Handball : Après « champion du monde », retour sur les affaires de corruption.

La trêve qatarie dans le handball français aura été de courte durée. Dix jours après le titre mondial remporté par la France à Doha, certains Bleus vont devoir une nouvelle fois batailler. Sur le terrain judiciaire cette fois.

L’affaire des « paris suspects » en 2012 à Montpellier, impliquant, entre autres, trois champions du monde, Nikola Karabatic, son frère Luka et Samuel Honrubia, revient sur le devant de la scène. Alors que, vendredi 6 février, le parquet a demandé le renvoi en correctionnel de 16 sur 17 personnes mises en examen, L’Equipe et l’Agence France-Presse ont eu accès, lundi 9 février, à une copie du réquisitoire.

Ce texte long de quelque 80 pages insiste sur le fait que la tricherie a été organisée et montée « en équipe ». « De toute évidence, les joueurs concernés avaient poussé leur esprit d’équipe, clé de voûte de leurs très nombreux succès sportifs de l’époque, jusqu’à concevoir et commettre en équipe une tricherie ayant pour objet d’escroquer la Française des jeux », écrit ainsi le procureur de la République Patrick Desjardins.

Le magistrat remonte à la génèse du délit présumé, portant sur le score à la mi-temps (15-12) du match Cesson-Montpellier, finalement perdu le 12 mai 2012 par le club montpelliérain. « Les moments propices à l’émergence d’un tel projet avaient pu être nombreux », estime le magistrat, qui les liste : « Un repas (…), les nombreux déplacements en transports collectifs, les innombrables séjours en hôtel. »

POUR DE PLUS BELLES VACANCES À IBIZA ?

Mais pour quel objectif ? Le magistrat ne tranche pas sur les motivations des personnes liées aux joueurs ni sur celles des joueurs eux-mêmes. Peut-être, écrit-il, s’agissait-il simplement de faire miser la cagnotte des joueurs par Luka Karabatic afin d’améliorer leur séjour à Ibiza, aux Baléares, prévu en fin de saison ? « Mais très vite, sans doute pris de vertige par la facilité de l’opération et de la certitude des gains, les membres n’ont pas résisté à la tentation », estime-t-il.

Pour le procureur Desjardins, le fait que les frères Karabatic, Samuel Honrubia et Mladen Bojinovic n’aient pas participé au match en cause contre Cesson en 2012 ne les disculpe pas pour autant. « De toute évidence, en tant que leaders charismatiques, Bojinovic, [puis] les frères Karabatic avaient donné leur aval en acceptant de se compromettre dans ce projet », assure-t-il, soulignant que la réussite du projet vient du fait que « chacun a respecté à la lettre, comme dans tout sport d’équipe, les consignes données ».

Précision, les paris faits dans les 19e et 20e arrondissements de Paris, à Montpellier et à Rennes l’ont tous été entre 10 heures et 10 h 50 ce 12 mai pour un montant global de 103 100 euros (en espèce) avec une cote de 2,9 contre 1 — une cote peu importante pour ne pas attirer l’attention, estime le magistrat.

« UNE ATTITUDE DE DÉNÉGATION TRÈS PEU CONVAINCANTE »

Beaucoup de joueurs, à l’exception de Nikola Karabatic, Isem Tej et Dragan Gajic, ont reconnu les paris, mais ils ont tous nié avoir triché. Le réquisitoire dénonce à ce sujet : « Malgré les charges accablantes (…) mettant en évidence une escroquerie d’envergure, les mis en examen ont pour la plupart adopté une attitude de dénégation très peu convaincante. » Pour le procureur, « la notion d’équipe soudée jusque dans la défaite se vérifie ici aussi ».

Le magistrat s’intéresse particulièrement à Nikola Karabatic. Ce dernier se trouvait à proximité de l’endroit où son frère a joué 290 euros et également des lieux où les gains du pari ont été retirés, comme l’indique le traçage de son mobile. Il avait toutefois déclaré dans un premier temps à la justice ne pas se souvenir exactement des faits.

Par la suite, Nikola Karabatic a affirmé que les paris avaient été pris à son insu par sa compagne, Géraldine Pillet. Or Nikola Karabatic avait téléchargé sur son mobile une application de paris sportifs. De plus, relève le magistrat, Géraldine Pillet a joué 1 500 euros, un « montant totalement disproportionné par rapport à son train de vie ». A moins qu’il y ait un lien avec les 1 500 euros retirés trois jours auparavant par Nikola Karabatic, « son seul retrait », selon le réquisitoire, depuis plusieurs mois. « Un tel projet ne pouvait de toute façon pas prendre corps sans son accord », écrit encore le procureur.

UN PROCÈS CET ÉTÉ

Le procureur s’en est ensuite pris à l’ailier parisien et champion du monde Samuel Honrubia, qui, s’il a avoué avoir parié 3 000 euros, aurait lui aussi multiplié les déclarations contradictoires, espérant ainsi en tirer un profit personnel.

Ce qui amène à l’absence de concertation entre les parieurs. Le texte compare notamment l’écart anormal entre les paris effectués sur le score à la mi-temps (103 100 euros) avec ceux misés sur le score de fin de match (24 017 euros), tous en faveur de la victoire de Montpellier, club assuré de remporter son 13e titre en quinze saisons sur Cesson, classé 9e du championnat.

Une prochaine ordonnance du juge d’instruction doit permettre l’organisation d’un procès à l’été.

Le Monde.fr – Permalien

Lire aussi : Paris truqués : Karabatic contre-attaque et Paris suspects : suspension annulée pour Karabatic


Un avis, une remarque ….

Qui a autorisé les paris dans le sport ?

Partout où ils ont été créés les suspicions de fraudes ont été multipliés. L’État, ministre des sports devrait interdire oui mais, l’État tire des revenus de ses nombreux paris et n’a pas l’intention de tarir la source.MC