Le Medef, toujours pour la casse sociale !

L’organisation patronale avance ses pions avant le sommet sur l’emploi du 3 avril. Le Medef veut négocier le temps de travail par accord et assouplir les contrats de travail dans les TPE-PME.

Les grandes manœuvres sur l’emploi reprennent. Le patronat et les syndicats préparent la « conférence sociale thématique » du 3 avril, au ministère du Travail, visant à dresser un bilan d’étape de l’accord sur la sécurisation de l’emploi de janvier 2013 et de la loi qui a suivi. L’agenda social initialement fixé par les partenaires sociaux ne prévoyait pas d’associer l’exécutif à ce rendez-vous, mais ce dernier n’a pas manqué l’occasion de s’y inviter.

Outre le ministre du Travail, François Rebsamen, le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, devrait être présent, précise Bercy. Une manière pour l’exécutif de se montrer aux commandes et proactif alors qu’une large majorité de Français ne croit plus à sa capacité à inverser la courbe du chômage.

Un message de fond alarmiste

Décidé à profiter de ce rendez-vous et de la volonté de Matignon de poursuivre les réformes pour obtenir vite des gestes concrets, le Medef a fait parvenir ce jeudi soir aux syndicats, qu’il retrouvera lundi pour une réunion préparatoire, un rapport mêlant son diagnostic et ses préconisations. Le document, dont « Les Echos » ont obtenu copie, réfute d’abord le procès en immobilisme souvent fait à la France.

Au contraire, elle a « engagé la mutation en profondeur de son modèle social » vers plus de « flexisécurité » : la création de la rupture conventionnelle, en 2008, puis la refonte des règles de licenciement collectif et du chômage partiel, en 2013, sont des « évolutions majeures », écrit l’organisation de Pierre Gattaz, qui salue aussi la création des droits rechargeables au chômage et du compte personnel de formation.

Mais passé ces quelques satisfecit, le message de fond est alarmiste : «  Cette mutation est beaucoup trop lente […] Oui la France se réforme, mais non ces réformes ne sont pas suffisantes pour redresser durablement notre économie. Il faut aller beaucoup plus loin, et sans attendre. » Et le Medef d’avancer une première revendication : assouplir et élargir le recours aux accords de maintien dans l’emploi, qui permettent aux entreprises en difficulté de baisser le temps de travail et les salaires en échange d’accords de maintien d’emplois.

A peine une dizaine d’accords ont été signés en deux ans en raison d’un « excès d’encadrement par le législateur » (deux ans maximum, ouverts aux seules entreprises au bord du gouffre, incertitude juridique sur le sort du salarié refusant l’accord, etc.), analyse le Medef, qui veut pouvoir y recourir aussi « pour augmenter le temps de travail et doper la compétitivité des entreprises ». Y compris, donc, quand une entreprise va bien.

L’éventuel aménagement de ce dispositif sera au cœur des débats, le 3 avril. Le gouvernement est tenté de l’assouplir – Emmanuel Macron voudrait l’inclure dans sa loi en seconde lecture – mais les syndicats seront vigilants face aux risques de laisser ainsi les entreprises remettre en cause les 35 heures.

Une forme de CDI « sécurisé »

Le Medef repart aussi à l’attaque sur le contrat de travail, avec dans le viseur le rendez-vous annoncé par Manuel Valls pour début juin sur l’emploi dans les TPE-PME. Selon le document patronal, « la peur de l’embauche » et « la rigidité du CDI » brident fortement l’emploi dans les petites entreprises et expliquent le recours massif aux contrats précaires. Pour le Medef, l’absence d’impact de la surtaxation des contrats courts adoptée en 2013, mesure chère aux syndicats, témoigne que cette approche est « une réponse inadéquate ».

S’il ne l’affiche pas dans son document, le Medef, ainsi que la CGPME, planchent sur une forme de CDI «  sécurisé  », qui prévoirait dès le départ la possibilité de licencier si la situation économique de l’entreprise se dégrade trop.

Là aussi, le gouvernement pourrait être tenté , mais n’ignore pas le caractère potentiellement explosif de toucher aux contrats de travail.


Perrotte Derek, Les Echos – Source de l’article – Titre original de l’article « 35 heures, CDI : le Medef repart à l’attaque »