Il s’agit d’un enjeu politique crucial : combattre l’avidité des marchés financiers. Le levier essentiel : mobiliser le pouvoir des banques et des banques centrales pour un nouveau crédit (une nouvelle création de monnaie), avec des taux d’intérêt d’autant plus réduits que seront programmés davantage de créations d’emplois et d’actions de formation.
La mobilisation des autres outils de la politique économique obéit à la même cohérence, par exemple la modulation de l’impôt sur les sociétés et des cotisations sociales patronales en fonction de la politique d’emploi et de formation des entreprises.
Des millions de nos concitoyens s’attendent à vivre plus mal dans les années à venir qu’aujourd’hui. Et que leur répond-on? C’est de votre faute, vous coûtez trop cher !
- Vous, les salariés des entreprises privées qu’on licencie.
- Et vous les fonctionnaires et les agents des services publics dont on détruit les emplois et dont on bloque les salaires !
Selon les financiers, le MEDEF, et selon le gouvernement, l’économie française sera plus « compétitive » s’il y a moins d’ouvriers dans l’automobile et la chimie, moins d’infirmières, d’enseignants, de chercheurs…, ne cherchez pas l’erreur elle est là !
Baisse du coût du travail, emploi et économie
La dernière prouesse du gouvernement est que les milliards du CICE (Crédit d’impôt compétitivité emploi) seront transformés à partir de 2017 en exonérations de cotisations sociales. Toujours au nom de la baisse du « coût du travail » pour la compétitivité !
Pourtant, la preuve est faite depuis longtemps que ces politiques n’ont aucune influence positive sur l’emploi et la croissance, bien au contraire. Les politiques de « baisse du coût du travail » ne sont pas une « politique de l’offre » ; elles ne font qu’affaiblir l’économie.
Entre 1991 et 2010, les exonérations dont bénéficient les patrons sont passées de 4 % à quelque 28 % des cotisations sociales patronales, soit un manque de rentrées de 280,8 milliards d’euros sur vingt ans ! Or, au cours de cette période, le chômage et la précarité n’ont pas cessé de croître et, dans les années 2000, le déficit commercial de la France a explosé avec, au cœur, le déficit des échanges industriels, particulièrement vis-à-vis de l’Allemagne.
Cela s’explique. La politique de «baisse du coût du travail » mine l’économie de deux façons :
- elle engendre une insuffisance de la demande de consommation des salariés et de leurs familles, y compris du fait de la mise en concurrence accrue entre salariés, tirant vers le bas toute la structure des salaires ;
- elle affaiblit l’offre par l’insuffisance des qualifications, accroissant nos handicaps face aux exigences des nouvelles technologies.
« Les exigences de rentabilité financière imposent leur loi à la gestion des entreprises.»
En faisant obstacle à la croissance, cette politique pousse aux délocalisations des entreprises vers les pays où la croissance est plus forte, en particulier les États-Unis.
Et pendant qu’on culpabilise les salariés avec le « coût du travail », on écrase l’économie avec les prélèvements opérés par les actionnaires, les banques, les marchés financiers.
La vérité sur le coût du capital
Ce que l’on appelle le coût du travail, c’est la somme des salaires et des cotisations sociales employeur appelées par le MEDEF « charges sociales ».
Il est sans cesse dénoncé comme trop élevé par les patrons qui en font la cause essentielle des pertes réelles ou supposées de compétitivité. Ainsi, en même temps qu’ils s’acharnent à geler les salaires, ils ne cessent d’exiger des baisses de « charges sociales ».
Mais les entreprises subissent des coûts du capital considérables qui sont autant de prélèvements sur les richesses nouvelles qu’elles produisent (valeur ajoutée) et dont l’effet est de plus en plus parasitaire.
Le coût du capital financier, c’est la somme des dividendes qu’elles versent aux actionnaires et des charges d’intérêts qu’elles payent aux banques et aux autres organismes financiers qui leur prêtent de l’argent. Il représente beaucoup plus que leurs cotisations sociales employeurs effectivement versées (chiffres INSEE pour l’année 2013, Comptes de la nation) : 260,9 milliards d’euros contre 162,2 milliards d’euros.
Il s’agit d’un prélèvement sur toute la richesse créée, au bénéfice des banques, des financiers et des actionnaires. Nettement supérieur, par exemple à l’investissement matériel des entreprises (291 milliards d’euros en moyenne chaque année entre 2004 et 2013 ans contre 219 milliards).
Cette ampleur révèle un problème majeur : la domination du capital financier sur toute l’économie et, partant, sur la vie de tous, du chômeur au cadre, en passant par les précaires, les ouvriers, les enseignants ou les infirmières, les étudiants ou les retraités.
Le plus grave, dans cette affaire, c’est que les exigences de rentabilité financière imposent leur loi à la gestion des entreprises. Les patrons ne décideront de produire, d’embaucher, d’investir que s’ils prévoient que cela permettra de dégager assez de profits pour satisfaire les exigences des actionnaires et des marchés financiers.
- Soit ils n’investiront pas et préféreront placer leur argent sous forme de titres financiers.
- Soit ils feront tout pour rendre l’investissement assez rentable au regard des critères des marchés financiers, et ils sacrifieront les salaires, la formation, la recherche.
Devinez l’orientation prise !
D’après Denis Durand- La revue du projet