En ciblant notre grand voisin dans son dernier essai, Jean-Luc Mélenchon poursuit le combat pour la refondation et la régénération démocratique de l’Europe.
Jean-Luc Mélenchon n’est pas François Hollande. Le chef de l’État avait apprécié qu’Angela Merkel lui offre, l’an dernier, au cours d’un week-end au bord de la Baltique, un tonnelet de « harengs Bismarck » au son d’un lied nostalgique de la Grande-Poméranie sur un bateau baptisé Nordwind.
L’ancien candidat du Front de gauche à la présidentielle y voit, lui, un affront : Bismarck, rappelle-t-il, est l’agresseur de la France qui fit couronner le premier empereur des Allemands à Versailles ; une partie de la Poméranie se trouve en Pologne, et l’Allemagne a dû renoncer à la revendiquer en 1990, sous pression notamment de la France ; et Nordwind « était aussi le nom de la dernière offensive en France des armées allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale ».
Cette anecdote, qui ouvre son nouvel essai et lui donne son titre, est pour le cofondateur du Parti de gauche emblématique de « l’arrogance injurieuse des dirigeants et médiacrates allemands actuels ».
L’ouvrage, bien qu’il se présente comme un « pamphlet », regorge d’informations méconnues que l’auteur convoque pour montrer combien le prétendu modèle allemand est « une imposture qui réunit les ingrédients d’une terrible déflagration ».
Au fil des pages, le lecteur y découvre ainsi les travers d’un « anti-modèle écologique », voué par nature à la pollution maximale, qui n’est pas socialement plus enviable : natalité en berne, jeunesse qui s’expatrie, réduction de l’espérance de vie, sous-investissement, précarisation des chômeurs et des salariés…
Un système fondé sur une surexploitation de la main-d’œuvre bon marché des anciens pays de l’Est, quasiment annexés économiquement. Mais la véritable cible de l’ouvrage n’est pas tant l’Allemagne que sa « doctrine politique [qu’elle veut] imposer partout » et singulièrement dans l’Union européenne : l’ordolibéralisme, un « poison allemand » partagé par la CDU et le SPD, devenu « l’opium des riches » sur tout le continent.
Même quand il dénonce « l’expansionnisme germanique », Jean-Luc Mélenchon, en analyste matérialiste, n’y voit « rien que de rationnel ». Et si l’ouvrage invite à une « confrontation » avec l’Allemagne actuelle, celle-ci « n’opposera pas le peuple français au peuple allemand » mais « les deux peuples à l’oligarchie ».
L’auteur y voit la condition d’une « refondation de l’Europe » et de sa « régénération démocratique ».
En somme, un détour obligé.
Le Hareng de Bismarck (Le poison allemand), Jean-Luc Mélenchon, Plon, 210 p. 10 euros.
Michel Soudais Article paru dans Politis n° 1352