Six milliards de kilomètres : c’est au terme d’un gigantesque périple que la sonde Rosetta est arrivée hier à destination. La comète Tchourioumov-Guérassimenko, première à être approchée par un engin spatial, pourrait nous apporter des éléments décisifs sur l’origine du Système solaire.
La rencontre, survenue mercredi matin à 11h 29 heure française, est synonyme de succès pour l’Agence spatiale européenne (ESA), à l’origine de la mission entamée il y a vingt ans. « La sonde Rosetta est désormais le premier véhicule spatial de l’histoire à avoir effectué un rendez-vous cométaire, a réagi Jean-Jacques Dordain, le directeur général de l’ESA. Cela constitue un jalon majeur dans l’exploration de nos origines. C’est maintenant que les découvertes vont vraiment commencer ! »
Lancée dans l’espace le 2 mars 2004 par une fusée Ariane-5, Rosetta s’est progressivement rapprochée de son objectif en effectuant quatre fois le tour du Soleil. Elle a frôlé à trois reprises la Terre et une fois Mars pour prendre de la vitesse, respectant ainsi la trajectoire calculée par les ingénieurs de l’ESA. Hier, c’est entre Jupiter et Mars que Rosetta s’est finalement positionnée à une centaine de kilomètres de la comète, qui file à 55.000 km/h.
À bord, la sonde est équipée de onze instruments de mesure – caméras, spectromètre ultraviolet, spectromètre des gaz, analyseurs de poussière… Autant d’outils qui permettront de prendre un maximum d’informations sur la composition exacte de la cible. Tchourioumov-Guérassimenko, découverte en 1969 par un astronome soviétique, est, comme toutes les comètes, composée d’un noyau de glace et de poussières.
Ce corps de 4 kilomètres de diamètre laisse s’échapper du gaz et des particules à chaque approche du Soleil; la prochaine, en août 2015, sera scrutée de près par Rosetta. L’étude de la matière émise par la comète pourrait révéler de précieux indices sur l’apparition du Système solaire, il y a 4,6 milliards d’années.
Le 11 novembre prochain, un autre exploit sera – sans doute – réalisé par Rosetta. La sonde tentera de larguer, sur la comète, l’atterrisseur Philae. Ce robot de la taille d’un réfrigérateur, lui-même paré d’instruments de mesure, analysera cinq mois durant l’objet céleste, à même le sol. « Rosetta est une mission unique, a conclu Jean-Jacques Dordain, unique par son objectif scientifique, la compréhension de nos origines, sûrement le meilleur moyen de comprendre notre futur. »
Benoit Delrue – Huma quotidien 07 Août 2014
Pourquoi tout le monde s’excite
Nous sommes survolés en permanence : avions, satellites, stations spatiales mais aussi météorites et comètes se promènent au-dessus de nos têtes ! L’une de ces comètes, qui répond au nom de Churyumov-Gerasimenko (vous pouvez l’appeler Tchouri), se trouve maintenant à 650 millions de kilomètres de la Terre.
Elle ne s’est pas écrasée sur Terre, non, c’est plutôt nous qui sommes allés à sa rencontre. Il y a dix ans, l’agence spatiale européenne a envoyé la sonde Rosetta avec pour mission l’étude détaillée de la comète. Mercredi, Rosetta l’a enfin rejoint et s’est mise en orbite autour d’elle.
Des objets d’étude fascinants
Les comètes, ça vous dit quelque chose, j’en suis sûre. Si vous n’êtes pas trop jeune, vous avez peut-être vu passer la comète Hale-Bopp en 1997 ou celle de Halley en 1986 (pour vous situer, on était encore en francs et la première cohabitation commençait). Les comètes sont des boules de neige sales qui, quand elles s’approchent du Soleil, voient leurs glaces fondre et se répandre en une immense queue de gaz et de poussière.
Le trajet suivi par Rosetta durant ces dix dernières années.
Les comètes sont de précieux objets d’étude pour les astrophysiciens. Leur composition nous éclaire par exemple sur la naissance du système solaire. Quand le système solaire s’est formé, l’essentiel de la matière a donné naissance au Soleil et aux planètes. Les restes ont formé les comètes et les météorites, qui sont alors restés quasiment inchangés jusqu’à aujourd’hui.
D’autre part, les comètes auraient largement contribué à apporter l’eau sur Terre quand celle-ci était encore très jeune et chaude. Enfin, certaines études suggèrent qu’elles pourraient même avoir apporté la vie sur Terre ! Ce n’est encore qu’une hypothèse, mais une hypothèse très intéressante.
La comète en forme de corn-flake
L’étude de cette comète au nom imprononçable va sans doute éclairer ces questions. Pour vous donner une idée, elle fait quelques kilomètres de diamètre, ce qui est plutôt habituel chez les comètes. Sa masse, 3 000 milliards de kg, équivaut à dix fois la masse de toute l’humanité réunie.
Cette comète est la première à être explorée par un engin humain. En effet, la sonde Rosetta, qui va rester en orbite autour de la comète, a emporté avec elle un atterrisseur appelé Philae. Celui-ci pèse une centaine de kilos et est muni d’une dizaine d’instruments scientifiques. Il peut forer le sol sur une vingtaine de centimètres pour analyser précisément la composition de la comète.
Un atterrissage à risque
L’atterrissage, prévu pour le 11 novembre prochain, promet quelques sueurs froides aux scientifiques. D’abord, il va falloir sélectionner le site d’atterrissage en fonction de nombreux paramètres, comme l’ensoleillement ou l’orbite suivie par Rosetta. Le sol va ensuite être analysé à distance par la sonde.
En effet, il faut envisager tous les cas car on ne connaît pas à l’avance la consistance du sol. Si le sol est mou, Philae mettra à profit ses pieds-raquettes. Si le sol est élastique, une petite rétrofusée le plaquera au sol.
Dernière complication, la gravité est extrêmement faible à la surface de la comète. N’imaginez pas faire un petit tour là-bas en tongs, la moindre petite impulsion vous enverrait dans l’espace. Les pieds de l’atterrisseur sont heureusement munis de vis pour s’arrimer fermement dans le sol.
Pendant que Philae analysera le sol et prendra les premières photos en relief de la surface, Rosetta étudiera entre autres le dégazage de la comète, c’est-à-dire la transformation des glaces de la comète en gaz sous l’action du Soleil. Philae devrait fonctionner quelques mois tandis que Rosetta accompagnera la comète pendant dix-huit mois.
Sarah Fechtenbaum Chargée d’étude doctorante en astrophysique – Permalien