La mondialisation heureuse, mode d’emploi

Selon la secrétaire d’État française au commerce extérieur Fleur Pellerin, les débats autour du projet d’accord transatlantique souffriraient d’une présentation « inutilement anxiogène ». Alors, de quoi s’agit-il exactement ? Et quels sont les risques pour les populations ?

De quoi parle-t-on ? GMT, PTCI, TTIP, APT ou Tafta ?

Divers sigles et acronymes circulent pour désigner une même réalité, officiellement connue, en français, sous le nom de partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement (PTCI) et, en anglais, sous celui de Transatlantic Trade and Investment Partnership (TTIP). Cette multiplicité d’appellations s’explique en partie par le secret des négociations, qui a entravé l’uniformisation des termes utilisés. Alimenté par la fuite de documents, le travail des réseaux militants a conduit à l’émergence de nouveaux acronymes : notamment Tafta en anglais (pour Trans-Atlantic Free Trade Agreement), qu’utilisent certaines organisations francophones (dont le collectif Stop Tafta) ; et grand marché transatlantique (GMT), en français.

De quoi s’agit-il officiellement ?

Le GMT est un accord de libre-échange négocié depuis juillet 2013 par les Etats-Unis et l’Union européenne visant à créer le plus grand marché du monde, avec plus de huit cents millions de consommateurs.

Une étude du Centre for Economic Policy Research (CEPR) — une organisation financée par de grandes banques que la Commission européenne présente comme « indépendante  » — établit que l’accord permettrait de doper la production de richesses chaque année de 120 milliards d’euros en Europe et de 95 milliards d’euros aux Etats-Unis.

Les accords de libre-échange, tels que ceux parrainés par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), visent non seulement à abaisser les barrières douanières. mais également à réduire les barrières dites « non tarifaires » : quotas, formalités administratives ou normes sanitaires, techniques et sociales. A en croire les négociateurs, le processus conduirait à une élévation générale des normes sociales et juridiques.

De quoi s’agit-il plus probablement ?

Le GMT est un accord de libre-échange négocié depuis juillet 2013 par les Etats-Unis et l’Union européenne visant à créer le plus grand marché du monde, avec plus de huit cents millions de consommateurs.

Une étude du Centre for Economic Policy Research (CEPR) — une organisation financée par de grandes banques que la Commission européenne présente comme « indépendante (3) » — établit que l’accord permettrait de doper la production de richesses chaque année de 120 milliards d’euros en Europe et de 95 milliards d’euros aux Etats-Unis (4).

Les accords de libre-échange, tels que ceux parrainés par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), visent non seulement à abaisser les barrières douanières (5), mais également à réduire les barrières dites « non tarifaires » : quotas, formalités administratives ou normes sanitaires, techniques et sociales. A en croire les négociateurs, le processus conduirait à une élévation générale des normes sociales et juridiques.

De quoi s’agit-il plus probablement ?

Créée en 1995, 1 ‘OMC a largement œuvré à la libéralisation du commerce mondial. Toutefois, les négociations s’y trouvent bloquées depuis l’échec du « cycle de Doha » (notamment sur les questions agricoles). Continuer à promouvoir le libre-échange impliquait de mettre au point une stratégie de contournement. Des centaines d’accords ont ainsi été conclus ou sont en cours d’adoption directement entre deux pays ou régions. Le GMT représente l’aboutissement de cette stratégie : signées entre les deux plus grandes puissances commerciales (qui représentent près de la moitié de la production de richesse mondiale), ses dispositions finiraient par s’imposer à toute la planète.

La portée du mandat européen de négociation et les attentes exprimées par la partie américaine suggèrent que le GMT dépasse largement le cadre des « simples » accords de libre-échange. Concrètement, le projet vise trois objectifs principaux : éliminer les derniers droits de douane, réduire les barrières non tarifaires par une harmonisation des normes (dont l’expérience des précédents traités laisse penser qu’elle se fera « par le bas ») et donner des outils juridiques aux investisseurs pour casser tout obstacle réglementaire ou législatif au libre-échange. Bref, imposer certaines des dispositions déjà prévues par l’accord multilatéral sur l’investissement (AMI) (6) et l’accord commercial anti-contrefaçon (7) (en anglais Anti-Counterfeiting Trade Agreement, ACTA), tous deux rejetés sous l’impulsion des populations.

Quand le projet doit-il être réalisé ?

D’après le calendrier officiel, les négociations doivent aboutir en 2015. S’ensuivrait un long processus de ratification au Conseil et au Parlement européens, puis par les Parlements des pays dont la Constitution l’exige, comme en France.

Qui négocie ?

Pour l’Europe, des fonctionnaires de la Commission européenne. Pour les Etats-Unis, leurs homologues du ministère du commerce. Tous font l’objet d’importantes pressions de lobbys représentant, pour la plupart, les intérêts du secteur privé.

Quelles conséquences pour les Etats ?

Le GMT prévoit de soumettre les législations en vigueur des deux côtés de l’Atlantique aux règles du libre-échange, qui correspondent le plus souvent aux préférences des grandes entreprises. Les Etats consentiraient, à travers l’accord, à un abandon considérable de souve­raineté : les contrevenants aux préceptes libre-échangistes s’exposent en effet à des sanctions financières pouvant atteindre des dizaines de millions de dollars.

Selon le mandat de l’Union européenne, l’accord doit « fournir le plus haut niveau possible de protection juridique et de garantie pour les investisseurs européens aux Etats-Unis » (et réciproquement). En clair : permettre aux entreprises privées d’attaquer les législations et les réglementations, quand elles considèrent que celles-ci représentent des obstacles à la concurrence, à l’accès aux marchés publics ou à l’investissement.

L’article 4 du mandat précise : « Les obligations de l’accord engageront tous les niveaux de gouvernement. » Autant dire qu’il s’appliquerait non seulement aux Etats, mais également à toutes les collectivités publiques : régions, départements, communes, etc. Une réglementation municipale pourrait être attaquée non plus devant un tribunal administratif français, mais devant un groupe d’arbitrage privé international. Il suffirait pour cela qu’elle soit perçue par un investisseur comme une limitation à son « droit d’investir ce qu’il veut, où il veut, quand il veut, comme il veut et d’en retirer le bénéfice qu’il veut (8) ».

Le traité ne pouvant être amendé qu’avec le consentement unanime des signataires, il s’imposerait indépendamment des alternances politiques.

S’agit-il d’un projet que les Etats-Unis ont imposé à l’Union européenne ?

Commission, avec l’accord des vingt-huit gouvernements de l’Union européenne, promeut activement le GMT, qui épouse son credo libre-échangiste. Le projet est par ailleurs

porté par les grandes organisations patronales, comme le Dialogue économique transatlantique (Trans-Atlantic Business Dialogue, TABD). Créée en 1995 sous l’impulsion de la Commission européenne et du ministère du commerce américain, cette organisation, désormais connue sous le nom de Trans-Atlantic Business Council (TABC), promeut un « dialogue fructueux » entre les élites économiques des deux continents, à Washington et à Bruxelles.

Raoul Marc Jennar et Renaud Lambert. Le Monde Diplomatique N°723 Juin 2014 – Suivre l’article – Permalien –


 

  1. http://stoptafta.wordpress.com
  2. Après avoir un temps utilisé l’expression accord de partenariat transatlantique (APT), Le Monde diplomatique a finalement adopté l’appellation GMT.
  3. « Transatlantic Trade and Investment Partnership. The economic analysis explained », Commission européenne, Bruxelles, septembre 2013.
  4. Ibid.
  5. Les droits de douane imposés aux marchandises produites à l’étranger lors de leur entrée sur un territoire.
  6. Lire Christian de Brie, « Comment l’AMI fut mis en pièces », Le Monde diplomatique, décembre 1998.
  7. Lire Philippe Rivière, « L’accord commercial anti-contrefaçon compte ses opposants », La valise diplomatique, juillet 2012, www.monde.diplomatique.fr
  8. Définition des droits de l’investisseur donnée par le président-directeur général d’American Express.

Une réflexion sur “La mondialisation heureuse, mode d’emploi

  1. Non merci 01/06/2014 / 16h30

    Le Traité Transatlantique est loin d’être signé (fin 2015) !
    *Un collectif unitaire « StopTAFTA » a été crée en France.
    *En Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Royaume-Unis il en est de même. Ces collectifs se sont réunis avec des représentants « StopTafta » de toute l’Europe à Bruxelles pour coordonner leurs actions avant les élections européennes, des manifestations à Berlin, Bruxelles et Paris ont fait le plein..
    * En France des collectifs locaux se montent (aujourd’hui 55)
    * Les régions Ile de France et PACA, Limousin, Picardie, Bretagne … les départements Seine Saint-Denis, Tarn … les villes Besançon, Niort, La Grande Synthe, Saint-Denis, Crévoux, Briançon, Sevran, Cherbourd se sont déclarées « Hors Tafta » et la région Auvergne « contre le Traité », la région Rhône-Alpes demande un moratoire
    *Signez la pétition « PROTÉGEONS NOS COMMUNES, DÉPARTEMENTS, RÉGIONS … DÉCLARONS LES HORS TAFTA ! » —> http://stoptafta.wordpress.com/2014/03/14/declarons-nos-communes-hors-tafta-non-aux-accords-de-libre-echange-entre-les-usa-et-lue/ : Votre maire, votre députés et vos eurodéputés recevront automatiquement le message comme quoi une personne de plus est contre le Tafta !
    *Toutes les informations et l’actualité à ce sujet sur —> http://stoptafta.wordpress.com/
    Organisons-nous pour rejéter ce Traité : Créer ou rejoindre un des 55 collectifs locaux « StopTafta » —> http://stoptafta.wordpress.com/les-collectifs-locaux/

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