Les libertés mises à mal par la RATP

La photo est devenue un acte quasi terroriste. Le métro parisien est un cas d’école.

Fin d’année, arpentage des magasins, un petit air de fête dans la tête à l’idée des cadeaux, et même des emballages que je vais pouvoir confectionner. Donc, samedi dernier, à la recherche de tissus divers, je déambule entre les boutiques parisiennes de Barbès.

Me voilà dans un magasin bien fourni, tissus colorés, étalés, et afin de pouvoir les étudier de près rentrée chez moi, sans parasitage des uns sur les autres, je prends des photos.

Soudain le vendeur me tombe sur le râble. Je lui demande instantanément s’il veut que je les efface, il dit non et continue à s’énerver. Rien de clair, rien de précis, mais « on n’a pas le droit de prendre des photos sans autorisation… ».

Dans quel but ? Pour protéger quoi ? Il vend des coupons de tissus, qu’il a achetés, alignés, il n’a aucun modèle, pas de droit d’auteur, pas de sécurité, rien à protéger. Il ne sait pas, il n’a aucune raison, mais c’est interdit.

Encore sidérée de cet abus ridicule, lundi je vois station Villiers, dans le métro, une publicité pour un salon post-bac, et hop, avant de perdre l’information, que mon métro n’apparaisse en bout de quai, et que j’y embarque, instinctivement, je prends une photo pour l’envoyer directement par SMS à ma fille.

Soudain surgit derrière moi une voix, arrivée d’on ne sait où, qui me tance : « c’est interdit de prendre des photos ». Encore ? Sidération de nouveau. Oui, la RATP met des personnes sur les quais pour leur dire qu’elles n’ont pas le droit de prendre des photos.

Oui, la RATP nous agresse de pubs sur l’intégralité des murs, de station et de couloirs, mais on ne peut pas en prendre des photos.

Oui, la RATP nous filme dans tous les coins, sans nous demander quoi que ce soit, sans nous dire où, ni ce qu’elle fait de ses images, mais nous, clients, on ne peut pas prendre de photo.

En sortant, j’ai bien regardé sur les minuscules panneaux de règlement, si ridiculement minuscules face aux monstres publicitaires, je n’ai rien vu.

En sortant, j’ai demandé au guichet « information », aucun document à distribuer. Le règlement ? Ah non, on n’en a pas, il est gros comme ça (geste à l’appui). Et la phrase qui tue dans l’ère moderne, sans en avoir l’air, du guichet information qui n’a aucune information « allez sur le site web ». Ce que j’ai fait.

Du droit à la photo

J’y ai trouvé, avec quelques difficultés, le mot « photo » n’étant pas répertorié, le guide du savoir voyager et ses interdictions [1].

Interdictions « Titre 3, 8 – de prendre des vues photographiques ou cinématographiques, sauf autorisation de la Régie » [2].

Oui, je ne l’ai jamais vu ; ni le guide, ni cette interdiction. Non, il n’est pas affiché. Non, les « agents de la RATP » derrière les vitres « informations » qui ne font plus que ça, puisqu’ils ne vendent plus de billets, n’ont pas ce guide à distribuer, et n’en connaissent même pas l’existence.

J’y ai appris aussi que l’agent de contrôle fait appliquer l’ensemble des dispositions constituant la Police des Chemins de Fer.

Le type qui m’a alpaguée par derrière ne s’est pas présenté, n’avait aucune identification, n’a pas dit bonjour, n’a pas eu un sourire. Juste un vêtement RATP, que n’importe qui peut se procurer. Qui était-il ? La RATP, monopole, n’a visiblement de compte à rendre à aucun de ses clients, captifs, dont elle se fiche.

La RATP interdit au passager normal, sans l’indiquer nulle part de manière accessible, mais en nous le faisant savoir de manière agressive, de faire une simple photo [3] !

J’ai encore creusé et découvert un très intéressant et très complet article sur le droit et la photo dans les métros et gares.

« À Paris, la RATP, faisant référence à un arrêté de 1968, me précise qu’un accord préalable est obligatoire pour toute prise de vue, en justifiant la règle par des considérations de sécurité (« Il s’agit ici de dispositions de police, justifiées par des raisons évidentes de sécurité du photographe (éventuelle nécessité d’une équipe de sécurité autour du matériel) et des voyageurs, les rails du métro étant électrifiés à hauteur de 750v. »), en ajoutant : « En outre, les aménagements des espaces du métro sont souvent protégés au titre de la propriété intellectuelle et leur reproduction doit de ce fait être autorisée. » »

Ce qui ne correspond en aucun cas à mon cas, une photo d’un particulier, qui plus est issue de leur propre publicité, utilitaire, non professionnelle, sans aucun danger ni risque pour personne.

Et l’auteure, un brin optimiste, de conclure : « J’aurais tendance à dire qu’un peu de bon sens et de courtoisie devraient largement suffire, il est certain également que ce faisant, je n’ai pas à me préoccuper d’impératifs sécuritaires… réels ou imaginaires… et que si le bon sens et la courtoisie permettaient d’éviter les litiges, cela diminuerait également de moitié le nombre de procédures… »

Ah, pour ça, la courtoisie de la RATP n’est pas à démontrer.

Voir l’article entier et commentaires (certains sont gratinés) Permalien  

Notes

  1. Extraits de l’arrêté du 9 décembre 1968 concernant le réseau ferré métropolitain de la RATP.
  2. Minuscule, corps 8 sur fond bleu clair.
  3. Je mets de côté le droit à l’image, qui relève des personnes, de la vie privée, et non pas des choses, des objets, et des entités « propriétaires ». De plus, je photographiais, en surface totale de l’écran, une publicité et uniquement cela. Le cerbère n’a jamais évoqué aucune autre question que celle de prendre une photo, dans l’espace de la RATP.

2 réflexions sur “Les libertés mises à mal par la RATP

  1. runglaz 04/01/2015 / 21h49

    A reblogué ceci sur runglaz.

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