Crier au charron.

Si crier au charron c’est « Hurler pour que quelqu’un nous vienne en aide. » c’est avant tout crier très fort pour que tout le monde sache les inacceptables contreparties financières de certains PDG alors que leurs salariés sont à la diète depuis plusieurs années. MC

Lundi 4 mai en début d’après-midi, à l’assemblée générale des actionnaires de Sanofi à Paris : un salarié, syndiqué à la CGT, arborait des petites affichettes sur lesquelles était écrit :  » Bye ! 4,5 m € «  et  » Hello ! 4 m € « . Deux petites phrases qui font référence au chèque de départ de Christopher Viehbacher, l’ex-directeur général du groupe pharmaceutique, remercié fin octobre 2014, et au chèque d’arrivée ( » golden hello « ) d’Olivier Brandicourt, son remplaçant, nommé mi-février et arrivé début avril.

Les salariés de Sanofi n’étaient pas les seuls à être remontés. L’agence de conseil de vote américaine ISS avait invité à voter contre. Le message est passé : la résolution détaillant la rémunération et les indemnités de départ versées à M. Viehbacher n’a obtenu que 61 % des votes (avec quelques  » ouh !  » de mécontentement dans la salle lors de l’annonce du résultat) et celle détaillant le  » golden hello  » de M. Brandicourt 64 %. Or, en AG, une résolution qui obtient moins de 80 % des voix est considérée comme contestée.

 » Le pauvre  »

 » Sanofi doit proposer des rémunérations comparables à celles que proposent les groupes concurrents. Nous ne les inventons pas ! Bien sûr, le groupe doit aussi tenir compte de leur acceptabilité sociale. Nous devons trouver notre voie au milieu de cette contradiction « , avait tenu à expliquer, avant le vote, Serge Weinberg, le président du conseil d’administration.

Cette question des indemnités de l’ancien et du nouveau patron opérationnel du groupe  » est un sujet délicat et je vais essayer de vous donner toutes les informations que vous pouvez rechercher « , avait, de son côté, déclaré Gérard Van Kemmel, qui dirige le comité des rémunérations. S’employant à justifier les sommes versées à M. Viehbacher, M. Van Kemmel a expliqué que Sanofi et son ex-directeur général étaient en désaccord sur le montant du chèque de départ et que le comité avait décidé d’éviter  » un litige néfaste « . » Il était préférable d’arriver à une transaction pour protéger les intérêts de Sanofi « , a-t-il précisé, reprenant les arguments d’une lettre envoyé par Sanofi à ses actionnaires pour tenter de contrer l’impact de l’analyse d’ISS.

Le groupe, qui n’était pas d’accord pour payer les deux ans d’indemnité de départ réclamés par M. Viehbacher, s’est retrouvé au pied du mur car le contrat de l’ex-directeur général ne comportait ni clause de confidentialité ni clause de non-concurrence. Le groupe s’est donc résolu à lui verser une indemnité transactionnelle correspondant à une année de salaire, ainsi qu’une somme de 246 750 euros par mois jusqu’au 30 juin en contrepartie d’un engagement de non-concurrence. Soit au total près de 4,4 millions d’euros. Mais  » il ne percevra pas de retraite « , a ajouté M. Van Kemmel.  » Le pauvre « , a répondu, en écho, une actionnaire, tandis qu’un brouhaha agitait la salle.

Le  » golden hello  » de M. Brandicourt a, lui aussi, été (re) détaillé : l’intéressé, qui a quitté la direction de la division santé-pharmacie de Bayer, a perçu 2 millions d’euros lors de sa prise de fonctions chez Sanofi et il touchera 2 millions supplémentaires en janvier 2016 s’il est encore en poste à ce moment-là. Sous réserve d’atteindre certains objectifs au cours des trois prochaines années, il recevra aussi 66 000 actions dont la valeur au cours actuel est de 6 millions d’euros.

A cela s’ajoute une reconnaissance dès sa prise de fonctions d’une ancienneté de dix ans ce qui représentera au moment de sa retraite un bonus de 9 millions d’euros, selon les calculs de la société de conseil aux investisseurs Proxinvest.  »  » Cela compense ce qu’a perdu Olivier Brandicourt en quittant Bayer. Il ne nous est cependant pas possible de détailler la liste de ces avantages perdus car Bayer ne les divulgue pas « , a indiqué M. Van Kemmel.

A un actionnaire demandant si M. Brandicourt devait renoncer à son  » golden hello « , M. Weinberg a répondu qu' » il appartiendra à Olivier Brandicourt d’en décider « . Selon le président de Proxinvest, Pierre-Henri Leroy, cette  » affaire  » est emblématique des  » dérives  » du secteur.  » Les grands groupes pharmaceutiques, partout dans le monde, versent des salaires mirobolants et pratiquent un mercato parfaitement comparable aux échanges des stars du football ou du basket-ball.  » En guise de cadeaux, les actionnaires ont, en tout cas, reçu un… parapluie.

Un clin d’œil au  » parapluie doré  » de M. Brandicourt ? Cette question des rémunérations des dirigeants a animé bon nombre d’autres assemblées d’actionnaires ces dernières semaines. Il faut dire que, depuis l’an dernier, le sujet est désormais soumis à un vote lors des assemblées générales – il s’agit de ce que l’on appelle le  » say on pay « . Ce vote n’est toutefois que consultatif.

La semaine dernière, deux dirigeants, et pas des moindres, ont ainsi subi un sérieux revers. Le package de Franck Riboud, chez Danone (6,075 millions d’euros), n’a emporté l’adhésion que de 53 % des actionnaires. Il s’agit du plus mauvais score jusqu’ici. Celui de Carlos Ghosn, chez Renault (7,2 millions), qui a triplé en un an, n’a pour sa part rassemblé que 58 % des scrutins. Avant Renault et Danone, les actionnaires avaient également manifesté leur agacement chez Vinci (63 %), Veolia (70,8 %), Safran (66,8 %) ou Schneider Electric (71,9 %).

Hecketsweiler Chloé – Le Monde


Autre son

Bonus d’arrivée indécent chez Sanofi

Ils n’ont pas honte !

Selon un document consultable sur le site Internet de Sanofi, une indemnité forfaitaire brute de 2 millions d’euros est prévue pour la prise de fonction du nouveau directeur général, le 2 avril. Olivier Brandicourt pourrait également bénéficier d’une telle indemnité en janvier 2016 s’il est toujours en poste à ce moment-là. L’entreprise explique qu’elle accorde cette prime à son nouveau chef, qui s’occupe actuellement des activités pharmaceutiques du groupe allemand Bayer, en « contrepartie des avantages auxquels il a renoncé en quittant son précédent employeur ».

Le groupe précise également que la rémunération de son nouveau PDG sera composée d’une part fixe annuelle brute de 1,2 million d’euros et d’une part variable cible de 150 % de la rémunération annuelle fixe et plafonnée à 250 % – soit entre 3 millions et 4,2 millions d’euros – « soumise à des objectifs à la fois quantitatifs et qualitatifs », précise Sanofi. Olivier Brandicourt touchera par ailleurs 220 000 options de souscription d’actions par an et 45 000 actions de performance.

Cette annonce intervient alors que les salariés luttent depuis trois semaines afin d’obtenir une modeste augmentation de 120 euros par an, soit juste 50 centimes par jour. Une largesse que ne veut pas se permettre la 
direction du groupe pharmaceutique, alors que 
l’entreprise se porte particulièrement bien, affichant un résultat net des activités à 6,847 milliards d’euros (soit une hausse de 2,4 % par rapport à 2013) et possédant la deuxième capitalisation à la Bourse de Paris.

Dans le même temps, Sanofi s’est permis de verser 3,7 milliards d’euros de dividendes à ses actionnaires, « soit la 21e année de hausse », précise la direction dans un communiqué. La CGT a tenu à montrer son indignation face à ce qu’elle a perçu « comme une gifle ». Niveau emploi, 
le PDG sortant a annoncé récemment que Sanofi n’avait pas « pris d’engagements » sur la « stabilité des effectifs ».

Kevin Boucaud – L’Humanité – Source