Suppression des Guignols de l’info où …

… quand l’industriel utilise ses médias pour ses affaires.

Jean-Luc Mélenchon, Cécile Duflot et Bruno Le Roux ont depuis quelques heures une cible commune. Alors que plusieurs médias ont annoncé la disparition des Guignols de l’Info à la rentrée, Vincent Bolloré qui est l’actionnaire de Canal+ via Vivendi est vivement pointé du doigt.

La leader écolo dénonce un « actionnaire qui n’aime pas l’ironie », évoquant même « un bol…os » dans une allusion à une réplique qui lui est attribuée par les Guignols. Le tribun du Front de gauche se paye quant à lui « l’ami de Hollande » qui veut « censurer » l’émission. « Que cela fasse grimacer plutôt que rigoler Monsieur Bolloré, c’est son problème, pas le nôtre », dit aussi le président des députés socialistes.

Autre résumé fait par un député socialiste: « Les puissants sont toujours gênés par ceux qui disent des vérités. »

Dans le cas de Vincent Bolloré, au-delà de sa volonté d’imposer sa patte à la direction de Canal+ et sans parler de la chute d’audience du Grand Journal, son envie de se passer du programme phare de la chaîne révèlerait surtout un problème de fond. L’industriel n’aime pas beaucoup la dérision, comme il l’a affirmé sur France Inter en février dernier. « (L’esprit Canal) c’est parfois un peu trop de dérision. Je préfère quand ils sont plus dans la découverte que dans la dérision. Parce que parfois, c’est un peu blessant ou désagréable. Se moquer de soi-même, c’est bien. Se moquer des autres, c’est moins bien », avait-il déclaré.
Vincent Bolloré : « La voiture électrique est le… par franceinter

Mais en parlant de censure, les différentes personnalités politiques pointent aussi du doigt le fait qu’ à deux ans de l’ élection présidentielle, un programme comme les Guignols (même en perte de vitesse) peut rester un élément important dans le choix des électeurs.

L’occasion de reparler des connivences de l’homme d’affaire avec les personnalités politiques que l’émission peut froisser et qu’il pourrait avoir envie de ménager. S’il n’a eu de cesse entre 2012 et 2014 de rendre hommage au travail d’Arnaud Montebourg comme chantre du Made in France ou s’il a implicitement appelé à voter Anne Hidalgo aux municipales à Paris en 2014, on se souvient surtout que c’est à Nicolas Sarkozy qu’il a proposé son yacht pour quelques jours de vacances juste après la présidentielle de 2007.

Une émission sur Sarkozy et les femmes annulée à la dernière minute

Le nom de Nicolas Sarkozy renvoie aussi à la précédente affaire de censure dans laquelle le nom de Vincent Bolloré était apparu. C’était à l’époque où D8 s’appelait encore Direct 8.

Le 25 janvier 2008, une partie de l’émission « 88 minutes » diffusée le vendredi soir en direct devait avoir pour thème « Sarkozy et les femmes ». Il devait y être notamment question de la rupture avec Cécilia Sarkozy et du mariage annoncé avec Carla Bruni. Sauf que ce programme n’a jamais eu lieu.

A quelques heures de la prise d’antenne, la direction de la chaîne a annoncé son annulation, prétextant un problème technique. Directeur de l’antenne, Christian Studer affirmait qu’aucune consigne n’avait été donnée. « Il n’y a pas de raison que ce même sujet ne fasse pas à l’avenir l’objet d’une émission », disait-il aussi. Ce qui n’arriva pourtant jamais. A l’époque, plusieurs sources internes avaient pointé du doigt une décision prise par Yannick Bolloré sur ordre de son père Vincent.

Le PS avait lui aussi crié à la censure, ne croyant pas à la thèse du problème technique. « C’est un piètre mensonge pour camoufler l’influence de l’Élysée sur la programmation des médias, une preuve de plus des liens douteux existant entre les médias et notre Président », s’exclamait le secrétaire national à la riposte, Razzy Hammadi.

Autolib en bonne place dans son journal

Sur Direct 8, un autre programme a été vu comme l’illustration d’une certaine utilisation politique et industrielle que Vincent Bolloré voudrait faire de ses médias. Créée en 2006, l’émission Parole d’Afrique (présentée par l’ancien ministre de la Coopération Michel Roussin) avait pour ambition affichée de donner « une bonne image » du continent sur lequel les affaires de Bolloré sont nombreuses.

Autre exemple de mise en avant de l’industriel Vincent Bolloré dans ses médias, sans doute le plus emblématique: Autolib, la voiture électrique en libre-service disponible à Paris et dans plusieurs villes de France. Comme le pointent du doigt plusieurs sites spécialisés dans la lutte contre les conflits d’intérêts (ici ou ), toutes les bonnes nouvelles en provenance du petit véhicule font l’objet d’un article dans Direct Matin sans que les liens entre les deux partie du groupe ne soient mentionnés (Bolloré produit la voiture et possède le journal).

Quant à des cas de censure proprement dite, il y en a surtout un qui a marqué les esprits. C’était en 2009 quand Le Monde (actionnaire du HuffPost) fournissait chaque jour plusieurs pages du quotidien gratuit. Bien que mise en page, une enquête sur l’utilisation des données personnelles par la RATP avait été « trappée », la direction du quotidien l’accusant d’être à charge pour une entreprise grâce à laquelle le journal est distribué dans le métro. La société des rédacteurs du Monde s’en était émue sans pour autant que la direction de Direct Matin ne fasse marche arrière. La mobilisation de ce jeudi sauvera-t-elle les Guignols? Réponse vendredi lors d’une réunion avec les actionnaires du groupe.

L’entourage de Sarkozy réagit

L’entourage de Nicolas Sarkozy a qualifié de « grotesques » les affirmations de certains médias et personnalités, selon lesquelles l’ex-chef de l’État serait derrière la suppression éventuelle des « Guignols ». « Nicolas Sarkozy a toujours défendu le droit à la caricature, le sort des ‘Guignols’ ne le concerne en rien. Ces accusations sont grotesques et sans fondement », a déclaré à l’AFP l’entourage du président du parti Les Républicains.

L’amitié entre Nicolas Sarkozy et l’homme d’affaires Vincent Bolloré, patron de Vivendi (maison mère de Canal+), était dénoncée par certains pour expliquer la possible déprogrammation de l’émission satirique, souvent féroce avec les politiques. L’Obs titrait jeudi sur son site « Les Guignols menacés: derrière Bolloré, l’ombre de Sarkozy ».

Benoît Delépine, auteur de la première heure des « Guignols », confiait craindre « une décision politique » dans le quotidien belge Le Soir, évoquant « la proximité de l’élection présidentielle, avec Sarkozy ».

Auteur Boudet Alexandre, Huffington Post – Titre original de l’article « Vincent Bolloré et la suppression des Guignols de l’info: quand l’industriel utilise ses médias pour ses affaires » – Source


Rebondissement :

Les Guignols reste sur Canal +, V. Bolloré abandonne !

Le journal L’Obs vient de révéler la décision de Vincent Bolloré concernant l’émission emblématique de Canal +.

Les auteurs des Guignols de l’info doivent pousser un soupir de soulagement : le programme phare de Canal + sera bel et bien à l’antenne l’année prochaine ! C’est en tout cas ce qu’a indiqué Vincent Bolloré lors de la réunion du comité d’entreprise qui avait lieu ce vendredi en début de matinée. D’après L’Obs, l’homme d’affaires qui dirige la chaîne cryptée a tenu à rassurer les syndicats qui s’inquiétaient pour le futur des Guignols de l’info. Pour le moment, impossible de savoir si l’émission sera toujours diffusée à 20h, comme c’est le cas depuis plusieurs années.

Pour rappel, certaines personnalités du petit écran et du cinéma s’étaient mobilisées sur Twitter pour empêcher la suppression des Guignols de l’info. Même Alain Juppé avait changé sa photo de profil officielle sur le réseau social pour la remplacer par celle de sa marionnette. De son côté, France Télévisions se disait prêt à accueillir les Guignols de l’info sur les chaînes du groupe si les négociations n’aboutissaient pas.

Tout est bien qui finit bien pour PPD et sa bande !

Lu sur le blog l’Internaute – Source