Chassez le naturel, il revient au galop.

Alors que la dédiabolisation paraît fonctionner mieux que jamais, la base frontiste comme ses figures de proue se laissent aller à des débordements qui rappellent leur véritable nature à qui l’aurait oubliée.

Si Marine Le Pen se gargarise des débauchages réussis jusque dans les rangs du NPA, elle a beaucoup de mal à tenir ses troupes et doit gérer les candidats qui “se lâchent”, certains novices n’ayant visiblement pas compris qu’une dédiabolisation complète passe par une certaine modération sémantique, une bonne dose de camouflage idéologique, et qu’il n’est pas forcément opportun de dire tout haut sur les réseaux sociaux tout le mal qu’on pense très fort des pédés, des Arabes et des Juifs.

Les mots employés agissent comme une piqûre de rappel quant à l’essence de l’extrême droite française. Désinhibée, elle se fait vite ordurière, à la limite de l’appel au meurtre. C’est son fond de sauce, sa fange originelle. Elle voudrait le faire oublier et puis crac !, à la faveur d’un afflux de candidats pas assez entraînés à la dissimulation rhétorique, voilà que le lifting se fendille. Ça s’est vu ? Bah, tant pis, on parlera d’exceptions et de moutons noirs, des sanctions seront prises. Air connu.

Mais, malgré ces innombrables rechutes, Robert Ménard finira presque par détonner dans le décor frontiste. Depuis qu’il a été élu maire de Béziers, ce mégalomane accumule les provocations absurdes, faute de faire quoi que ce soit pour une ville sinistrée économiquement et ses malheureux habitants, et finit par embarrasser ses protecteurs du FN, alors qu’il était censé être présentable, gage d’ouverture dans le cadre du Rassemblement bleu Marine.

Sa dernière en date ? Rebaptiser une “rue du 19-mars-1962”, date des accords d’Evian et de la fin de la guerre d’Algérie, en une “rue Commandant-Denoix-de-Saint- Marc, héros français”, du nom d’un putschiste d’avril 1961, mais résistant et déporté, “compréhensif” quant à l’usage de la torture, niant la systématisation de son emploi par l’armée française, et définitivement transformé en “héros français” par Sarkozy, toujours très inspiré quand il s’agit d’histoire, qui l’avait fait grand-croix de la Légion d’honneur, la plus haute distinction de la République, sur les conseils de… Patrick Buisson.

Une bien belle cérémonie sous le soleil de Béziers, en vérité, présidée par un Ménard ému, devant quelques vieillards en bérets rouges, et les derniers nostalgiques locaux du bon vieux temps des colonies. C’est de ce folklore nauséabond que le FN prétendument renouvelé est issu, d’où il vient et où il retourne irrésistiblement.

Dimanche 22 mars, mieux vaudrait aller voter.

Frédéric Bonnaud – Extrait de l’Edito des Inrocks N° 1007 – Source de l’article