Demain, plus de m…..dans les assiettes !

Nous avons ici même alerté à plusieurs reprises sur la ferme industrielle dite des mille vaches dans le département de La Somme. Sans jamais prendre en compte les remarques et les préventions des riverains et des paysans travailleurs, celle-ci est ouverte avec déjà un troupeau de 250 vaches auquel il faudra ajouter inévitablement les génisses. Combien d’emplois auront disparu avec une telle « business-ferme ».

A  quelques encablures de là, à Beauval,  se monte un projet de poulailler géant qui permettrait d’accueillir 250.000 poules et de mettre en boîte 400 millions d’œufs à l’année !

La résistance populaire a permis de faire échouer le projet d’une porcherie industrielle de 4.500 porcs dans le Pas-de-Calais et d’un poulailler conçu pour accueillir 400.000 poules en Saône-et-Loire. Des collectifs de citoyens se créent dans de nombreux départements pour contrer ces projets démesurés comme en Gironde, à Saint-Symphorien, où s’élabore un projet d’élevage de 11.000 porcs, ou encore dans le Vaucluse, l’Yonne, le Bas-Rhin,… Dans les Deux-Sèvres, la préfecture a permis l’installation d’un autre poulailler géant de 350.000 volailles.

Tous ces projets qui poussent à une profonde mutation de notre production agricole dans le sens d’une industrialisation capitaliste sont fortement encouragés par la baisse des prix agricoles à la production et une démographie marquée par le vieillissement des travailleurs-paysans.

La mise en concurrence des agricultures du monde entier est pleine de dangers pour les souverainetés alimentaires, les qualités alimentaires, la biodiversité et la vie de la terre elle-même qui ne pourra supporter cette intensification à marche forcée. Elle s’épuisera car elle ne pourra pas se renouveler.

Son microbisme se détruira sous l’effet de la chimie, des engrais et des produits phytosanitaires. C’est tout le système alimentaire et environnemental mondial qui sera de plus en plus bouleversé. En effet, pour approvisionner ces usines à lait ou à viande, seront développées des cultures d’exportation de soja ou de manioc très loin de chez nous, au prix de la destruction des forêts d’Amazonie ou d’Asie.

Ce modèle ultra productiviste-capitaliste tue à petit feu l’agriculture paysanne et les milliers d’emplois qui y sont associés. Ce système correspond aux demandes des centrales d’achat et des quelques mastodontes de la grande distribution, de plus en plus liés aux fonds financiers, qui ne considèrent l’alimentation que comme une vulgaire marchandise et qui font tout pour créer les conditions d’une production de masse à bas prix.

Le système lui-même qui refuse de rémunérer le travail ouvrier à sa juste valeur considère que la production de masse à bas prix est un moyen de ne pas augmenter la valeur de la part alimentaire de la reproduction de la force de travail, sans tenir aucun compte ni de l’environnement, ni de la santé humaine et animale.

A l’heure où les scandales sanitaires se multiplient, où les consommateurs réclament de bon droit une alimentation de qualité, où la grande distribution cherche à accroître ses marges au détriment du travail paysan, et surtout, au moment où le modèle productiviste déstabilise les écosystèmes parvenus à un point de non retour, n’y-a-t-il pas nécessité plus absolue que de défendre et développer l’agriculture de proximité, paysanne, respectueuse de l’environnement et des consommateurs ?

Ce ne semble pas être la voie choisie par le gouvernement qui s’empresse, sur ce sujet, comme sur bien d’autres, de suivre aveuglement les recommandations européennes. Ainsi, le projet de poulailler géant dans la Somme bénéficie de l’aide de la Banque publique d’investissement, créée par François Hollande dès sa prise de fonction à la tête de l’Etat pour financer les projets innovants. Force est de constater qu’elle tourne le dos à toutes les belles professions de foi environnementales.

La course à l’exportation vers les pays émergents, présentée par l’Union européenne comme l’alpha et l’oméga de l’avenir de l’agriculture, pousse à la financiarisation d’une agriculture de plus en plus en plus déconnectée de la vie et du développement des territoires.

Pour sortir de ce modèle, il est urgent de construire des filières durables  basées sur un réseau dense d’exploitations familiales à taille humaine et un complexe agro-alimentaire tourné d’abord vers la souveraineté alimentaire, la qualité, la valeur ajoutée et la coopération internationale.

De plus en plus de citoyens, des agriculteurs et des consommateurs refusent l’inanité de ces projets démesurés. Ils se mobilisent sur tout le territoire pour les faire échouer devant les juridictions administratives. Nous sommes à leurs côtés.

Patrick Le Hyaric, Député Européen GUE – Permalien