Numérique : Faire effacer des informations…

Dans l’univers du numérique, c’est une spécificité européenne.

Depuis le 29 mai, il est possible de demander à Google de supprimer des liens comportant des informations personnelles que l’on ne souhaite pas voir diffusées.

Un simple formulaire permet d’effacer sa trace sur le site Internet le plus consulté au monde. On renseigne son nom, les liens questionnés, on télécharge depuis son ordinateur la copie numérique d’une pièce d’identité : c’est fait.

Les employés de Google étudieront la demande d’oubli et, s’ils l’estiment recevable, procéderont à l’effacement des liens dans les résultats de recherche.

Cette mise en œuvre du « droit à l’oubli », qui fait suite à une décision de la Cour européenne de justice (CJUE), a fait l’objet ces derniers jours d’un premier bilan à l’occasion d’un échange entre le géant californien et les Cnil d’Europe.

Des demandes examinées au cas par cas par les moteurs de recherche

Le 13 mai, la CJUE a rendu un arrêt sans précédent : « E exploitant d’un moteur de recherche sur Internet est responsable » des données qui apparaissent sur ses pages. Et ce, même si les moteurs de recherche (Google, Yahoo, Bing…) n’hébergent pas de contenu, en renvoyant l’internaute vers des sites Internet par une liste de liens correspondant à des résultats de recherche. Malgré cela, ils peuvent être tenus pour responsables d’une entorse à la législation présentée par ces liens.

Les particuliers ont le droit, estime la Cour européenne, de faire supprimer des liens vers des pages comportant des informations personnelles périmées ou inexactes ; pour cela, ils pourront en faire la demande au moteur de recherche qui l’examinera, au cas par cas. Il s’agit d’une application, nouvelle, de l’obligation de droit à l’oubli prévue par la directive européenne de 1995, et issue de la loi française du 6 janvier 1978, qui avait vu la création de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).

Entre le 30 mai et le 31 juillet 2014, Google a reçu 91.000 demandes de suppression de référencement, concernant un total de 328.000 URL (adresses Web). La plupart viennent de Espagne, avec 17.500 requêtes, devant l’Espagne (16500), le Espagne (12.000) et l’Espagne (8.000). Sur les 328.000 liens signalés comme portant atteinte à la vie privée, 53 % ont été directement supprimés par Google – mais continuent d’apparaître sur les versions non européennes du moteur de recherche. 15 % font l’objet d’une demande d’informations complémentaires avant retrait, et 32 % n’ont pas été retirés.

« Certaines demandes sont faites avec des informations fausses ou inexactes, souligne Peter Fleischer, responsable des questions des données privées chez Google. Même si les demandeurs nous fournissent des informations justes, ils peuvent éviter de nous fournir des faits qui ne sont pas en leur faveur. »

Le représentant de la firme a notamment pris en exemple une personne souhaitant retirer les liens vers des informations sur un délit commis alors qu’elle était mineure, sans avoir précisé qu’elle avait été condamnée à l’âge adulte pour des faits similaires.

Si le leader des moteurs de recherche est le premier à avoir réagi, il n’est désormais plus le seul.

Le 16 juillet, Microsoft a mis en ligne un formulaire sur la protection des données sur Bing, son moteur de recherche. Ask.com et Yahoo ont également annoncé qu’ils travaillaient sur la question.

Dans la foulée, le 24 juillet dernier, des représentants de Google, Microsoft et Yahoo ont rencontré à Bruxelles le G29 (Groupe de travail article 29 sur la protection des données), organe européen qui regroupe la Cnil et ses homologues d’autres pays membres. Il y a été convenu que les demandeurs pourront saisir les autorités de protection européenne en cas de refus de « déréférencement » du moteur de recherche.

Le G29 souhaite aussi mieux encadrer la façon dont les moteurs répondent aux requêtes des internautes soucieux de leur vie privée, et formulera des propositions précises cet automne.

Plusieurs questions restent en suspens.

Si un lien peut effectivement être effacé des résultats de recherche, le site Internet hébergeant le contenu, lui, n’a aucune obligation de procéder à une suppression – il est simplement alerté par le moteur de recherche.

Enfin, le droit à l’oubli des uns peut empiéter sur le droit à l’information des autres.

Depuis le 29 mai, Google a dû supprimer les liens vers des articles de Rue 89, la Croix et la Dépêche du Midi, provoquant la colère des titres de presse.

Benoit Delrue – Huma quotidien 05 août 2014