Blatter : dehors

Joseph Blatter a une dernière chance de sauver son règne : démissionner et renoncer à se présenter pour un cinquième mandat à la tête de la Fédération internationale de football (FIFA).

L’homme qui tire toutes les ficelles du football mondial depuis plus de trente ans – comme secrétaire général depuis 1981, puis comme président depuis 1998 – n’a-t-il pas droit, à 79 ans, à une retraite bien méritée ?

Hélas, le Suisse rêve de mourir sur le trône, et il s’apprête à solliciter de nouveau, le 30 mai, les suffrages des délégués des 209 pays membres de la fédération, réunis en congrès à Zurich. La demande de son ancien ami Michel Platini, « patron » de la Fédération européenne de football (UEFA), de reporter ce scrutin n’y changera probablement rien. Une nouvelle fois, pourtant, et de manière spectaculaire, il apparaît qu’il y a quelque chose de pourri – de profondément pourri – au royaume du football sur lequel règne sans partage M. Blatter. Mercredi 27 mai, sept responsables de la FIFA, dont l’un de ses vice-présidents, Jeffrey Webb, ont été interpellés à Zurich par la police suisse dans le cadre d’une enquête ouverte par la justice américaine. Les accusations dont ils sont l’objet sont cinglantes : « escroquerie », « racket », « blanchiment d’argent »

Révolution

Ces responsables sont accusés d’avoir touché environ 150 millions de dollars en pots-de-vin et commissions, principalement lors de la commercialisation de droits liés à l’organisation ou à la diffusion de matchs ou de compétitions en Amérique du Nord et du Sud. Des soupçons de versements de pots-de-vin pèsent également sur l’attribution du Mondial 2010 à l’Afrique du Sud et du Mondial 1998 à la France. « Au moins deux générations de dirigeants du football » sont concernées par « un système vieux de vingt-quatre ans destiné à l’enrichissement grâce à la corruption dans le football international », a dénoncé la ministre américaine de la justice, Loretta Lynch. « C’est la Coupe du monde de la fraude », a ajouté Richard Weber, chargé de l’enquête pour le fisc américain. Pis encore, parallèlement à l’enquête américaine, la justice suisse vient d’annoncer l’ouverture d’une enquête pénale pour des soupçons de « blanchiment d’argent et gestion déloyale » lors de l’attribution des Coupes du monde 2018 et 2022, respectivement à la Russie et au Qatar. Candidats écartés, Américains et Anglais plaident, aujourd’hui, pour un nouveau vote. Comme lors des précédents scandales qui ont éclaboussé la FIFA ces dernières années, Joseph Blatter n’apparaît pas en première ligne. Il ne figure pas sur la liste noire du département américain de la justice et pourra toujours plaider la bonne foi trompée. Mais il est, pour le moins, responsable d’avoir laissé prospérer ce que le patron du FBI, James B. Comey, qualifie de « culture de la corruption ». Le président de la FIFA s’honorerait d’assumer cette responsabilité. Mais pour sauver l’honneur de la planète football, il ne suffira pas d’en écarter le « parrain » et de sanctionner quelques responsables. C’est toute l’institution qui devrait faire sa révolution et changer ses règles du jeu : limitation des mandats et de l’âge du président, réforme de son mode d’élection, remise à plat des modalités très opaques d’attribution de la Coupe du monde et des budgets de plus en plus faramineux qu’elle génère, établissement de règles de transparence financière élémentaire… Bref, au-delà de l’homme, c’est le « système Blatter » qui est en cause. Editorial du « Monde ».


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