L’ex ministre des finances grec Yanis Varoufakis, démis de ses fonctions au lendemain du référendum du 5 juillet, ne s’est pas résigné à prendre une retraite discrète. Au contraire.
Après plusieurs interventions musclées et à quelques heures du vote du Parlement sur l’accord du 13 juillet, il a publié une version intégrale du texte, avec ses remarques et annotations corrosives (Article daté du 15 juillet 2015).
Voici ses dix remarques les plus cinglantes à propos de cet accord qu’il a comparé au Traité de Versailles, symbole de l’humiliation de l’Allemagne à l’issue de la Première guerre mondiale, en 1919: Et aussi: La version intégrale de l’accord annoté par Varoufakis.
- Berlin ne fait confiance qu’au FMI « Il est attendu d’un État membre de la zone euro demandant l’assistance financière du MES qu’il adresse, lorsque cela est possible, une demande similaire au FMI. Il s’agit d’une condition préalable pour que l’Eurogroupe approuve un nouveau programme du MES. La Grèce demandera donc que le FMI maintienne son soutien (surveillance et financement) à partir de mars 2016.
[Berlin croit toujours que la Commission n’est pas fiable pour ‘policer’ les propres plans de sauvetage de l’Europe.]
- Une totale soumission de la Grèce est exigée « Compte tenu de la nécessité de rétablir la confiance avec la Grèce, le sommet de la zone euro se félicite que la Grèce ait pris l’engagement de légiférer sans délai sur une première série de mesures. »
[la Grèce doit se soumettre elle-même à un waterboarding (technique d’interrogatoire qui simule la noyade, NDLR) fiscal, avant même qu’aucun financement ne soit proposé]
- La hausse de la TVA, catastrophique et inefficace « une rationalisation du régime de TVA …
[pour la rendre plus rétrograde, grâce à une hausse des taux qui encourage la fraude à la TVA]
… et un élargissement de l’assiette fiscale afin d’accroître les recettes »
[infligeant un coup majeur à la seule industrie de croissance grecque – le tourisme]
- Encore et toujours plus d’austérité « la pleine mise en œuvre des dispositions pertinentes du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, notamment en rendant opérationnel le conseil budgétaire avant la finalisation du protocole d’accord et en introduisant des réductions quasi automatiques des dépenses en cas de dérapages par rapport à des objectifs ambitieux d’excédents primaires, après avoir sollicité l’avis du conseil budgétaire et sous réserve de l’accord préalable des institutions
[le gouvernement grec, qui sait que les objectifs fiscaux imposés ne seront jamais atteint avec l’austérité imposée, doit s’engager à plus d’austérité automatique comme résultat des nouveaux échecs de la troïka]
- Faillites en cascade « l’adoption du code de procédure civile, qui représente une refonte en profondeur des procédures et modalités propres au système de justice civile et peut accélérer considérablement les procédures judiciaires et réduire les coûts dans ce domaine
[faillites, expulsions, et liquidation de milliers de foyers et de commerces qui ne sont plus en position de payer leur emprunt/loyer]
- Syriza doit être humilié « Le sommet de la zone euro souligne la nécessité cruciale de rétablir la confiance avec les autorités grecques, condition préalable pour un éventuel futur accord sur un nouveau programme du MES. À cet égard, il est essentiel que la maîtrise du processus revienne aux autorités grecques, et les engagements pris dans ce contexte devraient être suivis d’une mise en œuvre effective.
[le gouvernement Syriza doit être humilié au point qu’il lui est demandé de s’imposer à lui-même une rude austérité comme premier pas vers la demande d’un autre prêt de sauvetage toxique, du genre de ceux que Syriza combat, ce pour quoi il est connu internationalement]
- L’asphyxie tactique des créanciers « Afin de pouvoir servir de base à la conclusion positive du protocole d’accord, les mesures de réforme présentées par la Grèce doivent être sérieusement renforcées compte tenu de la profonde dégradation de la situation économique et budgétaire du pays au cours de l’année dernière.
[le gouvernement Syriza doit accepter le mensonge selon lequel il a, et non l’asphyxie tactique de ses créanciers, causé la profonde détérioration des six derniers mois – la victime doit prendre le blâme à la place du méchant]
- Les sommes dérisoires des privatisations « élaborer un programme de privatisation nettement plus étoffé avec une meilleure gouvernance; des actifs grecs de valeur seront transférés dans un fonds indépendant qui monétisera les actifs par des privatisations et d’autres moyens. La monétisation des actifs constituera une source permettant le remboursement programmé du nouveau prêt du MES et générera sur la durée du nouveau prêt un montant total fixé à 50 milliards d’euros, dont 25 milliards d’euros serviront au remboursement de la recapitalisation des banques et d’autres actifs, et 50 % de chaque euro restant (c’est-à-dire 50 % de 25 milliards d’euros) serviront à diminuer le ratio d’endettement, les autres 50% étant utilisés pour des investissements.
[le bien public sera vendu et les sommes dérisoires iront au service d’une dette insoutenable – avec précisément aucun reste pour l’investissement public ou privé]
- Faire de la Grèce une technocratie inepte « conformément aux ambitions du gouvernement grec, moderniser et considérablement renforcer l’administration publique grecque, et mettre en place, sous l’égide de la Commission européenne, un programme de renforcement des capacités et de dépolitisation de l’administration publique grecque.
[Transformer la Grèce en une zone zéro-démocratie calquée sur Bruxelles, une forme de prétendu gouvernement technocratique, qui est politiquement toxique et macro-économiquement inepte]
- Une dette insoutenable? Ca alors! « De sérieux doutes planent sur le caractère soutenable de la dette grecque. [Vraiment? Ca alors!] Cela est dû au relâchement des politiques au cours des douze derniers mois, qui a entraîné la dégradation récente de l’environnement macroéconomique et financier du pays. Le sommet de la zone euro rappelle que les États membres de la zone euro ont, tout au long de ces dernières années, adopté une série impressionnante de mesures pour soutenir la viabilité de la dette de la Grèce, qui ont allégé le service de la dette de la Grèce et sensiblement réduit les coûts. »
[ce ne sont pas les plans de ‘sauvetage’ de 2010 et 2012 qui, en conjonction avec une austérité destructrice de PIB, ont fait grimper la dette jusqu’à des hauteurs immenses – c’est la perspective, et la réalité, d’un gouvernement qui a critiqué ces prêts… qui a rendu la dette insoutenable!]
Duval Jean-Baptiste, Huffington Post – Source Titre original « Grèce : Yanis Varoufakis publie sa version annotée et corrosive du nouvel accord avec la troïka »
http://www.huffingtonpost.fr/2015/07/15/grece-varoufakis_n_7802250.html