Organisations syndicales et patronales ont ouvert les négociations sur le « dialogue social » début octobre. Au menu figure le débat sur la réforme des « seuils sociaux ». Le ministre du Travail, puis le président de la République en juillet ont proposé de suspendre leurs effets pendant 3 ans, le temps de vérifier ce que le patronat affirme. À savoir que les seuils sociaux dissuaderaient les employeurs de créer des emplois. La très libérale Fondation Ifrap, un think tank, parie sur la création de 70.000 à 140.000 emplois en cas de suppression des principaux seuils (1).
Mais, étonnamment, les chiffres de l’INSEE (2), sur lesquels elle s’appuie, emmènent l’organisme public de statistiques aux conclusions presque inverses: leur suppression n’aurait qu’un impact très limité sur l’emploi. Le débat de chiffres est lancé.
En attendant d’autres estimations, on peut penser que, de toutes les façons, doubler, supprimer ou fusionner certains seuils ne fera que déplacer le problème. Il y aura toujours des seuils, et des entreprises pour s’en plaindre. En revanche, leur révision aura un impact sur le dialogue social.
C’est d’ailleurs ce qu’en attendent les employeurs.
UN SYSTÈME COMPLEXE
Les seuils sociaux sont des seuils d’effectifs que l’on calcule en nombre d’équivalents temps plein. Le franchissement d’un seuil crée de nouvelles obligations en matière de droit du travail, de droit fiscal ou encore de la Sécurité sociale. Le premier seuil se situe à 10 salariés et le dernier à 2000.
Il faut reconnaître que le système est assez complexe puisqu’on compte douze seuils entre les deux et, au total, plus de soixante obligations nouvelles ou renforcements d’obligation. Une simplification serait probablement la bienvenue. Cependant, ce que les employeurs espèrent obtenir par la fusion ou le report des seuils ou encore la suspension de leurs effets, c’est le recul de certaines obligations.
UN EFFET SUR LES SALAIRES
Dans un pays de petites entreprises comme la France, ce qui gêne particulièrement les employeurs sont les seuils de 11 et 50 salariés à partir desquels l’organisation d’élections pour constituer les institutions représentatives du personnel (IRP) est obligatoire.
Dès 11 salariés, on élit les délégués du personnel qui, arrivant dans l’entreprise, sont un outil pour faire respecter le droit du travail. À partir de 50, les IRP s’étoffent avec la création du comité d’entreprise, du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et la possibilité de désigner des délégués syndicaux, seuls capables de signer des accords collectifs. Au fur et à mesure que l’effectif augmente, les moyens et les prérogatives de ces instances croissent.
La hausse des effectifs a aussi un impact sur le niveau des contributions sociales et sur les obligations en matière de politiques salariale et sociale. La contribution à la formation professionnelle augmente par exemple à partir de 10 salariés, puis de 20 salariés. L’obligation de recrutement de personnes handicapées à hauteur de 6 % de la masse salariale s’impose à partir de 20 salariés, tout comme la contribution à l’effort de construction de logements. Et à partir de 50 salariés, les entreprises doivent ouvrir des négociations sur l’égalité professionnelle, la pénibilité, le « contrat génération », la mise en place de la participation aux résultats de l’entreprise et celle de la « prime de partage des profits ». (…)
Marion Esquerré
- www.ifrap.org/Les-seuils-sociaux-en-France-quel-impact-sur-I-emploi,12513.html
- INSEE Analyses, n°2: « Les seuils de 10, 20 et 50 salariés: un impact limité sur la taille des entreprises françaises », décembre 2011.