USA : Donald Trump, un candidat Républicains

Populiste, aux frontières du racisme et du sexisme, le candidat à la primaire républicaine alimente l’été politique américain de ses frasques. Problème : Donald Trump est aussi donné favori dans les sondages.

C’est le feuilleton politique de l’été, et il est du genre tragi-comique. Donald Trump, en tête des sondages pour la primaire républicaine, distance Jeb Bush, le frère de George W., condamné à courir derrière le milliardaire aux cheveux orange et à respirer ses traînées de cigare.

Selon un récent sondage pour ABC/Washington Post, Trump est le choix numéro un des républicains blancs sans diplôme (un tiers des intentions de vote). On touche du doigt la relation complexe que les Américains entretiennent avec l’argent et le statut social, mais c’est un fait : le prolétariat blanc plébiscite un milliardaire, propriétaire de dizaines de terrains de golf et du concours Miss Univers.

La forme de son discours explique en partie cet enthousiasme. La rhétorique populiste de Trump, ses réponses binaires à des questions compliquées (“On revient en Irak, on défonce Daech et on prend le pétrole”, propose-t-il lors du meeting de Birch Run, Michigan, le 11 août), son machisme et son racisme à peine voilés : les exemples sont trop nombreux pour être recensés ici, mais son absence de filtre renvoie de lui une image plus sincère que celle de ses poursuivants.

“Make America Great Again!”

Trump plaît aussi aux jeunes : Drew Presto, 21 ans, agent immobilier du Michigan de passage à New York, est un fan autoproclamé. “Il a assez de fric pour dire ce qu’il pense. Il n’est pas bridé par le parti. Ses déclarations sur les immigrés sont transformées par les médias de gauche, mais ce qu’il dit n’est pas con. Et on a davantage besoin d’un entrepreneur que d’un politicien pour redresser le pays.”

Après avoir longtemps tourné autour du pot, Trump s’est jeté dans l’arène politique au début de l’été. “Make America Great Again!” : le slogan est dévoilé au rez-de-chaussée de la Trump Tower de Manhattan haute de 202 mètres, symbole phallique de sa puissance financière. Ce jour-là, Trump régale son audience de déclarations brutes et arrogantes – autant de pépites pour les programmes satiriques des chaînes du câble.

“Les lobbyistes, je m’en branle”

Les autres candidats “ne rendront pas à l’Amérique sa grandeur, ils sont totalement à la botte des lobbies (…) Alors que moi, j’ai mes propres lobbyistes ! Ils font tout pour moi, des gens super.” Sa fortune fabuleuse est son meilleur atout pour séduire l’électeur, parce qu’elle le rend totalement indépendant et libre de dire ce qui lui chante.

Donald Trump l’a martelé dès le mois de mai avant l’officialisation de sa candidature : “Les lobbyistes, je m’en branle.” Spécialiste de l’électorat ouvrier, Stanley Greenberg explique au New Yorker que le pire des scandales pour la working class blanche, “c’est la corruption du système politique. Ils pensent que les grandes compagnies achètent leur influence à Washington pendant que l’Américain moyen est laissé sur la touche.” Trump fait ainsi habilement oublier qu’il n’est pas un self made man et qu’il a d’abord hérité de sa fortune.

Constant dans sa ligne ultralibérale

Fils de développeur immobilier, avec un ego sans équivalent même au pays de la réussite individuelle, il a fait fructifier cette fortune et bâti un empire à son nom. Trump possède des casinos à Atlantic City et Las Vegas, des parts dans l’industrie du catch. Les Américains connaissent bien ses gratte-ciel affichant son nom en lettres capitales (la Trump Tower de Chicago est le deuxième plus haut building de la ville).

Trump a aussi écrit une dizaine de livres dont Penser comme un champion ou Comment devenir riche. La discrétion, les coulisses ? Pas son truc. Depuis les années 80 Trump squatte les plateaux de télévision, donne son avis sur tout et rien, constant dans sa ligne ultralibérale.

Pour l’appareil républicain, “The Donald” est devenu une nuisance sérieuse. Distant filleul du roi Midas, il transforme les étrons sortis de sa bouche en or électoral, grappillant des voix aux favoris du parti. Dès les premières minutes de sa campagne, une saillie sur les immigrés mexicains (“(Le Mexique) nous envoie ses gens à problèmes (…) Ils amènent la drogue et le crime. Ce sont des violeurs.”) essuie une condamnation médiatique unanime et les travailleurs latinos manifestent devant ses hôtels.

“La majorité silencieuse est avec moi”

Immédiatement lâché par ses partenaires financiers, comme la chaîne NBC et le syndicat des golfeurs professionnels, Trump semblait mal parti, jusqu’à ce que tous les sondages le placent en tête de la primaire. Dans la foulée, il organise le 11 juillet un grand meeting en Arizona, Etat à la frontière avec le Mexique où la question des immigrés est une préoccupation majeure. “La majorité silencieuse est avec moi, et nous allons reprendre le pays”, lance-t-il aux supporters massés dans le Convention Center de Phoenix. Il attaque Jeb Bush, “faible sur l’immigration”, et confirme aux stratèges du Parti républicain ce qu’ils craignaient : Trump ne fait pas de manières, il roule pour lui-même et insultera publiquement les anciens copains si ça lui chante.

“Nothing personal, just business”, comme il a souvent dit dans The Apprentice, le show de téléréalité qu’il a produit pendant dix ans pour NBC et qui l’a fait entrer pour de bon dans la pop culture. Un Koh-Lanta du marketing dont il est le totem. Le principe : des candidats s’affrontent pour obtenir un emploi de manager dans une des branches de l’empire.

Quand un candidat n’est pas au niveau, Trump lui donne le baiser de la mort en fin d’épisode : un cinglant “T’es viré !”, lancé depuis de son fauteuil en cuir de pdg. La phrase est devenue un classique des cours de récréation. Ces temps-ci, ses adversaires ne manquent pas de lui lancer à la figure qu’après sa diatribe sur les immigrés mexicains, c’est lui qui s’est à son tour fait virer de NBC.

Obsédé par l’argent

Les analystes de ce numéro de cirque politique se divisent en deux catégories. Ceux qui disent que le Parti républicain sait ce qu’il fait et que les outrances de Trump permettront aux candidats plus sérieux de se montrer sous un jour modéré.

D’autres, comme Frank Bruni du New York Times, assurent que les stratèges républicains sont dans l’embarras. Pour gagner la présidentielle, ils doivent mathématiquement attirer les minorités ethniques dans leur giron, mais aucun adversaire n’ose vraiment clasher Trump de peur de froisser la working class blanche. Si le parti est à l’origine de cette campagne, il a engendré un golem.

Les libéraux se frottent les mains en voyant les républicains englués dans le piège Trump. Ils jouent aussi à se faire peur en imaginant une star de téléréalité aux manettes de la première armée du monde.

Mais Trump n’ira sûrement pas au bout : d’après la rumeur, il serait trop obsédé par l’argent. Selon le scénario le plus probable, il se retirera de la course après avoir récolté des millions de dollars et bouclé une fabuleuse campagne publicitaire. Président des Etats-Unis, c’est peut-être beaucoup de soucis, et pas si bien payé que ça, finalement.

Maxime Robin – Les Inrocks – SOURCE