La gauche peut-elle renaître?

La fronde d’une partie des députés socialistes commence à trouver un écho chez les mélenchonistes, les communistes et les écolos.

Trois semaines après la défaite historique aux européennes, la gauche tente de se remettre en selle. Hasard du calendrier, le Parti socialiste, Europe Ecologie-Les Verts (EELV) et le Parti de gauche (PG), le Parti Communiste Français (PCF) organisaient chacun un conseil national samedi 14 juin pour faire le point sur la dernière claque électorale, et déterminer une stratégie pour en éviter une nouvelle.

Mais alors qu’au PS les députés frondeurs ont longuement critiqué l’orientation pro entreprises du pacte de responsabilité, le Premier ministre, Manuel Valls, a maintenu son cap. (…) ... il a exhorté les frondeurs à se rallier à la ligne majoritaire et d’affirmer :« Le risque de voir Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle existe. Oui, la gauche peut mourir »

[À vrai dire, l’attrape tout du PS et son « éventail » d’adhérents allant d’une gauche sociale libérale à une gauche centriste libérale a abandonné derrière son ex secrétaire général François Hollande toute expression d’une gauche conçue à la façon de Jean-Jaurès. L’équipe dirigeante n’est pas une gauche au pouvoir. MC] (…)

« L’orientation politique n’appartient pas au seul président de la République, sa famille politique doit pouvoir en discuter », continue le député Laurent Baumel, cofondateur de la Gauche populaire. (…)

Un appel du pied entendu par les écolos. Alors que depuis son départ du gouvernement, EELV est divisé entre ceux qui s’en félicitent et ceux qui le regrettent, occasionnant la rupture du duo Cécile Duflot-JeanVincent Placé, les militants ont voté samedi contre le projet de loi de finances. A l’unanimité ils appellent à chercher des amendements communs avec d’autres députés de gauche opposés aux orientations de Hollande, et à rejeter le texte si lesdits amendements sont refusés. (…)

Il y a un fourmillement de rencontres entre les différents appareils.

Entre le Club des socialistes affligés, créé mi-mai par l’ex-eurodéputé socialiste Liêm Hoang-Ngoc et le politologue proche du Front de gauche Philippe Marlière, le rassemblement ouvert à toute la gauche organisé du 20 au 22 juin à Bellerive-sur-Allier par le socialiste Gérard Filoche, ou encore le conseil national du courant PS Un monde d’avance, les initiatives ne manquent pas.

« En montrant que le PCF et EELV sont aussi critiques, la parole des socialistes s’est libérée. Ils ne sont pas marginaux : en réalité, ils sont au cœur de la gauche », explique la sénatrice Marie-Noëlle Lienemann, instigatrice du club Gauche avenir. « Dans le PS et au Parlement, dans la gauche, EELV, le Front de gauche, il existe une majorité alternative potentielle, unitaire, rouge, rose, verte : qu’elle s’oppose et gouverne! », écrit Gérard Filoche sur son blog. Pierre Laurent, dirigeant du PCF, surenchérit : « Il faut utiliser l’année qui vient pour construire avec toutes les forces disponibles un grand projet. »

Mais est-ce aussi simple?

Créé en 2007, Gauche avenir rassemble des personnalités aussi diverses qu’Emmanuelle Cosse d’EELV, le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone ou encore Christian Picquet de Gauche unitaire. En somme, « l’ossature de l’union intelligente de la gauche ». « Mais ça n’aboutit à rien de concret, se plaint un socialiste proche de Lienemann. La période de recomposition actuelle est très intéressante : il y a des perspectives communes et une vraie envie de travailler ensemble. Mais une fois qu’on a fait les meetings et que François Hollande nous aura envoyés sur les roses, on fait quoi?

On a besoin d’un grand mouvement social qui mobilise toute la société. Un nouveau Mai 68 avec un débouché politique. »

Mais avant de penser une grande mobilisation, les partis doivent aboutir à une même vision.

Or les divergences de fond ne manquent pas. (…)

D’après un extrait d’article de Mathilde Carton – Les inrocks N° 968