Le commun des mortels

Les empereurs chinois rêvaient de devenir immortels. Selon l’historien Sima Qian, ceux-ci envoyaient des équipages à l’assaut des trois îles Penglai, Fangzhang et Yingzhou, situées dans la mer de l’Est, car c’est “là que se trouvent les hommes bienheureux et la drogue qui empêche de mourir”(1).

Malheureusement, un vent hostile repoussait imperturbablement les fragiles embarcations, rendant les îles inabordables. Si les empereurs chinois étaient parvenus à leurs fins, ils découvriraient aujourd’hui un monde de plus en plus vieux.

Tout simplement parce que l’espérance de vie ne cesse de s’allonger : en cinquante ans, la population mondiale a encore gagné vingt années de vie supplémentaire. Sur une longue période, les progrès sont encore plus remarquables : en France, l’espérance de vie, qui ne dépassait pas 28 ans avant la Révolution, atteint aujourd’hui 85 ans pour les femmes et 78 ans pour les hommes.

Qu’une poignée de nantis pétris de futurologie espèrent aujourd’hui repousser les limites de la longévité (lire notre dossier) devrait nous faire sourire : après tout, ces empereurs des temps modernes ont trouvé là un moyen de s’élever au-dessus du commun des mortels.

Mais le reste de l’humanité ne doit pas se décourager : selon l’Organisation mondiale de la santé, l’espérance de vie dans les pays pauvres s’est allongée de neuf ans depuis 1990.

Cette amélioration ne gomme pas les profondes inégalités démographiques : un garçon qui nait aujourd’hui dans un pays riche vivra seize ans de plus que celui né dans un pays pauvre. Et une fille presque vingt ans de plus.

(1) Sima Qian (141 av. J.-C. – 87 av. J.-C.), auteur des Mémoires historiques, cité par Muriel Chemouny, auteure de La Quête de l’immortalité en Chine, éd. Dervy, Paris, 1996.

Courrier international | Eric Chol Permalien