Présumé terroriste !

La loi Cazeneuve « antiterroriste » est liberticide

Prenant appui sur les situations du Mali, de la Libye, d’Irak et de Syrie, sur l’engagement d’un certain nombre de Français’ aux côtés du Daech, et sur les actes criminels individuels de Mehdi Nemmouche et de Mohamed Merah, le gouvernement est en train de faire adopter par le Parlement une loi censée prévenir les menaces terroristes à venir.

Les lobbyistes des industries sécuritaires organisent dans les médias et auprès des parlementaires une véritable campagne de bourrage de crâne en Faveur de cette loi. On Fait peur aux Français en leur annonçant qu’ils sont sous la menace d’une vague d’attentats terroristes, éminente, générale et massive et que seule cette loi pourra permettre de protéger notre pays. Cette offensive terroriste serait provoquée par des milliers de jeunes Français engagés dans le Djihad à partir d’une radicalisation opérée sur les réseaux sociaux et les sites « web islamiques ».

En réalité, il s’agit d’une loi d’exception qui désigne un ennemi de l’intérieur et qui viole l’Etat de droit en remettant en cause la présomption d’innocence, en organisant les conditions de l’espionnage électronique généralisé de la population Française, et en limitant la liberté d’ex­pression et de communication, en particulier, sur le Net.

Dans une Europe et une France où la situation économique et sociale est catastrophique, il s’agit à la Fois de Faire peur, de désigner des boucs émissaires mais aussi de se donner les moyens juridiques de censure et d’espionnage en cas d’événements sociaux d’ampleur importante.

Ce projet de loi est particulièrement nuisible concernant les libertés numériques. Ce texte prend plus pour cible Internet que le terrorisme. Internet y est accusé d’être le principal vecteur de radicalisation terroriste. En désignant Internet comme une zone de non-droit à mettre au pas, le gouvernement montre une Fois de plus son inculture de la chose numérique à l’image d’un vulgaire Finkielkraut. Si le gouvernement veut vraiment lutter contre l’enrôlement dans des filières terroristes, plutôt que de Fermer des sites Web, il Ferait mieux de Fermer les prisons et de renforcer les moyens de la Projection judicaire de la jeunesse.

La France possède déjà les moyens juridiques pour s’opposer au terrorisme

La sortie du « délit de l’apologie du terrorisme» du droit de la presse, la création d’un délit de fréquentation habituelle des «sites terroristes», le blocage, sans intervention d’un juge, par censure administrative de sites Internet Faisant l’apologie du terrorisme sont parmi les mesures les plus liberticides de ce projet de loi.

Le blocage basé sur les contenus des sites implique de la part des Fournisseurs d’accès, pour être efficace techniquement, la mise en place d’une inspection systématique des requêtes des internautes instaurant de Fait une surveillance globale de ceux-ci. Ce blocage est de plus inopérant car 80 % des contenus visés par la loi circule sur des plates-Formes comme Facebook, Twitter, Youtube…

À la Fin du projet de loi, on trouve des articles concernant l’ensemble des procédures pénales, pas seulement le terrorisme, et qui portent atteinte à l’inviolabilité du domicile, au secret des sources, en permettant sans autorisation judiciaire spécifique de perquisitionner à distance des équipements informatiques, ou de requérir des personnes pour décoder des données cryptées. On substitue au Fonctionnement normal de la justice une justice « administrative » expéditive et sans contre-pouvoirs’. Dans tous les pays de l’OTAN des législations similaires sont mises en place, ce qui nous fait mesure l’ampleur de la soumission du gouvernement français aux choix politiques de cette organisation.

Il n’y a bien sûr aucune complaisance à avoir avec les actes terroristes et ceux qui les commettent. Mais force est de constater que le qualificatif de terroriste est un concept juridique flou et plastique bien commode pour autoriser toutes les dérives en matière d’atteintes aux libertés et aux droits de l’homme. La pitoyable affaire de Tarnac est l’une des illustrations de ces dérives. Furent qualifiés de terroristes les résistants de l’Affiche Rouge, Mandela, Yasser Arafat, Gerry Adams, les leaders des mouvements anticolonialistes et de libération nationale.

Les listes « officielles » d’organisations terroristes dressées par l’Union européenne et les Etats-Unis amalgament d’authentiques groupes terroristes avec des mouvements politiques en lutte contre des régimes autoritaires ou dictatoriaux. C’est à ce titre que dans notre pays, la police française a arrêté et livré à la police turque des militants politiques de la cause kurde. Le projet de loi Cazeneuve est inutile car la France possède déjà les moyens juridiques nécessaires pour s’opposer au terrorisme.

Si la prévention et la répression des actes de terrorisme sont du ressort légitime des fonctions régaliennes de l’Etat, on ne peut tolérer qu’elles soient instrumentalisées pour justifier la restriction de la liberté d’expression, de communication et la fuite en avant vers la surveillance électronique de la population française. C’est pourquoi on ne peut que s’opposer catégoriquement à ce projet de loi aussi inutile pour lutter contre le terrorisme que toxique pour les libertés numériques de nos concitoyens.

Yann Le Pollotec


  1. Le ministère de l’Intérieur, après avoir évoqué le nombre de 285 en avril, parle maintenant d’environ 800 personnes, les lobbys sécuritaires font circuler le chiffre de plus de 3000. Dans les faits, il est très difficile d’avoir des chiffres réellement fiables.
  2. Décryptage complet de la loi sur: https://presumes-terroristes.fr/