Bientôt privé de poissons dans les assiettes …

La surpêche continue de menacer les écosystèmes marins

Une récente étude scientifique démontre que les restrictions sur les quotas de pêche n’ont pas permis la régénération générale des stocks de poissons dans les mers d’Europe, déjà fragilisés par les bouleversements climatiques et la destruction des zones côtières.

Alors que les conséquences de la surpêche sur les écosystèmes marins sont bien connues, une étude, publiée il y a quelques semaines dans la revue scientifique Fish and Fisheries révèle que les efforts entrepris par l’Union européenne pour en diminuer les impacts n’ont finalement que peu d’effets. « Globalement, les populations n’augmentent guère et, surtout, la structure des écosystèmes reste perturbée avec des indices de productivité et de diversité qui n’enregistrent aucune amélioration significative », expliquent les auteurs. C’est le cas, par exemple, de la morue des mers du Nord et Celtique ou de la sole du golfe de Gascogne, particulièrement affectées par la surexploitation.

Pour Didier Gascuel, directeur du pôle halieutique d’Agrocampus Ouest et premier auteur de l’étude, la surpêche est « une spirale infernale à laquelle seule une régulation collective et publique » peut apporter une solution. « La surpêche se traduit par une telle diminution des stocks de poissons que même l’augmentation des jours de mer, du nombre et de la taille des bateaux ne permet pas aux pêcheurs d’augmenter leurs captures », explique le scientifique.

Pourtant, depuis les années 1970, le volume de la pêche dans les eaux européennes a été diminué par deux afin de permettre aux espèces de se régénérer.

Mais si, pour l’heure, les restrictions et notamment la baisse des quotas de pêche n’ont pas eu les effets recherchés, le bilan, selon Didier Gascuel, est tout de même à nuancer. « Ces politiques de restrictions ont été positives sur certains stocks, particulièrement ceux dont les quotas ont été les plus rigoureux », rappelle le chercheur, qui estime que la situation aurait été « bien pire sans ces régulations ». Reste a respecter les règles.

En 2013, la Belgique, le Danemark, la Grèce, la France, l’Irlande, les Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni ont dépassé les quotas autorisés.

Le 11 août dernier, la Commission européenne a annoncé une déduction des quotas pour les pays concernés afin de « remédier immédiatement aux dommages occasionnés aux stocks surexploités ».

Au total, ce sont plus de 21.200 tonnes de poissons de 45 espèces que les flottes européennes devront épargner pour 2014. « Il faut persévérer ! » martèle l’auteur de l’étude. « On est en train de changer progressivement les règles de gestion via ce qu’on appelle la « gestion rendement maximum durable », qui se traduit par des quotas rigoureux et restrictifs. »

Mais le chercheur insiste : le renouvellement des stocks ne peut pas se faire du jour au lendemain, c’est un processus long. « Il faut accepter que les stocks se régénèrent, mais surtout laisser les poissons suffisamment longtemps dans l’eau pour qu’ils grandissent, qu’ils grossissent, qu’ils renforcent leur biomasse », poursuit-il.

Est-il possible de répondre à la demande des consommateurs tout en préservant les écosystèmes ?

Oui, en admettant de limiter la consommation de poissons de pêche et en développant certaines formes d’élevage. « Aujourd’hui, les poissons d’élevage les plus commercialisés sont les espèces piscivores, comme le saumon ou le bar. Des espèces qui se nourrissent de farine de poissons pêchés en mer. En d’autre termes, cette forme d’élevage aggrave la surpêche », explique Didier Gascuel, qui plaide pour le développement des élevages d’espèces herbivores comme les crevettes.

Les raisons de la chute des ressources halieutiques

La pression de la pêche n’est pas le seul élément pour expliquer la chute inquiétante des ressources halieutiques dans les mers européennes. « Les milieux et les ressources marins sont également affectés par la destruction des espaces côtiers. Ces zones de balancement des marées aux eaux peu profondes représentent pour de nombreuses espèces une partie de leur cycle de vie. Longtemps sous-estimées, la destruction de ces espaces côtiers et la pollution de leurs eaux sont pourtant un facteur important », détaille Didier Gascuel.

Par ailleurs, le réchauffement climatique et l’augmentation de la température des océans « ont modifié la survie des larves », poursuit-il. Une combinaison de facteurs qui continuent de menacer les écosystèmes marins, en Europe et dans le Monde, et qui imposent une réponse politique à grande échelle.

Marion D’Allard Huma quotidien 02 sept 201