Le meurtre d’un nourrisson palestinien, brûlé vif vendredi lors d’une attaque de colons, a été condamné largement en Israël. Mais seule une partie de l’opposition met clairement en cause la politique de colonisation menée par le gouvernement de Benyamin Netanyahou.
L’horreur, vendredi, à Douma, en Cisjordanie. Quatre hommes masqués ont lancé des cocktails Molotov sur la maison de la famille Dawabcheh. Le bébé de dix-huit mois, Ali, n’en réchappe pas. Il est mort, brûlé vif. Ses parents et son frère se trouvent dans un état « critique ».
Les auteurs, des colons, sont recherchés par les autorités israéliennes. Si l’identité des agresseurs est inconnue, les visages des responsables indirects sont, eux, bien connus. Ce week-end, le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a eu beau jeu d’user de mots durs. Il a qualifié l’incendie d’« attaque terroriste », un vocable qu’il utilise habituellement pour désigner les actions de la résistance palestinienne.
Mahmoud Abbas va saisir la Cour pénale internationale
Le chef de gouvernement, qui a rendu – fait exceptionnel – visite aux parents, a même promis « d’arrêter les meurtriers et de les traduire en justice ». Cela masque mal que sous son règne les actions des extrémistes implantés dans les colonies ont rarement fait l’objet de poursuites.
On compte 11.000 attaques de colons ces dix dernières années en Cisjordanie, rappelle l’Autorité palestinienne, tandis que l’ONG israélienne Yesh Din relève que quinze maisons palestiniennes ont été brûlées depuis 2008 sans que les auteurs ne soient inquiétés.
Le gouvernement israélien, et celui qui en tient les commandes depuis 2009, Benyamin Netanyahou, portent une responsabilité énorme. « Les partis de droite au gouvernement ne peuvent s’arrêter à la condamnation, en se lavant les mains », a dénoncé Dov Khenin, député de la Liste unie. Depuis des années, le premier ministre n’a cessé de jouer avec le feu en s’appuyant sur les lobbies et les partis colonialistes.
Certes, l’action des colons, rassemblés vendredi sous le mot d’ordre « le prix à payer », fait suite à la destruction, mercredi, de deux maisons inachevées dans la colonie de Beit El, à la demande de la Cour suprême israélienne. Mais ce même mercredi, le gouvernement a fait savoir qu’il autorisait la construction « immédiate » de 300 logements dans cette même colonie.
Ce n’est pas la première fois qu’une telle annonce est prononcée. Les nouveaux logements pullulent notamment à Jérusalem-Est et autour de ce qui doit devenir la capitale de l’État de Palestine. Et pour cause : au sein du gouvernement de Netanyahou, qui voit la participation de l’extrême droite, les colons se sont arrogé de bonnes places. Le Foyer juif de Naftali Bennett détient ainsi le portefeuille de la justice.
En Cisjordanie, l’émotion a été vive. En témoignent les manifestations dès vendredi, journée au cours de laquelle deux adolescents ont également été tués par l’armée d’occupation. Tout le week-end, de jeunes Palestiniens ont affronté les soldats israéliens.
Peu confiante en la capacité de Tel-Aviv à faire justice, l’Autorité palestinienne, par la voix de son président, Mahmoud Abbas, a annoncé qu’il allait saisir la Cour pénale internationale, dont les Palestiniens sont membres depuis cette année.
Le camp de la paix, en Israël, s’est également mobilisé. Des rassemblements se sont tenus samedi dans de nombreuses villes du pays. À Tel-Aviv, le mot d’ordre était « Stop à la haine », mais parmi les forces politiques, seules la formation de gauche Meretz et la Liste unie ont clairement mis en cause la politique de colonisation, relève un communiqué du Parti communiste israélien.
À Jérusalem, le cortège a pris un tour particulier : les manifestants se sont rendus sur les lieux où, jeudi dernier, un extrémiste religieux a blessé à coups de couteau six participants à la Gay Pride.
Gaël De Santis – SOURCE
Compilation lu dans Courrier intl. reuni par Carlin Lorenz
Israël affiche la “tolérance zéro” contre les extrémistes juifs
Un ultra-orthodoxe poignarde des participants à la Gay Pride de Jérusalem. Des colons radicaux incendient une maison et tuent un bébé palestinien. Après ces attaques, Israël affronte un problème longtemps refoulé : le terrorisme juif.
Ali Dawabcheh et Shira Banki avaient la vie devant eux. Le petit garçon avait 18 mois quand il est mort dans une maison incendiée supposément par des extrémistes juifs dans la nuit du 31 juillet près de Naplouse en Cisjordanie. La jeune fille, elle, avait 16 ans. Poignardée le 30 juillet à la Gay Pride de Jérusalem, elle est morte dimanche 2 août au soir.
Ce week-end, des milliers de personnes se sont réunies à travers le pays pour dénoncer ces attaques. Et le Premier ministre Benyamin Nétanyahou en a profité pour affirmer sa détermination à “lutter de toutes nos forces contre ce phénomène de la haine, du fanatisme et du terrorisme de quelque côté que ce soit”. Le gouvernement affiche la “tolérance zéro” contre les responsables des attaques.
Un bébé palestinien meurt dans une maison incendiée par des colons
Ainsi, depuis le 2 août, les terroristes à l’origine des attaques pourront être mis en détention administrative – c’est-à-dire sans charge et pour une durée illimitée. Cette mesure habituellement réservée aux Palestiniens a été autorisée par le ministre de la Défense dimanche.
Les jours les plus difficiles
Mais la presse, elle, se demande surtout si la justice du pays a été trop conciliante avec les extrémistes juifs. “Ces derniers jours comptent parmi les plus difficiles dans la courte histoire de l’Etat. Le fil rouge entre ces terribles incidents est l’extrémisme religieux”, écrit le Jerusalem Post.
Le quotidien cite d’autres protestations, affrontements et violences survenus ces derniers jours et conclut : “Tous ces incidents sont motivés par l’extrémisme religieux, que ce soit du côté juif ou du côté musulman.” Mais concernant l’extrémisme juif, “une partie importante de la société israélienne – surtout parmi les plus religieux – rechigne à condamner publiquement ces actes abominables et s’identifie avec l’animosité des coupables envers les Arabes ou les homosexuels. […] Nous devons soutenir de manière offensive une vision plus libérale d’Israël, plus démocratique et plus respectueuse de l’humanité de toute personne, indépendamment de sa religion, son orientation sexuelle ou son identité nationale.”
Pour le quotidien Ha’Aretz, Israël n’est plus le même pays qu’il y a 20 ans : “Le danger qui nous attend aujourd’hui, venant de la nouvelle droite, bruyante et arbitraire, est très différent. Les événement de ces derniers jours sont le fruit de l’ambiance irresponsable créée récemment [dans le pays]”.
Plus radical, le quotidien Yediot Aharonot, de son côté, estime : “Il faudra du courage pour affronter les terroristes juifs. Cette fois-ci, on ne pourra pas se cacher. Nous devons retourner chaque pierre, les arrêter, les persécuter et détruire leurs maisons. Sans une décision courageuse, une fois pour toute, cette affaire ne se calmera pas.”
Le président israélien, lui, a porté plainte après avoir reçu des menaces de mort. Des extrémistes lui reprochent d’avoir fait preuve de trop d’empathie à l’égard des Palestiniens après l’attentat en Cisjordanie.