’attente et à être plus actives”.
Rien n’est aussi simple
Encore plus étonnant, 68% des personnes ayant déjà eu des relations sexuelles avec une personne rencontrée sur un site de rencontres se disent “plutôt satisfait(e)” de cette partie de jambes en l’air, contre 32% qui admettent être “plutôt déçu(e)”. Fini le cliché selon lequel il faut bien connaître son/sa partenaire pour réellement apprécier l’intimité sexuelle avec lui/elle ? Rien n’est aussi simple : comme le note Jean-Claude Piquard, sexologue et auteur de La Fabuleuse histoire du clitoris (éd. Blanche, 2012), les personnes interrogées ne parviennent pas toujours à dire la vérité dans le cadre de ce type de sondage, ou cherchent à la romancer…
Côté pratiques sexuelles, la surprise est là aussi au rendez-vous :
- 32% des hommes assurent avoir déjà pratiqué la sodomie au cours d’un premier rendez-vous, contre 14% des femmes.
- 17% des hommes racontent avoir succombé à l’appel de la bifle, contre 7% des femmes.
- 25% des hommes ont déjà pratiqué une éjaculation faciale lors du premier rapport, contre 8% des femmes.
Jean-Claude Piquard, qui se dit “surpris par ces chiffres” estime que la pratique de la bifle est “nouvelle, d’autant plus un premier soir“. Il explique la présence de ces pratiques dès la première rencontre par la culture porn, à laquelle nous serions de plus en plus exposés avec l’usage d’Internet. Pourtant, interrogée sur le sujet en août 2014, la réalisatrice et actrice de films X Ovidie contrecarrait cet argument :
“A chaque fois qu’une nouvelle mode sexuelle apparaît, on en cherche l’origine dans le porno. Or, dans toutes mes années de X, je n’ai jamais entendu ce mot [bifle] sur un plateau. J’ai vu depuis toujours des acteurs tapoter leur sexe sur le visage de leur partenaire, comme un jeu qui accompagne la fellation, de la même manière que le fait de tirer les couilles. Mais ça se fait rarement dans l’intention de gifler, de violenter.”
Des moeurs libérées ?
Doit-on en conclure que les mœurs sont désormais totalement libérées, et que chacun est libre de faire ce que bon lui semble en matière de sexualité entre adultes consentants ? “Tout n’est pas parfait non plus, temporise Jean-Claude Piquard, mais oui, globalement, la sexualité se libère, en partie parce que les femmes découvrent leur clitoris et s’épanouissent mieux. Mais certains sujets n’avancent pas, comme la définition de l’orgasme. Or, ce qui se conçoit bien, s’énonce clairement.“
Carole Boinet – Les Inrocks – Source