Elle fête ses 70 ans cette année et, si les Français la plébiscitent, elle subit bien des attaques. Ses détracteurs l’accusent de coûter cher, d’être en déficit constant. On connaît l’adage : « qui veut noyer son chien, l’accuse de la rage ». C’est pourtant un formidable instrument de cohésion sociale. Décryptage des principales idées reçues sur la Sécu.
La Sécu coûte cher
On considère aujourd’hui comme acquis que la Sécurité sociale est une charge pour l’économie. Plus encore en période de crise, où l’on entend répéter que la France n’a plus les moyens de son modèle social. Bien des études montrent, à l’inverse, que les dépenses pour la santé ont un impact positif sur l’économie. D’abord, depuis sa création, la Sécu a contribué à un allongement extraordinaire de l’espérance de vie. Elle a aussi été à l’origine d’une réduction importante des inégalités, même si beaucoup reste à faire.
On sait aussi que, dans les pays où les dépenses sociales sont les plus élevées, la proportion de la population confrontée à la pauvreté est moins importante, l’état de santé et la productivité sont meilleurs.
Mais surtout, le secteur sanitaire crée chaque année en France 40 000emplois non délocalisables. Enfin – et c’est l’Ocde qui le dit –, si notre pays a mieux résisté à la crise que nombre de ses voisins, c’est grâce à son bon niveau de protection sociale. Alors, si l’on considérait enfin ces dépenses en termes d’investissement et non plus seulement en termes de coût ?
Son déficit est abyssal
Le déficit de l’assurance-maladie devrait atteindre 6,9milliards d’euros en 2015. C’est beaucoup, mais c’est seulement 3,5% du budget total de l’assurance-maladie, qui s’élève à 200 milliards d’euros.
Les Français sont irresponsables…
Ils gaspilleraient l’argent public en consommation médicale inconsidérée. Cette suspicion, qui dure depuis des années, a conduit les pouvoirs publics à « responsabiliser » les assurés en mettant en place des tickets « modérateurs » pour les consultations et les médicaments, et un forfait hospitalier. Si ces mesures ont, en effet, permis à la Sécu de faire des économies, les dépenses de santé, elles, n’ont pas baissé. Car la santé n’est pas un produit de consommation comme un autre et sur lequel on peut faire l’impasse.
Les remboursements se sont donc reportés sur les mutuelles, en tout cas pour ceux qui en ont une. Les plus modestes renoncent aux soins.
… assistés…
La Sécurité sociale est un système d’assurances sociales fondé sur un équilibre cotisations-prestations. Les prestations distribuées sont des droits issus des cotisations du travail. Un jeune étant un futur salarié, de même qu’un chômeur est un actif privé d’emploi, et un retraité, un ancien travailleur, ce système solidaire est donc tout l’inverse d’un système d’assistanat.
… et fraudeurs
Les fraudes des assurés sont évaluées à 19,7millions d’euros. Il s’agit notamment de fausses déclarations d’indemnités journalières en cas d’arrêt de travail ou de demandes indues de pensions d’invalidité. C’est trop, mais c’est à peine 12% de l’ensemble des fraudes qui a atteint 174 millions d’euros en 2013.
La moitié de ces redressements concernent les professionnels de santé pour des prestations surfacturées, voire « fictives »: infirmiers (18,3 millions d’euros de fraudes), transporteurs sanitaires, ambulanciers et taxis (17,6millions d’euros). S’y ajoutent les préjudices détectés auprès des médecins généralistes et spécialistes (6,1millions), des dentistes (4,7 millions) et des kinésithérapeutes (3millions). Les établissements de santé ont été pris en faute à hauteur de 65,8millions d’euros.
Les cotisations sociales nuisent à la compétitivité des entreprises
En France, le niveau des charges sociales est du même ordre de grandeur qu’en Allemagne ou dans les pays nordiques. Les économies les plus compétitives à l’échelle mondiale sont celles où les salaires et la protection sociale sont élevés. Si la main-d’œuvre est plus chère, elle est aussi plus productive et qualifiée.
Les Français ne peuvent pas payer plus pour la Sécu
Nous sommes, en effet, arrivés au bout d’un système axé sur les cotisations sociales et la Csg. Certes, la Csg taxe aussi les revenus du capital, mais elle repose surtout sur les revenus du travail. Il faut aller plus loin: en taxant plus le capital –son taux de taxation est de l’ordre de 15%, alors que celui des revenus du travail est de plus de 40% –et la transmission du patrimoine. En quinze ans, le patrimoine des Français a doublé.
Il serait normal que cette richesse participe au financement de la protection sociale.
La gestion de la Sécurité sociale coûte trop cher
En 2011, selon la Cour des comptes, les frais de gestion des organismes de Sécurité sociale représentent seulement 3% de leurs dépenses totales. Un ratio tout à fait raisonnable.
Bientôt tout le monde aura une mutuelle
Certes, le gouvernement a rendu obligatoire la complémentaire santé dans les entreprises, et parle d’aider les futurs retraités. Mais chômeurs, retraités et jeunes en formation sont exclus du dispositif. Les plus modestes pourront bénéficier de dispositifs comme la Cmu-c ou l’aide à la complémentaire santé. Mais des millions de personnes, au-dessus des seuils, devront se débrouiller pour payer leurs cotisations… Ou renoncer aux soins.
Enfin, chacun aura ses propres garanties. Quid de l’universalité des droits ?
Anne-Marie Thomazeau – Magazine VIVA – SOURCE