L’ÉDUCATION : outre la connaissance universelle c’est l’égalité humaine.

L’ école, passeport d’ entrée dans la vie, est essentielle au bien-être de l’enfant.

La Convention internationale des droits de l’ enfant, dont c’est le 25e anniversaire, affirme que l’ éducation est un droit. Mais des inégalités perdurent.

« Si tous les enfants bénéficiaient d’un accès égal à l’éducation, le revenu par habitant augmenterait de 23 % au cours des quarante prochaines années. Si toutes les femmes avaient accès à l’éducation primaire, les mariages d’enfants et la mortalité infantile pourraient être réduits d’un sixième et les décès maternels de deux tiers. »

Ces observations extraites du « Rapport mondial de suivi sur l’éducation pour tous » de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco), concernant les objectifs du millénaire pour le développement (2015 et après), soulignent l’importance de l’école dans le développement des individus et, partant, des sociétés.

En juin 2013, Irina Bokova, directrice générale de l’Unesco, ajoutait que « l’éducation peut transformer les vies et les sociétés d’une manière positive » et notait que « cependant, les objectifs mondiaux en matière d’éducation sont loin d’être atteints ».

L’écart entre les textes et la réalité est frappant, alors que le 20 novembre 2014 est célébré le 2Y anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE). Le chemin menant à la reconnaissance de l’enfant comme personne a été semé de silences et de raccourcis. En 1919, la Société des nations (SDN) accomplit un pas avec la création d’un Comité de protection de l’enfant.

Dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, l’enfant est encore considéré comme indissociable de sa mère. Ce n’est qu’en 1979 qu’il est envisagé comme un être à part entière, lorsque l’ONU décrète l’Année internationale des droits de l’enfant; le 20 novembre 1989, la CIDE est ratifiée par 190 pays sur 193(1). Les devoirs des sociétés envers les plus petits y sont déclinés en 54 articles.

Au 28e, on lit : « L’éducation doit viser à favoriser l’épanouissement de la personnalité de l’enfant, le développement de ses dons et de ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de ses potentialités. Elle doit préparer l’enfant à une vie adulte active dans une société libre et encourager en lui le respect de ses parents, de son identité, de sa langue et de ses valeurs de son identité, de sa langue et de ses valeurs d’autrui. »

Ces valeurs s’acquièrent dès la maternelle, étape où il s’approprie le langage, découvre l’écrit. Il y apprend le respect de l’autre, le rôle des adultes, tout en commençant à contrôler ses émotions.

En entrant dans le système scolaire, il bénéficie d’un suivi de santé, avec, par exemple en France, un premier bilan (dépistage des troubles de la vue, de l’audition ou du langage) s’ajoutant aux vaccinations obligatoires.

La scolarisation, notamment en période de crise, peut permettre au jeune de mieux surmonter un environnement familial perturbé où les adultes perdent parfois pied. L’éducation renforce l’estime de soi – à condition que l’échec scolaire, résultat de conditions de vie pénibles (logement, manque d’argent…) n’hypothèque pas la réussite.

Aujourd’hui, on sait que l’éducation a la capacité de réduire l’extrême pauvreté et de stimuler le développement social, économique, culturel des individus et des sociétés. Investir dans l’école procure des avantages en termes de santé, de productivité, et aussi de participation démocratique.

Afin de parvenir à ces objectifs, il convient de « veiller à ce que tous les enfants bénéficient, non seulement d’une éducation primaire, mais aussi d’une scolarisation de bonne qualité dans le secondaire », comme le préconise l’Unesco. Ce vœu n’est pas entré dans le domaine de la réalité et à peine dans celui des possibles pour nombre de pays. Les chiffres publiés par l’Unesco, en 2013, sont alarmants : 63 millions d’adolescents et 58 millions d’enfants de 6 à 11 ans, dont 29,6 millions vivant en Afrique subsaharienne, n’étaient pas scolarisés dans le monde.

Autre donnée inquiétante : il est probable que 43% de ces jeunes (15 millions de filles, 10 millions de garçons) n’iront jamais à l’école. Ces derniers chiffres soulignent les inégalités de genre qui défavorisent les filles (30,6 millions sur les 58 millions d’enfants non scolarisés).

La situation devient dramatique dans les zones de conflits armés. Les enfants y vivant représentent, en 2012, 50% de ceux qui ne vont pas à l’école. Sur 15,4 millions de réfugiés, 46% étaient des enfants qui, selon l’Unesco, « risquent d’être confrontés tout au long de leur vie à une série de difficultés », étant « perturbés à un moment crucial de leur processus d’apprentissage ».

C’est dans les 63 pays les moins développés et en guerre que la non-scolarisation est le plus élevée, souligne l’Unesco; les enfants et adolescents issus des ménages les plus pauvres sont trois fois plus susceptibles de ne pas connaître l’école.

Les handicapés, parmi lesquels on compte dans le monde 93 millions de mineurs de moins de 14 ans, sont aussi particulièrement marginalisés en matière d’éducation. L’ONU a déjà alerté sur le fait que les enfants porteurs d’un handicap modéré ou grave représentent un tiers des enfants non scolarisés, une injustice qui contrevient à l’article 24 de la Convention des Nations unies relative aux droits des handicapés.

ÉCHEC SCOLAIRE ET PAUVRETÉ

En France, Geneviève Avenard, défenseure des enfants, rappelle que les handicapés doivent pouvoir être scolarisés dans les mêmes établissements que les autres écoliers. Ce qui contribuerait à changer le regard des petits comme des adultes sur le handicap. Si des progrès ont été réalisés depuis la promulgation de la loi de février 2005 « pour l’égalité des droits et des chances des personnes handicapées », il reste encore trop de cas de discriminations, dont sont victimes en premier lieu les enfants. La France connaît aussi des disparités en matière éducative.

Le Conseil économique social et environnemental (CESE) le signale dans un avis de 2011 intitulé « Des difficultés scolaires en lien étroit avec la situation sociale des familles ». On note que seulement 24% des enfants d’ouvriers et inactifs arrivent en 6e sans redoublement, contre 65% issus de familles de cadres, enseignants, chefs d’entreprise; chaque année, les écarts de réussite s’accentuent.

Les premiers temps de la scolarité sont déterminants, aussi conviendrait-il de désigner comme champ prioritaire d’actions la maternelle et l’école primaire. Or, comme le signale Geneviève Avenard (2), trop d’enfants, parfois sans papiers ou membres de communautés roms et de gens du voyage, ne bénéficient pas de cette étape essentielle pour leur intégration dans la société, du fait du refus de certains maires de les scolariser.

Le CESE constate que « l’appartenance de la plupart des élèves à des familles à bas revenus et dont les adultes ont un faible niveau d’éducation explique, pour l’essentiel, les réussites scolaires moindres ». Ces inégalités sont accentuées par la fracture territoriale dont souffre la France, aussi bien dans les régions rurales isolées que dans les DOM-TOM, ou encore dans les zones métropolitaines où sont concentrées des populations défavorisées : l’Observatoire des zones urbaines sensibles (ZUS) rapporte que, en 2013, 44,3% des habitants des ZUS n’avaient aucun diplôme.

Ce processus, pour le CESE, «va de pair avec des phénomènes de ségrégation scolaire qui déstabilisent les écoles et collèges de secteurs urbains entiers ».

Philippe, instituteur à Condrieu (Rhône), « dans une école où se côtoient des enfants de grands viticulteurs, d’ouvriers agricoles, de cadres », a auparavant enseigné dans des cités populaires de la banlieue lyonnaise, avec un nombre important de familles d’origine étrangère. Il constate que « les problèmes économiques et linguistiques rencontrés par les parents influent sur la scolarité : un élève en difficulté de lecture en fin de CE1 court un risque accru d’échec scolaire ».

De son côté, Carole Réminny, de l’Unicef France, ajoute : « Chaque année, en France, 140.000 élèves quittent l’école sans diplôme ; le système n’est pas capable d’enrayer une spirale d’échecs (…). Il est nécessaire de mettre l’enfant et ses besoins au cœur du système, en lui facilitant l’accès à l’école, à une bonne orientation, tout en renforçant le lien école-famille. » Ce constat est révélateur de failles dans le respect des devoirs imposés par la ratification des traités et conventions.

DISPARITÉS DANS LES MOYENS

Rappelons ces extraits de l’article 28 de la CIDE : « Les États parties reconnaissent le droit de l’enfant à l’éducation (…) sur la base de l’égalité des chances. Ils rendent l’enseignement primaire obligatoire et gratuit pour tous (…) et prennent des mesures appropriées : instauration de la gratuité et offre d’aide financière appropriée en cas de besoin. »

Si l’égal accès à l’éducation en France est inscrit dans les textes, les actes ne suivent pas toujours. Tous les enfants vivant sur le sol français doivent avoir accès à l’école publique, mais les moyens varient en fonction des territoires, où le nombre d’enseignants, leur niveau de formation, les conditions d’accueil, la qualité des locaux, ne sont pas les mêmes.

Si l’école publique est gratuite pour tous, il est par ailleurs des dépenses (transport, cantine…) qui, à cause de leur poids dans le budget, se trouvent minorées voire supprimées par les familles, un handicap pour la scolarité de l’élève. Les pouvoirs publics, de l’État aux municipalités, ont le devoir d’assurer la réussite des jeunes citoyens, comme le stipulent les textes adoptés au niveau international et national.

Christian Kazandjian – Revue Convergence N°339


 

(1) Les États-Unis l’ont signée mais pas ratifiée, Sud-Soudan et Somalie ne l’ont pas ratifiée; la France a émis des réserves concernant la question des minorités linguistiques.

(2) Défenseure des enfants,

7 rue Saint-Florentin – 75409 Paris Cedex 08  Tél. : 09 69 39 00 00


 

«La Convention internationale des droits de l’enfant stipule que chaque enfant doit pouvoir développer son plein potentiel, notamment par l’éducation.

Certains parents ont plus d’aptitudes, par leur situation socio-économique, à accompagner leurs enfants sur la voie de leur épanouissement. Or, quel que soit le contexte, un enfant doit pouvoir suivre la voie qui lui convient. La lutte contre les inégalités scolaires passe aussi par une pédagogie active qui lui permette d’être acteur de ses apprentissages (…), lui fasse vivre ses droits et le rende apte à respecter les droits de l’autre.»

Carole Réminny, responsable du service Plaidoyer, Éducation, Jeunesse de l’Unicef France