Hypnose médicale

À l’hôpital Saint-Joseph de Paris, l’hypnose médicale est entrée au bloc opératoire. Objectif : moins d’anesthésies générales et de médicaments, et une communication de qualité avec le patient. Reportage. 8h30, bloc opératoire de l’hôpital Saint-Joseph. Gilber (1), quatre-vingt-six ans, est allongé sur la table d’opération. L’équipe soignante s’affaire autour de lui. « Ce patient souffre d’une sténose carotidienne (Ndlr : un amas de résidus bouche sa carotide). Il risque un AVC massif, explique Marc Galy, anesthésiste et fervent pratiquant de l’hypnose médicale (2). L’intervention oblige le patient à rester dans une position assez inconfortable – la tête penchée sur un côté et le cou tendu – et fatigante pendant deux bonnes heures. Et, à son âge, c’est encore plus lourd.»

La feuille blanche

Le Dr Galy a rencontré Gilbert lors d’un entretien préalable : « Vous étiez dans quoi déjà, vous ?» En apparence calme, Gilbert sourit: « J’étais représentant en meubles…» Tout en préparant une perfusion, le monitoring et les documents administratifs d’usage, le médecin nourrit la conversation hypnotique : « On va partir en voyage, on va se promener un petit peu ; on est là, on est tranquille…» Gilbert lance : « J’ai mon dos qui se plaint un peu.» Le Dr Galy renchérit : « On va l’oublier un peu… On est tranquille.» Deux infirmières replacent Gilbert sur la table, à force de draps pliés.

Le médecin lui glisse une feuille blanche dans la main: « Elle est comment cette feuille ?» Gilbert, attentif, répond : « Elle est blanche.» « Vous allez vous servir de cette feuille pour penser, imaginer un endroit, une rencontre… À votre rythme… Tout ce que vous voulez, ça vous appartient ; c’est un moment pour vous, ça ne nous regarde pas… Restez libre…» Gilbert ne dit plus rien, ferme les yeux, mais ne dort pas. Le Dr Galy procède à l’anesthésie locale, dont il suit le chemin dans le cou du patient via une échographie. De sa voix douce, il ajoute : « On va faire ce qu’on a à faire. Tout est tranquille… Profitez de ce moment particulier. »

Le confort du patient

« Je crée une confusion. Je parle de tout et de rien, explique Marc Galy, formé à l’hypnose médicale à l’hôpital de la Pitié-Salpétrière. Le patient ne sait plus et se laisse aller. Quand il regarde la feuille blanche, il réduit sa réflexion. » Samy Anidjar, chef du service cardio-vasculaire, lunettes de chirurgien (aux 4, voire 6 verres) chaussées sur le nez, fait son entrée. Les deux hommes font équipe depuis dix-huit ans. Ils ont découvert l’hypnose médicale ensemble, il y a cinq ans, à Liège. Depuis, cette technique est intégrée à leur quotidien au bloc.

Le Dr Anidjar plaisante avec l’équipe : « Mes enfants m’appellent le chirurgien hypnotique ! » Il confie à voix basse : « L’hypnose permet de maintenir à la fois le calme et la vigilance du patient. Ainsi, on fait moins appel au médicament. C’est la solution ! »

Le confort du patient s’en trouve amélioré pendant et après l’opération : non seulement sa dou­leur est moindre, mais il a aussi moins de nausées, de vomissements et de fatigue postopératoires. Pendant toute l’intervention, le Dr Anidjar parlera lui aussi de choses et d’autres à Gilbert, dont la tête est cachée par un drap. Alors que le Dr Galy, assis à son chevet, une main posée sur son bras et un œil collé sur le monitoring, poursuivra la conversation hypnotique d’une voix basse et lente : « On est tranquille…»

Après deux heures sur la table, Gilbert, la carotide débouchée et le cou recousu, encore un peu dans son monde, déclare : « J’étais bien… Je n’ai rien pensé.»


Carine Hahn- Revue Valeurs mutualistes N° 297


  1. Le prénom a été changé.
  2. Auteur de Pourquoi l’hypnose ? Du bloc opératoire à la vie quotidienne, éditions Sauramps médical, 2015.

Les enfants aussi L’hypnose permet de gérer la douleur dans les services pédiatriques de plusieurs CHU, comme ceux de Rennes ou de Montpellier. Grâce à leur imagination spontanée, les enfants (à partir de six ans) sont souvent plus réceptifs à cette technique que les adultes.


Notes : Pour avoir subi cette intervention sur les 2 carotides à quelques mois d’intervalle, à l’hôpital Bichât, je suis étonné par cet article. En effet les chirurgiens travaillant dans cette zone « sensible » ou se trouvent un certain nombre de « commandes » –la voix, la sensibilité faciale, l’ouïe, etc. – font qu’il est impossible d’endormir complètement le patient. Patient qui d’ailleurs est sollicité régulièrement par les anesthésistes, ou compréhension, obligation de mouvement, élocution, motricité, exercices de souvenirs, sont mises régulièrement à l’épreuve pendant l’opération.

Certes le reportage ne dit pas si l’anesthésiste-hypnotiseur pratique ces exercices nécessaires, aux patients. D’où ma question comment en état d’hypnose peut-on répondre valablement aux questionnements et sollicitations ?  Jusqu’à maintenant, ayant toujours été opéré soit par des blocs soit par des « rachi moteur », mais si j’en ai l’occasion et le pouvoir de décision, que l’hôpital possède un anesthésiste-hypnotiseur, je pense que je ferais l’essai tant le gain après opération est appréciable. MC

Une réflexion sur “Hypnose médicale

  1. Danielle ROLLAT 19/07/2015 / 12h29

    C’est une piste intéressante qui mérite d’être explorée et développée. Les patients ne devraient en retirer que des avantages, et aussi avec moins de risques d’accidents anesthésiques.

Les commentaires sont fermés.