Pour la parité dans les médias

Commençons par la parité pour les invités des matinales ?

On n’y est pas encore…

On ne compte en moyenne que 21% de femmes invitées dans les matinales des stations généralistes. La réaction de Caroline de Haas, militante féministe et membre du collectif Expertes.

En 2014, y avait-il autant de femmes que d’hommes invités dans les matinales radiophoniques ? Pas vraiment, non. Désespérants, les chiffres publiés par l’Ina mettent en lumière une inégalité criante : en semaine, on entendait 19 % de femmes sur RTL et Europe 1, 23 % sur RMC et 25 % sur Inter. Caroline de Haas, militante féministe, est membre du collectif Expertes, qui propose – à l’initiative du groupe Egalis, de Radio France et de France Télévisions – un guide en ligne des spécialistes de sexe féminin, à destination des journalistes, organisateurs d’événements, entreprises ou associations. Elle réagit à cette étude.

Il n’y a, en moyenne, que 21 % d’expertes femmes invitées dans les matinales des stations généralistes. Est-ce une surprise ?

Non, les chiffres ne bougent pas depuis une quinzaine d’années. On compte globalement, dans les médias, environ 20 % de femmes expertes. L’étude de l’Ina apporte une information intéressante concernant les politiciens invités : le pourcentage de femmes y est aussi très faible, alors qu’il est censé y avoir parité dans le monde politique ! Cela me rappelle une note interne du Parti socialiste (où je militais alors) qui circulait vers 2010, pointant le fait que 90 % des passages médiatiques étaient effectués par des hommes… En rendant à nouveau visible cette problématique, l’étude de l’Ina fait avancer la prise de conscience. Mais ce n’est pas suffisant.

Qu’est-ce qui empêche une notable amélioration de la situation ?

L’un des freins est l’illusion de l’égalité : les gens ont le sentiment de voir beaucoup de femmes à la télévision, il y a des présentatrices femmes, des artistes femmes… Certes, il y a eu de grandes avancées en la matière depuis cinquante ans. Mais on partait de tellement loin ! Nous ne sommes pas au bout de nos peines.

Quels outils pour agir ?

Par exemple le site Expertes, que nous avons lancé par lassitude d’entendre les journalistes se plaindre de la difficulté de trouver des spécialistes femmes. En quatre mois, notre base de données est passée de quatre cents noms recensés à mille cinq cents. Nous avons contacté les syndicats, universités, organisations professionnelles, associations… pour obtenir des contacts.

Aujourd’hui, quatre cents journalistes sont inscrits, et ont ainsi accès aux coordonnées de ces expertes. Certains assument publiquement de se servir de cet outil, comme Nicolas Demorand pour Homo numericus sur France Inter cet été. Il faudrait aussi une plus grande volonté politique, afin que les dirigeants de médias fassent de l’égalité leur priorité.

Vous militez pour que les journalistes et les programmateurs d’émissions soient formés en la matière…

Oui, il faut qu’ils comprennent l’importance de l’égalité. Et ça s’apprend, comme le tri des déchets ou la prévention routière. Aujourd’hui encore, on entend certains s’inquiéter à l’idée d’inviter des femmes expertes : « vont-elles être compétentes ? » Comment peut-on se le demander, quand on sait qu’il y a autant de femmes que d’hommes experts dans notre société ?

Certaines femmes se posent elles-mêmes la question de leur légitimité, alors qu’elles sont extrêmement compétentes. Nous organisons des media trainings, pour faire reculer cette forme d’autocensure. Et, progressivement, changer le regard de la société sur les femmes

Laurence Le Saux – Télérama – Source