Mettre fin à l’hécatombe !

L’horreur se répète inlassablement en Méditerranée. Ce trait d’union qui jadis jetait des ponts entre les peuples et les civilisations, véhiculait les savoirs, les saveurs et les techniques, s’est transformé en un sinistre grillage que tentent de franchir au péril de leurs vies des milliers de migrants. Laisserons-nous notre mer commune devenir la frontière la plus dangereuse au monde ?

Les images insoutenables de ces corps emportés au gré des vagues se succèdent depuis des mois dans les journaux, les télévisons, accréditant, à force de banalisation, la thèse de la fatalité et donc l’idée du renoncement. Idée entretenue par les dirigeants européens qui, année après année, usent des mêmes éléments de langage, après leur petite minute de silence, et leur sournois dépôt de gerbes, comme pour soulager leur conscience et mieux camoufler l’inhumanité de leur refus d’agir. Le dernier sommet européen, convoqué à la suite de la mort de centaines de migrants, n’a pas échappé à cette règle hypocrite. Au-delà des mots et de la hausse des budgets consacrés à la surveillance policière de migrants, rien de neuf ! Avec partout cette ignoble exploitation d’une imaginaire peur d’être envahis, que les extrêmes-droites européennes ne sont plus les seules à cultiver !

Je ne peux accepter une Europe qui s’autoproclame fidèle aux idéaux humanistes et qui laisse se banaliser la mort (…) à ses frontières. « Qu’ils meurent…mais chez eux » semble-t-elle répondre aux mains désespérées qui se tendent vers elle. Je ne peux supporter une Europe organisant la libre circulation des capitaux, mais plaçant des grillages et des militaires pour barrer le chemin à des êtres humains fuyant les guerres, armées ou économiques, les persécutions, la famine, les épidémies et la pauvreté absolue. Ce n’est pas aux larmes de crocodiles qu’il faut s’habituer, mais à des actions efficaces nécessaires mais dont nous savons qu’elles ne suffiront pas. Nous en appelons au cœur et à un nouvel ordre humaniste du monde !

Cela devrait commencer par le respect et l’application du corpus du droit international ! C’est un droit universel : droit international humain, droit humanitaire, droits des réfugiés, droit à la mer. Le droit d’asile proclame que tout être humain persécuté dans son pays d’origine pour des raisons religieuses, ethniques ou politiques a le droit de rechercher l’accueil et la protection dans un autre pays. Ce droit d’asile doit être garanti dans le cadre d’une solidarité européenne, à l’opposé du règlement dit « de Dublin » qui fait du premier pays d’accueil l’Etat responsable de la procédure d’asile, encourageant ainsi les égoïsmes nationaux. La déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 stipule « le droit de toute personne à quitter librement tout pays, y compris le sien »

Patrick Le Hyaric Député Européen GUE –(Extrait)  Source


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Europe : La guerre aux migrants

Face aux naufrages en Méditerranée, le sommet de Bruxelles a débouché sur une surenchère de propositions répressives.

C’est peu dire que le sommet européen du 23 avril, à Bruxelles, n’a pas été à la hauteur du problème. Quelques jours après la mort de huit cents migrants en Méditerranée, les 28 ont certes décidé de tripler le très modeste budget attribué à l’opération Triton de surveillance en mer, mais ils ont surtout refusé de changer de grille de lecture. Ils s’en tiennent à une conception répressive, refusant de revenir à une véritable action humanitaire de sauvetage. La raison en est à la fois économique et politique.

La palme du cynisme est revenue au Premier ministre britannique David Cameron. « Ce que je vais apporter aujourd’hui, c’est le navire amiral de notre marine, ainsi que trois hélicoptères et deux autres navires », a-t-il promis, avant d’ajouter : «  Bien sûr, cette aide doit se faire à certaines conditions. Cela signifie que les gens que nous recueillerons seront amenés dans le pays le plus proche, c’est-à-dire sans doute l’Italie, et qu’ils ne pourront pas demander l’asile en Grande-Bretagne. » Il est vrai que le leader conservateur est en campagne électorale. Mais il est probable que son propos reflète le fond de sa pensée et la phobie anti-immigrés de ses collègues européens. Ce qui en bon anglais se résume par la fameuse formule « Not in my backyard  ». Pas chez moi. Et pour le reste, que l’Italie se débrouille !

La position française s’inscrit également dans une logique d’endiguement. François Hollande veut s’attaquer aux passeurs « esclavagistes » et « terroristes ». Le président français a annoncé que Paris et Londres saisiraient ensemble le Conseil de sécurité des Nations unies pour demander une intervention sur le territoire libyen ou le long des côtes de ce pays. L’un des objectifs serait la destruction des navires de passeurs. Une action de guerre qui requiert un mandat de l’ONU et, par conséquent, l’autorisation de la Russie de Vladimir Poutine. Outre les risques politiques et militaires d’une telle entreprise dans une Libye encore marquée par l’intervention occidentale de mars 2011, on peut s’interroger sur son efficacité. À moins de mener une guerre perpétuelle dans les ports libyens, on ne fera jamais que rendre encore plus périlleuses, et donc plus coûteuses, des traversées que l’on n’empêchera pas.

Plusieurs personnalités politiques ont d’ailleurs rivalisé ces jours-ci en propositions aussi farfelues que dangereuses. François Fillon a poussé jusqu’à la caricature un discours qui vise surtout à éloigner le problème : « Les Européens ne sont en rien à l’origine de la situation à laquelle ils doivent faire face », a déclaré l’ancien Premier ministre, qui suggère d’installer « des antennes de nos consulats en Libye pour traiter les vrais réfugiés ». On ignore qui sont dans son esprit les « vrais réfugiés », mais on mesure la légèreté du propos. Comment imaginer que l’on pourrait installer une administration française en Libye dans le contexte actuel ?

Son ex-collègue, l’UMP Xavier Bertrand, demande tout simplement que l’on organise un « blocus maritime au large des côtes libyennes ». Une action de guerre ! Quant à la Commission européenne, elle donne elle aussi dans le cynisme en proposant que les États membres puissent « tester une répartition de migrants en cas de besoin ». Comme si, après deux mille morts depuis le début de l’année, le « besoin » n’était pas déjà là. C’est finalement le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, qui a fait entendre la voix la plus réaliste. En visite lundi au large de la Sicile, il a affirmé qu’il n’y a « pas de solution militaire à la tragédie », et plaidé pour la création de « canaux légaux et réguliers d’immigration ».

Denis Sieffert – Article paru dans Politis n° 1351

Couv Politis N°1351

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paroles et musique : JOFROI
voir tout l’album « cabiac sur terre »
tous droits réservés © JOFROI

C’est une ritournelle, un refrain
Qu’on nous sert comme une prière
Sincère et presque bon chrétien
En tirant vers soi la soupière
«On ne peut pas comprenez bien
Accueillir toute la misère…»
Mais où vont les êtres humains
Que l’on reconduit aux frontières?

On nous dit: «c’est complet, c’est plein
On ne sait déjà pas que faire
Des sans-papiers, des clandestins
Des réfugiés de toutes les guerres.
C’est facile de tendre la main,
Où s’arrêt’ ra la surenchère?»
Mais où vont les êtres humains
Que l’on reconduit aux frontières?

«Pas d’ quoi, dit-on, en faire un foin
d’ hurler à la chasse aux sorcières.
Qui n’a pas son lot de pépins
De tracas et de vents contraires
Chacun chez soi, c’est plus serein,
Faut se méfier des chiens qui errent…»
Mais où vont les êtres humains
Que l’on reconduit aux frontières?

Paraît d’ailleurs qu’ les bohémiens
C’est dans leurs gènes, le goût de l’air,
Qu’ leur liberté ça ne vaut rien
Que le prix d’un vol en charter,
Il y a des lois, c’est bien le moins
Même sur une terre hospitalière…
Mais où vont les êtres humains
Que l’on reconduit aux frontières?

Bien sûr tout le monde convient
Qu’il y a de pires gangsters
Que ces ramassis, ces vauriens
Voleurs de poules, de pommes de terre.
Pour les plumer, eux, pas moyen
Ils n’ont pas de comptes bancaires…
Est-ce pour ça qu’ c’est plus humain
De les reconduire aux frontières…

C’est une ritournelle, un refrain
Qu’on nous sert comme une prière….