Henri Peña-Ruiz, maître de conférence à l’Institut d’études politiques de Paris, ancien membre de la commission Stasi qui a donné lieu à la loi sur le port ostensible de signes religieux à l’école, il travaille sur les questions de laïcité et de justice sociale.
- Qu’est ce qui vous a amené à vous intéresser au principe de laïcité ?
Ce qui m’a poussé à m’intéresser à la laïcité, c’est la poussée de fanatismes religieux dans les trois monothéismes, dans les années 1970, 1980. Par exemple, des catholiques intégristes avaient alors commis un attentat contre un cinéma qui projetait « La dernière tentation du Christ » à Paris. Le statut du religieux dans le politique m’est apparu comme décisif. Mais à l’époque où je rédigeais ma thèse de doctorat, je n’imaginais pas que cette question prendrait une telle ampleur.
- Comment la définissez-vous ?
L’exigence laïque n’est pas anti-religieuse, il y a d’ailleurs beaucoup de croyants qui sont profondément laïcs. La laïcité c’est une conception de l’État qui se fonde sur trois principes indissociables : la liberté de conscience, l’égalité de droits des différents croyants, des athées et agnostiques, l’orientation de la puissance publique vers le seul bien commun, comme l’accès à l’instruction, à la culture, à un logement… L’argent public ne doit donc en aucun cas financer les religions. La loi vise tout croyant qui estime avoir une liberté illimitée de manifester sa foi quel que soit le contexte.
- Quel bilan faites-vous de la loi de la commission Stasi ?
Elle a été excellente, n’en déplaise à ceux qui voudraient la remettre en cause. Elle a remis la laïcité à la place qui est la sienne. Avant, la laïcité était laissée à la merci des rapports de force locaux. Les chefs d’établissements, par exemple, étaient soumis à des pressions de la part des groupes religieux. Avec la loi, on a dit que si la laïcité est une loi, était une loi de la république, il fallait la réaffirmer au niveau légal.
Il faut continuer à expliquer ce qu’est la laïcité. Je pense que c’est un merveilleux principe de fraternité qui permet à tous de vivre ensemble, à condition de respecter les mêmes règles.
- Certains estiment que c’est une loi liberticide…
Il ne faudrait pas caricaturer la laïcité en disant qu’on interdit les signes religieux partout, c’est totalement faux. Il y a une exigence de retenue pour l’État définit par la loi, dans certains lieux et certaines circonstances. Les différences peuvent s’affirmer, mais dans l’école, il faut mettre en avant ce qui est commun. L’enfant d’une famille qui a telle conviction, a le droit de découvrir qu’il est aussi porteur d’universalité et qu’il peut s’affirmer autrement que ne le demande sa famille. Il ne s’agit pas d’aller à l’encontre de l’éducation familiale, mais de donner à l’enfant devenu élève, une deuxième vie qui met la tradition à distance.
Propos recueillis par L.H. – SOURCE