Un monde à partager

Au début des années 2000, il est devenu évident qu’internet allait révolutionner nos façons de consommer. Il suffisait de constater la fulgurante réussite d’eBay, site mondial de vente aux enchères entre particuliers. En 2004, neuf ans à peine après sa création, le site comptait 135 millions de membres, tour à tour vendeurs et acheteurs dans le plus vaste vide-greniers de la planète. Comme si toute l’humanité avait attendu ce moment où chacun pourrait entrer en relation avec l’autre…

Matérialisée par des notes sur les transactions que vous effectuez, la confiance cimente les échanges dans ce nouveau monde. Le système a fait école, au point qu’en 2010, l’experte en économie collaborative Rachel Botsman en a tiré la conclusion de sa première conférence Ted (1): « La confiance est notre nouvelle monnaie sociale. Grâce à elle, vous pourrez conclure des affaires. Sans elle, vous serez exclu. »

Fortes de cette confiance communautaire, des milliers de personnes voyagent à bas coût en pratiquant le covoiturage, en sautant d’un canapé à l’autre ou en échangeant leur maison le temps d’un séjour.

La garde des animaux n’est plus un souci, puisque des communautés se rassemblent sur ce thème. Les propriétaires de jardins sont aussi à la fête. Contre menus travaux, ils hébergent des campeurs occasionnels.

D’autres réalisent leur rêve de potager en trouvant un volontaire qui va le créer et l’entretenir contre une partie de la production. Certains vont jusqu’à planter un écriteau « Servez-vous, c’est gratuit! ». C’est ce que prône le mouvement Incroyables comestibles.

Né à Todmorden (Angleterre), il s’étend en Europe en militant pour la création de potagers en libre accès partout où cela est possible: dans les écoles, les hôpitaux, les jardins et jusque sur les ronds-points…

Et avec ces légumes gratuits, pourquoi ne pas concocter un bon plat du jour, à partager entre amateurs de bonne chère?

Pour la viande, vous pourrez rejoindre une communauté d’acheteurs afin de limiter le gaspillage. En effet, les bêtes ne sont abattues qu’au moment où leur viande a été intégralement pré-vendue, sous forme de lots à congeler.

Les Amap (2) procèdent de la même façon, en unissant producteurs et consommateurs dans une quête de fruits et légumes authentiques et locaux.

Pour beaucoup d’observateurs, l’envol du partage et de l’échange s’est produit après la crise de 2008, où des centaines de milliards d’euros sont partis en fumée. Dans le même temps, la menace d’un réchauffement climatique dévastateur était plus prégnante que jamais, appelant à un changement radical de nos modes de vie. Il y avait de quoi jeter un regard interloqué sur nos existences.

  • Pourquoi tant consommer?

  • Et si l’usage d’un bien était préférable à sa propriété?

  • Et si nos maux provenaient de notre passivité face à un ordre établi?

  • Et si la solution était l’horizontalité des échanges, où chacun est à la fois consommateur et producteur?

De fait, beaucoup d’entrepreneurs de la nouvelle économie tournent le dos aux banques. Pour financer leur développement, ils préfèrent s’appuyer sur la foule des prêteurs anonymes, via des sites de financement participatif (crowdfunding).

Parlons aussi de la voiture, qui passe la majeure partie de son temps à nous attendre, immobile. Ici encore, les entrepreneurs collaboratifs ne manquent pas d’imagination : covoiturage et autopartage sont des pratiques en pleine expansion, au bénéfice de l’environnement.

La jeune génération, née avec internet, est la force motrice de ce changement civilisationnel. Le partage, à ses yeux, est une évidence. Une nécessité aussi car ces nouvelles pratiques abaissent considérablement le coût de la vie.

Le Credoc (3) a toutefois mesuré que 30 % des Français ont besoin d’être rassurés avant de se lancer dans les pratiques communautaires.


Notes

  1. Axées sur les idées qui changent le monde, ces conférences sont filmées et mises à la disposition de tous sur le Web.
  2. Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne. (AMAP)
  3. Centre de Recherche pour l’étuDe et l’Observation des Conditions de vie. (CREDOC)

 

Article lu dans MAIF Mag