C’est la fin d’un procès très médiatisé qui s’est tenu mercredi 25 juin 2014 à Pau, mais pas la fin d’un débat. Alors que le gouvernement vient de confier une mission sur la fin de vie aux députés UMP, Jean Leonetti, et PS, Alain Claeys, la décision radicale de la Cour d’Assises des Pyrénées-Atlantiques d’acquitter Nicolas Bonnemaison a été vivement et rapidement commentée.
Dès la lecture du verdict, les avocats du Dr Bonnemaison, Me Benoît Ducos-Ader et Arnaud Dupin en ont tiré les conséquences pour leur client comme pour la suite du débat sur la fin de vie. « Cela va obliger les politiques à aller un peu plus vite », pour adapter la législation sur la fin de vie, a expliqué le premier, tandis que son confrère estimait qu’il fallait « redonner sa blouse blanche à NicolasBonnemaison », allusion à la radiation du praticien par le Conseil de l’Ordre des médecins, qui fait actuellement l’objet d’une contestation devant le Conseil d’Etat.
Le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, a souligné qu’elle « confortait » la volonté du gouvernement de « faire évoluer le cadre législatif », tandis que Jean Leonetti a déclaré, juste avant l’acquittement, être « terrifié qu’un jour on puisse dire que finalement c’est normal qu’un médecin puisse rentrer dans une chambre, décider que la vie de la personne qui est en face de lui ne mérite plus d’être vécue et qu’il injecte un produit mortel ».
Après avoir salué le verdict, l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF) de Patrick Pelloux juge que « la loi Leonetti doit être améliorée afin qu’à l’avenir les médecins puissent l’appliquer en conformité avec la volonté des malades, des familles, de l’éthique et de la déontologie ».
Pour l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) aussi, il est « urgent que François Hollande arrête de tergiverser et dise clairement qu’il va légaliser l’euthanasie comme 90% des Français l’attendent ». A l’opposé, l’association
Alliance Vita a jugé mercredi « effrayant » l’acquittement de l’urgentiste de Bayonne, demandant « qu’il soit fait appel de ce verdict absurde ».
Pour sa part, la SFAP (Société Française d’Accompagnement et de soins palliatifs) rappelle « l’objectif de la sédation en phase terminale est de soulager un malade qui présente une situation de souffrance importante. Il n’est pas de provoquer le décès.»
Le Généraliste: Permalien
L’avis du « Quotidien du Médecin » – Permalien
L’ acquittement de Nicolas Bonnemaison, jugé pour 7 empoisonnements
« Vous êtes acquitté de la totalité des faits », a déclaré le président de la Cour d’assises des Pyrénées-Atlantiques à Pau à l’adresse du Dr Nicolas Bonnemaison. L’urgentiste, 53 ans, était jugé pour 7 empoisonnements sur des patients en fin de vie, entre mars 2010 et juillet 2011, dans l’unité d’hospitalisation de courte durée (UHCD) du service des urgences de l’hôpital de Bayonne.
Il encourait la réclusion criminelle à perpétuité. Mais dès mardi 24 juin, l’avocat général avait requis 5 ans d’emprisonnement avec sursis, sans interdiction d’exercice de la médecine. « Vous n’êtes pas un assassin. Pas un empoisonneur. (…) Vous avez agi en médecin qui s’est trompé », avait déclaré Marc Mariée. Seules deux familles s’étaient déclarées partie civile, pour « comprendre ».
Les jurés, à l’issue de 4 heures de délibération, ont estimé que le Dr Bonnemaison avait agi dans son unité dans un « contexte bien spécifique » de patients âgés incurables dont les traitements avaient été arrêtés préalablement, et conformément à la loi. « Il n’est pas démontré qu’en procédant à ces injections, il avait l’intention de donner la mort aux patients, au sens de l’article 221-5 du Code pénal », même s’il n’a pas informé les familles ou les soignants à chaque fois, ont-ils considéré. « Estimant de bonne foi que ses patients souffraient physiquement et psychiquement, il a (…) recherché une sédation des patients sans qu’il soit établi par les débats que ces sédations avaient pour but le décès des patients », analysent les jurés, qui ont répondu par la négative aux 14 questions qui leur étaient soumises (deux par patients décédés dont la première porte sur la culpabilité du médecin).
« J’ai agi en médecin comme je le conçois jusqu’au bout du bout » avait lancé le Dr Bonnemaison au cours de sa dernière prise de parole ce matin.
Les avocats de l’urgentiste ont salué une « décision énorme » susceptible de forcer les politiques à « aller plus vite » dans la réforme de la loi sur la fin de vie. Ils ont souligné le « télescopage judiciaire exceptionnel » avec les décisions rendues mardi au sujet de Vincent Lambert et la décision samedi 21 juin, du Premier ministre Manuel Valls de confier à Jean Leonetti (UMP, Alpes-Maritimes) et Alain Clayes (PS, Vienne) de préparer un nouveau texte de loi sur l’accompagnement des personnes en fin de vie.
Ils ont exigé que le médecin, radié par le Conseil national de l’Ordre des médecins en première instance puis en appel en avril dernier, puisse « retrouver sa blouse blanche ». Le Dr Nicolas Bonnemaison avait formé un recours devant le Conseil d’État, en cours d’examen.
Occasion d’une réflexion sur la fin de vie
Tout au long des 11 jours de procès, près de 70 témoins se sont succédé à la barre, décrivant souvent la solitude des médecins dans les petits hôpitaux, face à la mort et surtout à l’agonie, toujours trop longue. (…)
Coline Garré