Valls II, l’oreille de Pierre Gattaz

Le 26 août au soir, l’Élysée a annoncé la composition du nouveau gouvernement.

Huit hommes et huit femmes qui ont pour mission d’en finir avec les crises internes à répétition, du PS gouvernemental et dans les assemblées .

Mais en clarifiant la composition de son gouvernement, le président se coupe un peu plus des socialistes

L’assise politique du hollandisme, à mesure qu’avance le quinquennat, se réduit comme peau de chagrin. François Hollande, pourtant, a toujours considéré comme une absolue nécessité le fait de ne pas gouverner avec le seul Parti socialiste, afin de ne pas offrir l’image d’une formation par trop hégémonique, voire monopolistique. Il a toujours pris garde à faire en sorte que le PS, au pouvoir, soit flanqué d’alliés susceptibles de lui apporter l’apparence de la diversité.

Cette préoccupation semble désormais évanouie. (…) Il ne peut que constater, avec le remaniement en catastrophe (…), que c’est désormais du cœur même du PS que proviennent les défections gouvernementales. Le symbole est terrible. Et pas simplement parce que M. Hollande, cinq mois après leur nomination ou leur reconduction, perd là trois de ses plus importants ministres, ceux de l’économie, de l’éducation nationale et de la culture.

Les départs d’Arnaud Montebourg, le troisième homme de la primaire socialiste de 2011, et dans le même mouvement de Benoît Hamon, ancien leader de l’aile gauche du PS, ainsi que d’Aurélie Filippetti sont dévastateurs. Parce qu’ils dévitalisent brutalement une équipe qui compte peu de personnalités de poids. Mais surtout parce que le curseur du positionnement politique de l’exécutif, qui depuis le 6 mai 2012 dérive lentement mais sûrement de la lutte contre  » la finance  » à un soutien aux entreprises, vient de s’éloigner brusquement de plusieurs crans du centre de gravité de la gauche.

Le coup de théâtre se révèle d’autant plus désastreux qu’il intervient à quatre jours de l’université d’été du PS à La Rochelle, et alors que le président avait tenté de donner le ton, dans une interview au Monde du jeudi 21 août, afin d’assécher par avance la contestation quant à la ligne économique.

Las : avant même la rentrée politique, le président essuie là une crise politique d’ampleur, la quatrième du quinquennat après l’épisode de Florange, le scandale Cahuzac et l’affaire Leonarda. Mais celle-là est peut-être la plus accablante, ultime démonstration de la somme de défiances agglutinées dont il est la cible.

Une haine d’emblée installée de la droite et de l’extrême droite, une méfiance tôt manifestée par l’opinion, un ressentiment de plus en plus exacerbé des électeurs de gauche. (…)

Qui soutient encore François Hollande ?

Moins d’un citoyen sur cinq, dans les sondages, lui accorde encore leur confiance. Une partie de sa majorité s’est installée dans une fronde récurrente. Son propre parti demeure traumatisé par deux défaites historiques encaissées à deux mois d’intervalle, aux municipales et aux européennes. Si désormais des socialistes éminents refusent de rester au gouvernement, ou le quittent, ne restera-t-il donc dans l’équipe que l’aile hollandaise et vallsiste, sociale-libérale donc, du PS ?  » La purification politique continue « , estime un ami de M. Montebourg.

La cohérence, c’est bien.

Mais si la cohérence est synonyme de rétrécissement et d’appauvrissement et que Hollande se retrouve à présider avec les seuls Valls et Le Drian, ça l’est beaucoup moins. Le rétrécissement du domaine présidentiel, à l’issue de l’opération, est indéniable. (…) une hypothétique homogénéité gouvernementale va fort logiquement laisser dehors ces voix qui portent, susceptibles de prendre la tête des contestataires.

Quelle majorité pour le président, le 9 septembre à l’ouverture de la session parlementaire ?

 » Je fais le pari que la base politique du gouvernement sera plus large que l’on n’imagine « , assure un proche de M. Valls. Ce que veut croire le président du groupe PS à l’Assemblée Bruno Le Roux :  » Je crois que le président et le premier ministre ont encore une majorité à l’Assemblée. Elle est quelquefois un peu compliquée, il faudra aller la chercher sur certains textes. Mais il y a une marge entre ne pas vouloir partager toutes les idées et vouloir faire tomber la majorité. «  (…)

Certains à l’Élysée, tel le secrétaire général Jean-Pierre Jouyet, préconisent de longue date un rééquilibrage de celle-ci vers le centre. Mais c’est bien de la droite et du centre, mais aussi du FN et du Parti de gauche, que sont venus les appels à la dissolution, M. Hollande ne pouvant  » s’exonérer de redonner la parole au peuple sous une forme ou une autre « , résume le député UMP Eric Ciotti. Une solution que même les plus irréductibles des frondeurs de la majorité ne sauraient cautionner de peur d’une chambre presque entièrement nettoyée des socialistes, comme en 1993. (…)

Revault d’Allonnes David, Le Monde du 27 août 2014


Valls offre aux patrons, une entrée directe au cœur du dispositif gouvernemental

A la tête d’un nouveau gouvernement, où tous les Ministres sont désormais alignés derrière ses coups de talonnettes et de menton, Manuel Valls est allé cet après-midi aux Université d’été du Medef pour déposer aux pieds de Pierre Gattaz ce qu’il croit être le cadavre de la gauche.

Inutile d’imaginer l’accueil triomphal des patrons réunis à cette occasion, qui, non contents d’avoir déjà obtenus, via le CICE et le Pacte de responsabilité, plus qu’ils n’en demandaient, se sont vus offrir, avec la nomination d’Emmanuel Macron au ministère de l’Industrie, une entrée directe au cœur du dispositif gouvernemental.

Même dans leurs rêves les plus fous, ils n’auraient jamais imaginé, à peine plus de deux ans après son élection, une telle convergence d’intérêts et d’objectifs avec l’homme du Bourget.

Communiqué du PCF


 

Valls II, vu de l’étranger. Web – Courrier international

A Londres, le Financial Times salue le geste courageux de François Hollande, mais souligne aussi que sa démarche n’est pas sans risque. “L’éviction de la gauche est un pari politique qui soulève deux préoccupations concernant la direction que prend la France. […]

  • Premièrement, il est parfaitement raisonnable de se demander si la France – tout comme l’ensemble de la zone euro – pourra se relever si l’actuel engagement de contraction budgétaire est maintenu. […]
  • Deuxièmement, le renvoi de M. Montebourg, même s’il est politiquement courageux, est potentiellement déstabilisant.”

Le quotidien rappelle la cote de popularité désastreuse de François Hollande et la capacité d’Arnaud Montebourg à animer un front anti-austérité audible. “Au mieux, cela mènera la France sur un chemin politique sinueux. Au pire, le pays devra retourner aux urnes, avec la perspective d’une cohabitation compliquée entre un président de gauche et un gouvernement de droite.” C’est pourquoi le FT conclut, prophétique : “La critique [de M. Montebourg] de la mauvaise politique que l’Europe a imposé à la France résonnera longtemps après qu’il aura quitté la scène.

Alternative ridicule

A Madrid, El País revient sur le profil des nouveaux membres du gouvernement Valls II : “Des technocrates, avec Macron en tête, qui deviennent des exécutants d’un mandat clair du président. Les réformes doivent être approuvées. Il n’y a plus d’alternative.”

Pour le quotidien espagnol, ceux qui ont déjà échoué, ce sont Montebourg et les ministres rebelles sortants. “Ce sont des partisans des nationalisations, des protectionnistes et des militants de l’antimondialisation. Montebourg a connu une malheureuse expérience de populisme infiltré dans un parti conventionnel, et les autres doivent faire en sorte de ne pas la répéter”, analyse El País dans son édito, titré “Populistes infiltrés”. D’après le quotidien, l’alternative que proposait le ministre de l’Économie sortant est ridicule et minuscule en comparaison des mesures proposées par Hollande.