Nouvelles de Grèce …

Il est des signes qui ne trompent pas. La mise à l’écart de Yannis Varoufakis par Alexis Tsipras pour les négociations à l’Eurogroupe ? L’ineffable Pierre Moscovici y a vu « un bon signal » – entendre : l’imminence de la capitulation grecque, déjà plusieurs fois annoncée.

Mais il prend sans doute ses désirs pour des réalités. Car Tsipras sait que cette capitulation exigée par les dirigeants européens « socialistes » ou conservateurs – une nouvelle saignée néolibérale avec hausse de la TVA, baisse des pensions, privatisations, nouvelles réformes du code du travail… – serait sa mort politique. Non, le signe qui ne trompe pas, c’est plutôt son soutien sans ambiguïté à la Commission pour la vérité sur la dette grecque, créée à l’initiative de la présidente du Parlement grec.

Lors du vote du Parlement sur la création de la Commission, le 6 avril, Tsipras a déclaré : « les questions qui se posent sur ces cinq dernières années de plans d’austérité sont immenses », « le peuple a droit d’avoir des réponses » sur l’origine de cette dette « passée de 124% du PIB au début de la crise à 175% aujourd’hui » malgré, ou plutôt à cause des politiques aberrantes imposées par les Européens.

À mesure que s’approche le terme de l’accord provisoire signé entre la Grèce et l’Eurogroupe en février dernier, la tension s’accroît sans qu’aucune des deux parties ne semble envisager un recul. La création de la Commission d’audit de la dette, et sa direction confiée à Éric Toussaint, peu soupçonnable de complaisance envers la Troïka et les anciens dirigeants grecs, signalent clairement qu’Athènes est prêt à aller jusqu’au bout. C’est-à-dire jusqu’à la rupture des négociations qui doivent se terminer fin juin, et jusqu’au défaut sur la dette de la Grèce.

Le rapport intermédiaire de la Commission d’audit doit intervenir à la mi-juin, en temps utile pour argumenter devant l’opinion publique grecque et européenne sur l’illégitimité d’une large partie de la dette. Et donc sur la légitimité corrélative d’un moratoire sur les remboursements – autrement dit, un défaut souverain. Lequel pourrait d’ailleurs intervenir plus tôt, en fait à n’importe quel moment, si le FMI ou la BCE mettaient le couteau sous la gorge de Tsipras.

Barack Obama et David Cameron, qui n’ont évidemment aucune sympathie pour Syriza, s’inquiètent ouvertement de ce suicide européen. « On ne peut pas continuer à pressurer des pays qui sont en pleine dépression », a déclaré le premier, tandis que le second s’inquiète ouvertement de la vague spéculative contre l’euro et du krach financier que risquent de provoquer le défaut grec.

Car si le ministre allemand Schaüble semble sûr de l’innocuité de ce défaut, ce n’est pas du tout l’avis de Wall Street et de la City, bien placées pour savoir… que personne n’en sait rien. Dans ces conditions, l’intervention des citoyens européens peut jouer un rôle décisif pour ébranler l’attitude irresponsable de leurs dirigeants et ouvrir d’autres possibles que cette austérité acharnée. Les mouvements sociaux européens, réunis au Forum social mondial de Tunis et plus récemment à Athènes, appellent à manifester dans les rues d’Europe lors d’une semaine d’action du 20 au 25 juin.

Pour préparer cette échéance en France, un appel lancé par le Collectif pour un audit citoyen de la dette publique, avec un large éventail de syndicats, d’associations, de personnalités, soutenues par des responsables politiques (http://www.audit-citoyen.org), rassemble déjà plus de 10000 signatures en 2 jours. Ce printemps européen sera celui du sursaut citoyen avec les Grecs ou ne sera pas.


Titre original de l’article : « Euro(pe) : suicide ou sursaut ? », auteur Coutrot Thomas, Médiapart


Autre approche

Grèce-Union européenne – Le bras de fer s’accentue – Extrait.

Le gouvernement grec a retiré de la table des négociations Yaris Varoufakis qui était devenu la bête noire des ministres des Finances de l’Eurogroupe. (…)

Il n’est pas sûr, cependant qu’ils aient gagné au change car l’équipe des négociateurs grecs (travaillant en étroite collaboration avec Yaris Varoufakis) sera Euclides Tsakalotos, ministre adjoint des Affaires étrangères et membre de l’aile gauche de Syriza !

L’Union européenne continue sa « stratégie du nœud coulant ».

Elle veut non seulement faire en sorte que Grèce accepte de se pendre mais qu’en plus, elle tresse elle-même la corde. Elle fait tout pour que ce soit le Parlement grec qui adopte des mesures de réduction des salaires, des pensions et accélère les privatisations. (…)

La « ligne rouge » de Syriza

Le gouvernement grec a accepté de faire de nombreuses concessions. Il avait envoyé, le 24 février, la liste des « réformes » qu’il comptait mettre en œuvre. Il en a envoyé trois autres depuis.

Mais Syriza s’est fixé une « ligne rouge » qu’il ne veut pas franchir, la remise en question du cœur de son programme : mise en œuvre d’un plan d’urgence humanitaire, refus de nouvelles coupes dans les salaires, les pensions ou la Sécurité sociale, refus d’une nouvelle « libéralisation » du marché du travail.

Alexis Tsipras déclarait le 31 mars devant le Parlement grec : « Nous cherchons un compromis honnête avec nos partenaires, mais ne vous attendez pas à ce que nous signions une reddition sans condition. C’est pourquoi nous sommes attaqués sans pitié mais c’est la raison pour laquelle la société nous soutient. »

Il précisait, ensuite, la politique du gouvernement grec :  « il est crucial que les recettes provenant de l’utilisation de la propriété publique ne soient pas jetées dans un gouffre sans fond pour le remboursement de la dette mais placées là où le pays en a besoin, la sécurité sociale, la croissance ».

La Grèce est aujourd’hui totalement isolée face à l’ensemble des autres États européens. (…)

Le collectif pour un audit citoyen lance un appel « La Grèce, une chance pour l’Europe » , signé par de nombreuses personnalités et soutenu par des responsables politiques issus de toute la gauche. Il demande instamment à François Hollande de s’opposer à l’étranglement financier de la Grèce et de la démocratie en Europe, et conclut sur un appel à mobilisation pour la semaine d’action européenne contre l’austérité et en soutien au peuple grec du 20 au 26 juin dans toute l’Europe.

Vous pouvez signer et diffuser l’appel sur le site du  « collectif audit citoyen » http://www.audit-citoyen.org/ ?p=6412

Source Democratie et socialisme – le blog de Gérard Filoche