L’Internet à 2 vitesses est en train de se concrétiser

La suppression des frais d’itinérance est une bonne chose, mais le prix à payer est trop élevé. Car le Parlement européen a du même coup décrété la fin de la neutralité de la Toile, qui, elle, n’a pas de prix.

La Commission européenne avait préparé un joli “paquet” pour les députés du Parlement de Strasbourg. Qui contenait à la fois quelque chose de tout à fait profitable aux citoyens de l’Union et une grave menace pour la liberté sur Internet. Les frais d’itinérance, autrement dit les surcharges, particulièrement élevées, facturées pour toute conversation sur téléphone portable à l’étranger, seront supprimées d’ici à l’été 2017.

Mais cela va coûter très cher aux citoyens de l’UE. C’est littéralement la neutralité du web qui est en jeu. L’Internet à deux vitesses est en train de se concrétiser.

L’emballage législatif est trompeur, il a pour nom “ordonnance sur les mesures pour un accès à un Internet ouvert”, et son contenu est en réalité le contraire de ce qu’annonce son intitulé. Certes, en principe, toutes les données doivent continuer à circuler sur Internet au même rythme et au même volume. Sauf pour les “services spéciaux”. Or, personne ne sait vraiment ce que sont ces derniers.

Le Net simple bien de consommation ?

Avant le vote, de nombreuses institutions et entreprises ont pris position contre ces clauses ambiguës. Récemment, c’est même le physicien et informaticien Tim Berners-Lee, le pionnier du World Wide Web, qui est monté au créneau.

Il a mis en garde contre des “voies rapides” qui seraient ouvertes à qui paierait les fournisseurs d’accès pour obtenir un transfert plus rapide de ses données. Internet, écrivait Berners-Lee [sur son blog le 26 octobre], n’est devenu la “puissante plateforme universelle” qu’il est aujourd’hui que parce qu’il a “pu se développer en tant que réseau ouvert qui traite de la même façon tous les contenus”.

Ce qui est donc fini, puisque la nouvelle ordonnance de l’UE autorise les prestataires d’accès à réguler le trafic des données au nom de la plus grande fluidité possible et à éviter les encombrements, ce qui revient tout simplement à les laisser établir des priorités.

Si cela correspond sans doute aux intérêts économiques des grands groupes, cette ordonnance, en revanche, ne répond pas assez aux exigences d’Internet en tant qu’infrastructure de la démocratie. La Toile n’est pas qu’un bien de consommation. Le Parlement européen aurait mieux fait de rejeter ces nouvelles mesures.

Michael Hanfeld – Courrier International – Source


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