Les sénateurs étudient le texte de Marisol Touraine à partir de ce lundi 14 sept 2015, tandis que les médecins ne décolèrent pas.
Les mois passent et la colère des médecins libéraux ne retombe pas. Elle monte même encore d’un cran, alors que se profilent leurs élections professionnelles, du 1er au 12 octobre, et que le projet de loi santé de Marisol Touraine arrive ce lundi au Sénat. Pour protester contre ce texte qui, à les entendre, aggrave leur situation, trois cents médecins ont marché, de jeudi à dimanche, entre Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire) et Château-Chinon (Nièvre). Tout un symbole car cette dernière ville est la première sous-préfecture à avoir vécu sans généraliste pendant quelques mois. « La loi Touraine est une remise en cause profonde de notre système de santé », dénonce Stéphanie Grassi, la porte-parole de la marche, « Ma santé j’y tiens 71 ».
« C’est une loi inadaptée aux vrais problèmes comme la baisse de la démographie médicale », renchérit Jean-Paul Hamon, président du syndicat de médecins libéraux FMF (Fédération des médecins de France), qui s’est joint au mouvement. Dans la profession, tous, du praticien rural au Conseil national de l’ordre des médecins, tirent la sonnette d’alarme: de moins en moins d’étudiants veulent reprendre la suite de leurs aînés qui, papy-boom oblige, prennent en masse leur retraite.
Revalorisation des tarifs
De l’avis de tous les syndicats, une revalorisation des tarifs est impérative pour rendre le métier attractif. MG France, premier chez les généralistes, réclame 2 euros de plus, pour une consultation à 25 euros. La CSMF, le principal syndicat de médecins, cible une trentaine d’euros. Mais la Sécu, avec qui les médecins négocieront les tarifs début 2016, semble peu ouverte. « Le passage de 23 à 25 euros représenterait 550 millions d’euros par an. Nous ne pourrons pas tout soutenir financièrement », a déclaré samedi Nicolas Revel, directeur général de l’Assurance-maladie, à l’université d’été de la CSMF. Et d’ajouter qu’en brut les revenus des médecins avaient crû de 9,3 % entre 2010 et 2014. Un discours peu apprécié par le président de la CSMF, Jean-Paul Ortiz, qui craint des restrictions budgétaires au « détriment de la médecine de ville ».
Dans ce contexte, le projet de loi santé n’arrange rien. Pire, « la généralisation du tiers payant (la dispense d’avance de frais pour le malade, NDLR) qui y est inscrite va aggraver la démographie libérale », accuse Jean-Paul Hamon. En ajoutant, par exemple, une couche supplémentaire de tracasseries administratives, dissuadant encore davantage les jeunes de choisir l’exercice libéral. Plus généralement, « la loi de santé de Marisol Touraine annonce la mort du système de santé français au profit d’une médecine administrée », estime le Syndicat des médecins libéraux (SML).
Étatisation de la santé
Les Républicains et centristes de l’UDI, qui détiennent la majorité au Sénat, ont entendu les médecins. « Le projet de loi santé, en l’état, est un texte jacobin. Il instaure une étatisation de la santé et ignore les personnels de santé libéraux », cingle le sénateur républicain Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Les sénateurs Républicains et centristes de la commission l’ont donc détricoté. Le tiers payant généralisé a été supprimé. «On ne sait même pas encore comment les médecins feront, concrètement, pour l’appliquer! », observe Catherine Deroche, co-rapportrice Républicain du texte. La commission a aussi allégé le texte, le faisant passant de 209 à 47 articles. « Le gouvernement parle de simplification du Code du travail, mais avec le projet de loi Touraine, le droit de la santé se complexifiera », juge Élisabeth Doineau, co-rapportice UDI.
Les débats au Sénat s’achèveront le 2 octobre 2015. Puis le texte retournera en dernière lecture à l’Assemblée, où les députés devraient revenir sur les corrections des sénateurs. Voilà pourquoi les médecins ne désarment pas. Les syndicats les plus protestataires, la FMF et le SML, ainsi que la coordination de l’Union nationale pour la médecine libérale (UFML, non représentative) ont déjà annoncé un « blocage sanitaire » – comprendre la fermeture des cabinets – à partir du 3 octobre 2015. De son côté, MG France appelle à la grève à partir du 5 octobre 2015.
Guichard Guillaume, Le Figaro – SOURCE –