Réchauffement climatique et avenir du genre humain

L’avenir des générations futures va dépendre, en bonne part, de la manière dont les générations actuelles prendront ou non conscience de la nécessité absolue de maîtriser le réchauffement climatique dès que possible, en y consacrant tous les moyens nécessaires. Cette prise de conscience ne va pas encore de soi.

L’état des lieux

Depuis 1990, les premières discussions internationales sur le sujet n’ont abouti qu’aux timides engagements de réduction des émissions de « gaz à effet de serre » (GES) des pays développés occidentaux, de la Russie et des anciens pays de l’Est européen, formulés dans le protocole de KYOTO, signé en 1997 (5,5% de réduction par rapport au niveau de 1990 pour les USA, plus gros pollueur de la planète – engagement non ratifié par le Congrès US ; 8% pour l’UE – à répartir de manière différenciée entre ses membres, avec stabilité pour notre pays, vu son avance, etc.).

Parallèlement, la réalité du réchauffement climatique était niée ou minimisée, soit par quelques hommes de science (en général non climatologues), en quête de célébrité comme Claude Allègre en France, soit par les lobbies charbonniers, pétroliers, gaziers, voire même par certains États charbonniers ou pétroliers, aux USA, récusant toute mise en cause des combustibles fossiles, soudoyant journalistes ou pseudo-chercheurs peu scrupuleux ou vénaux. Cette tendance reste puissante aux USA et a bloqué jusqu’ici tout engagement de ce pays.

Le Rapport du GIEC de 2014

Si la complexité des phénomènes climatiques mérite que le réchauffement planétaire soit toujours évalué avec un esprit ouvert (ex. influence des cycles solaires, d’éventuelles éruptions volcaniques d’envergure, évolution de la nébulosité globale, des capacités de stockage de CO2 ou de relâchement du méthane par les zones arctiques marines et terrestres, influence de la déforestation, etc.), il n’en demeure pas moins qu’un consensus s’est progressivement dégagé chez les spécialistes concernés.

Il est formalisé notamment dans le dernier rapport du groupe de travail I du GIEC (regroupant des centaines de climatologues analysant les dernières avancées scientifiques planétaires en la matière), publié fin 2013 et dont les principales conclusions peuvent être synthétisées ainsi :

  • Confirmation que tous les efforts doivent être faits pour que l’accroissement de la température planétaire moyenne ne dépasse pas 2°C.

Mais il faut noter tout de suite que ce chiffre est contesté par les pays les plus vulnérables, notamment par l’Alliance des petits pays insulaires (39 pays pour 63 millions d’habitants qui, à ce niveau de réchauffement, s’estiment condamnés à devenir en majorité des réfugiés climatiques).

Ils n’ont pas été écoutés par la communauté internationale lors de la Conférence climatique de 2009 à Copenhague, ce qui est assez inquiétant. Les classes dirigeantes des pays les plus puissants peuvent violer impunément leurs engagements, sans que leur soient appliquées les sanctions prévues, alors que le sort de millions d’habitants de petits pays n’intéresse personne, car le poids politico-économique de ces derniers est faible.

  • Autre conclusion, si les pays occidentaux développés et les grands pays émergents continuent sur la lancée actuelle et ne s’engagent pas à plafonner leurs émissions de GES dès que possible (2020-2025) et à réduire drastiquement les dites émissions ensuite, dès 2030-2040, taux atteignant 70 % en 2050 pour les pays développés, notamment via de forts reculs de leurs consommations d’énergies carbonées PGC (pétrole, gaz, charbon) et via des économies d’énergie, l’augmentation de la température moyenne planétaire pourrait atteindre 4,5 à 5°C vers la fin de ce siècle. Elle entraînerait notamment à cet horizon une montée du niveau des océans de l’ordre de 1 m. qui se poursuivrait ensuite au cours des siècles à venir. (rappel des impacts potentiels : fonte calotte glaciaire du Groenland (déjà en cours) : 7 m. de montée du niveau océanique ; fonte Antarctique Ouest (déjà en cours), 7m. également, fonte totale Antarctique : 60 m.). Rappel : 60 % de la population mondiale vit dans des zones côtières.

Soit un énorme fardeau pour les générations à venir (dizaines, voire centaines de millions d’êtres humains transformés en réfugiés climatiques, reconstruction massive d’infrastructures de tous ordres). Les dites générations maudiraient alors, n’en doutons pas, notre irresponsabilité actuelle.

  • Dans la ligne des perspectives ainsi définies, le GIEC préconise en conséquence une évolution rapide vers une électricité la plus dé-carbonée possible afin de substituer au maximum celle-ci aux énergies fossiles dans leurs divers usages (transports, bâtiments – habitat et tertiaire, industrie). A noter qu’au sein de l’Europe occidentale, seuls trois pays ont actuellement une électricité totalement ou très fortement dé-carbonée : La Norvège (à 100% via l’hydraulique), la Suède (à 100%, nucléaire +hydraulique), la France (à 90 %, nucléaire + hydraulique essentiellement) et sont donc nettement en avance pour remplir les objectifs du GIEC.
  • Enfin, après l’échec relatif de la Conférence climatique de 2009, la dernière période a vu reconnaître le principe que chaque pays devrait prendre des engagements, en fonction de sa situation propre, soit de plafonnement et/ou de réduction de ses émissions de GES ou de moindre progression de celles-ci (cas notamment des pays en développement-PED), (Conclusion de la Conférence de Lima de décembre 2014).
  • Par ailleurs, le groupe de travail III du GIEC, chargé de proposer des solutions économiques permettant de financer la maîtrise du réchauffement climatique, composé pour l’essentiel d’économistes de tendance dominante néolibérale, a proposé des solutions tout à fait en ligne avec cette idéologie. Maintien pour les entreprises du marché des permis d’émission, bien qu’il ait déjà prouvé son inefficacité totale (prix de la tonne de carbone ridiculement bas), véritable incitation à ne rien faire.

Il n’a en effet qu’un seul mérite, minimiser toute charge de maîtrise du réchauffement climatique pour les entreprises et le capital. Celle-ci est reportée en fait (en France via la CSPE, le projet de taxe carbone) sur des consommateurs, déjà étranglés par ailleurs, en état de précarité énergétique pour nombre d’entre eux.

La revendication, formulée à Copenhague par les PED, rassemblés dans le groupe dit des « 77 » (en fait, 130 pays désormais) de se voir attribuer une aide internationale pour leur permettre de faire face aux conséquences négatives du réchauffement (impact sur l’agriculture, déplacement de populations, etc.), avait été en principe satisfaite avec la promesse d’une aide s’élevant à terme à 100 milliards de $/an. En réalité, depuis, la dite aide n’a pas dépassé 10 milliards de $, provoquant la colère du « groupe des 77 ».

La Conférence climatique de Paris (Décembre 2015)

Dans cette situation aux enjeux cruciaux pour le devenir de l’humanité, la prochaine Conférence de Paris revêt une importance décisive.

Elle doit être précédée de diverses réunions internationales, dont une sous l’égide du SG des Nations-Unies, Ban-ki Moon, qui devrait se tenir le 29 juin 2015. Celui-ci demande que tous les États y viennent avec leurs propositions de réduction de manière à laisser un espace de temps suffisant pour des négociations visant l’amélioration des dites propositions.

Selon toutes probabilités, la Conférence de Paris verra un afflux considérable de chefs d’ État, de personnalités et mouvements environnementaux en tous genres, mais aussi, ce qui est nouveau, de responsables de multinationales prétendant que les États ayant fait la preuve de leur impuissance à régler ces problèmes, eux étaient prêts à prendre le relais ( moyennant évidemment des profits exorbitants, voir exigences de rentabilité actuelles du capitalisme « vert » en Europe).

Pour l’instant deux indices montrent que le succès de cette Conférence n’est nullement garanti.

Tout d’abord, les fortes réticences occidentales à concrétiser les engagements théoriquement pris envers le groupe des « 77 » (versement de 100 milliards $/an, d’ailleurs nettement insuffisants) persistent.

Par ailleurs, le récent « Accord sino-américain », énumérant les engagements de ces deux pays, champions planétaires des émissions de CO2, pour la Conférence de Paris, est un texte d’engagements en trompe l’œil, destiné à désamorcer d’emblée les critiques qui peuvent être légitimement faites à ces deux pays, à éviter toute polémique entre eux à ce sujet, chacun d’eux accordant en fait un satisfecit à l’autre.

En effet, la proposition US (- 26 % par rapport à 2005) ne permet en réalité que de gagner quelques % par rapport aux engagements non remplis des USA au titre du Protocole de Kyoto (+ 22,5% en 2005 par rapport à ces derniers), alors même que les USA battent le record d’émissions de CO2 parmi les grandes puissances : 16 tCO2/ hab.an (France 5tCO2/hab.an). De surcroît, la majorité républicaine au Congrès, si elle reconnaît désormais plus ou moins qu’il y a un réchauffement climatique, continue à nier que les combustibles fossiles (charbon, pétrole, gaz) y sont pour quelque chose et continuera, vraisemblablement, à rejeter, a priori, tout engagement de réduction.

Pour la Chine, les choses sont plus subtiles. Ce pays a admis le principe d’un plafonnement de ses émissions vers 2030.

Il a fait des efforts au cours des dernières années pour diminuer son intensité énergétique, et donc ses émissions de CO2 par unité de PIB. Malgré cela, vu le taux de croissance moyen de son PIB ces dernières années, 7,5 %, ses émissions de CO2 continuent à croître à un taux moyen annuel de l’ordre de 3%, ce qui en 2030 donnerait un accroissement des émissions chinoises de CO2 par rapport à 2015 de l’ordre de 60 %. Étant donné le poids de ce pays, cela est clairement inacceptable.

  • En fait, la Chine s’engage bien sur la longue durée dans un programme de réduction de ses émissions (construction de 3 à 400 réacteurs nucléaires d’ici 2030-2040, remplacement progressif du charbon par le gaz dans les grandes agglomérations (pollution atmosphérique provoquant de graves problèmes de santé publique du fait d’une consommation de charbon multipliée par 6 depuis 1980), poursuite du programme de barrages hydrauliques. Le solaire et l’éolien, malgré leur développement, restent tout à fait marginaux dans le bilan global. Mais, le pouvoir chinois continue à donner la priorité à la course pour devenir la première puissance économique mondiale dès que possible. A noter aussi que son niveau moyen d’émissions de CO2 atteint déjà près de 7tCO2/hab.an, soit l’équivalent du niveau moyen européen actuel.

Il n’y a donc pas de justification à ce que la Chine ne plafonne pas ses émissions dès que possible et ne fasse pas d’ici 2030-2040 d’importants efforts de réduction de celles-ci, notamment dans ses zones industrialisées orientales où le taux moyen des dites émissions est encore plus élevé, se rapprochant des gaspillages américains. Par ailleurs, la Chine continue à rejeter toute vérification internationale de la réalité de l’évolution de ses émissions.

  • Enfin, certains pays occidentaux comme le Canada et l’Australie ont, depuis 1997, littéralement explosé le niveau de leurs émissions, sans aucune sanction.

Bref, si les peuples ne s’en mêlent pas, au-delà même des mouvements environnementaux, des personnalités, etc., il n’y a guère lieu pour l’instant d’être optimiste quant aux résultats possibles de la Conférence de Paris.

Christophe Magdelaine, Notre planète.Info – Source de l’article  

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