Tsipras tente l’épreuve de force avec l’UE

Renégociation de la dette et du plan d’austérité avec les créanciers de la Grèce, arrêt des privatisations – dont celle, emblématique, du port du Pirée –, hausse du salaire minimum, etc. Les priorités du nouveau gouvernement d’Alexis Tsipras présentées le 28 janvier, lors du premier Conseil des ministres, n’ont pas dérogé à la ligne défendue jusque-là par le leader de Syriza : une politique anti-austérité.

Dessin Faber

Dessin de Faber

« Le nouveau Premier ministre grec fait honneur au surnom qu’on lui donne sur les places boursières », ironise le quotidien allemand Die Welt. « Depuis son entrée en fonction le 26 janvier, le ‘Hugo Chávez des Balkans’ a fait fondre de dix milliards d’euros la capitalisation de la Bourse d’Athènes. »

En résumé, note le journal, « la Grèce ne veut plus faire d’ économies, et elle ne veut plus se conformer aux accords conclus avec les bailleurs de fonds ».

Des besoins financiers « tendus »

Le 28 janvier, sur les marchés financiers, le taux de l’obligation à dix ans de la Grèce dépassait les 11 %, tandis que celui de l’Allemagne continuait de baisser, constate le quotidien Neues Deutschland, l’équivalent allemand de L’Humanité. Le même jour, les titres des banques grecques – Banque nationale de Grèce, Eurobank, Alpha et Banque du Pirée – ont cédé de 25 à 30 %.

L’ancien ministre des Finances grec venait de prévenir son successeur que les besoins financiers du pays étaient « assez tendus », tandis que l’agence Bloomberg dévoilait en avant-première des chiffres de la banque de Grèce à paraître ce 29 janvier : 11 milliards d’euros ont été retirés des banques grecques en janvier, contre 3 milliards en décembre.

Tel un grand frère, le journal ex-communiste allemand conseille à Alexis Tsipras de ne pas faire cavalier seul face aux marchés financiers, « qui sanctionnent les volontés des gouvernements de gauche ». « Le nouveau gouvernement grec doit maintenant convaincre Bruxelles, Berlin et Paris que ce sera bon aussi pour eux si Athènes obtient l’effacement de sa dette [qui s’élève à 321,7 milliards d’euros, soit plus de 175 % du PIB grec]. » Cette question est un défi pour l’ensemble de la gauche européenne, si elle veut bâtir « une Europe autre que celle du diktat de l’austérité ».

Rapprochement avec Moscou

Outre la « confrontation » ou l’« épreuve de force » engagée par le gouvernement grec avec l’Union européenne, la presse allemande s’inquiète du rapprochement d’Alexis Tsipras avec Moscou. Spiegel Online relate la visite du nouveau Premier ministre grec, tout juste entré en fonction, à l’ambassadeur russe à Athènes. « C’était bien plus qu’une visite de courtoisie », commente le site d’information.

Lors de cette rencontre, il s’agissait plutôt pour le gouvernement grec de se faire valoir comme « le favori de la Russie au sein de l’UE ». Athènes envisagerait d’utiliser son veto contre les sanctions imposées à la Russie par l’UE à cause du rôle que joue Moscou dans le conflit ukrainien – des discussions doivent avoir lieu à ce sujet ce jeudi à Bruxelles.

En échange, la Russie serait prête à exclure les produits grecs de son boycott des marchandises en provenance de l’UE. Selon Spiegel Online, la Grèce espérerait également une baisse du prix du gaz fourni par le géant russe Gazprom.

Courrier international| Catherine Guichard