Au chevet du front de gauche

Avec la création du parti de gauche, puis l’organisation du front de gauche proposé autour du parti communiste et différentes composantes, puis la mise en place d’un leader Jean-Luc Mélenchon pour la présidentielle, beaucoup à gauche se sont dits que l’alchimie était trouvée, permettant de faire naître un réel espoir de mener une politique sociale et économique de gauche.

Les « présidentielles » de 2012

Avec le positionnement du front de gauche se démarquant socialement du parti socialiste, la fougue d’un Jean-Luc Mélenchon, l’engouement retrouvé dans les réunions publiques, autant d’éléments ayant porté le front de gauche à près de 12 % à l’élection présidentielle. Chacun pouvait alors penser à une possible recomposition et répartition des partis et de la vie politique en France. Était pensable la destruction représentative d’un dualisme droite-gauche (UMP – PS).

Les « législatives » de 2012

La première désillusion est venue très rapidement dès les élections législatives et les premières erreurs stratégiques de Jean-Luc Mélenchon et son équipe notamment sa bataille perdue pour Hénin Beaumont contre le Front National et Marine Le Pen.

Les différentes tergiversations au sein de l’organisation du front de gauche, à la fois par les passes d’armes entre le PG et le PC mais aussi du peu d’influence des groupuscules s’étant intégrés dans l’organisation ont contribué pour une grande partie à ne plus savoir où en était réellement le front de gauche dans son positionnement et les nécessaire revendications, tant les leaders de chaque parti bafouillaient leurs directives, le plus souvent en leur nom qu’en celui de l’organisation.

Les « municipales » 2014

Cette cacophonie a rendu inaudible le front de gauche aux élections municipales -et bien qu’a cette élection, la personnalité locale compte beaucoup – dans le concert revendicatif anti gouvernement social-démocrate portant l’austérité à la population tout en faisant des cadeaux immenses au patronat et possédants. Dans le même temps la droite UMP composée par Sarkozy éclate, les dissidences se font jour notamment suite aux élections présidentielles et à la non réélection du « sautillant Bling-Bling », une partie recrée un centre alors que d’autres aidés entre autres par les manifestants anti mariage gay, PMA, anti IVG, s’en vont au mieux à la limite extrême de l’UMP au plus mal au Front National.

Les élections municipales ont mis en place dans la plus grande majorité des villes et villages de France des équipes composites de droite et l’extrême droite

Les « européennes » de 2014

Face à l’incapacité de la gauche dans son ensemble mais surtout au front de gauche de trouver une expression fédératrice autour de ses idées pour une Europe sociale et non une Europe économique et excluant la partie sociale, face un parti socialiste qui n’est plus que l’ombre d’une expression de gauche – tourné avant tout vers une démocratie sociale ouverte au libéralisme -, face a une décomposition de la droite traditionnelle engluée dans une guerre des chefs visant les élections présidentielles de 2018, la montée des pensées xénophobes, d’une société « travail, famille, patrie », du retour au franc et des postes frontières aux limites de son territoire, est devenu, pour beaucoup trop de personnes électrices électeurs, le seul moyen d’opposer un démenti aux actions du gouvernement actuel.

Dans ce dernier contexte, quel est le pouvoir du front de gauche.

Tout d’abord, il faudrait que Jean-Luc Mélenchon cesse de considérer que le front de gauche c’est lui. Dans le même temps l’acteur principal du front de gauche, le parti communiste, de par sa structure, son histoire, son implication dans les mouvements ouvriers doit faire face à des courants internes que sa direction n’endigue pas toujours et qui manque cruellement d’un leader charismatique. Quant aux autres formations mêmes si elles ont le souhait de se réunir « ensemble ! », le point majeur reste l’inorganisation. Ce faisant chacun le sait, le front de gauche n’existant pas officiellement, l’adhésion directe à ce « conglomérat de pensées » est impossible, ce qui laisse bon nombre de lecteurs orphelins au moment d’un vote de gauche.

Comment et sur quoi réunir toutes les sensibilités de cette gauche plurielle, dans un nouveau parti qui s’appellerait « front de gauche » ?

Tant que chacun voudra garder le point-virgule ou la virgule dans son texte, honorer son leader, vouloir n’entendre que le propos de sa formation et chaque organisation de compter individuellement ses forces, le front de gauche restera une coquille vide de sens.

MC


Extrait de Ce gros travail d’ introspection qui attend le Front de gauche

Besse Desmoulières Raphaëlle, Le Monde du 28 mai 2014 – Permalien

Comment rebondir après cet échec ?

Pour le Parti communiste et le Parti de gauche (PG), il y a urgence à tirer le bilan des municipales et des européennes. L’enjeu est que la coalition de la gauche radicale ne se retrouve pas marginalisée dans les scores qui étaient les siens avant la création du Front de gauche. Il y a bien sûr cette évidence qui s’est imposée le 25 mai : un FN en tête à des élections nationales, à 24,95 %. Pour Jean-Luc Mélenchon, qui avait fait de la lutte contre l’extrême droite l’un des axes majeurs de sa campagne présidentielle de 2012, le coup est rude.

(…)  Un coup de semonce pour ceux qui voulaient  » rompre et refonder l’Europe « . La progression de M. Mélenchon est elle-même faible : s’il est élu, il passe de 8,16 % en 2009 à 8,57 % cinq ans plus tard. Pire : en 2009, le Nouveau Parti anticapitaliste avait recueilli près de 5 % des voix quand il ne pèse aujourd’hui que 1,60 % des suffrages avec Lutte ouvrière. Et le différentiel ne s’est pas porté sur le Front de gauche.  » Quand on sait que la masse de leurs militants sont venus chez nous, ça a de quoi nous inquiéter « , note André Chassaigne, président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine à l’Assemblée nationale. (…)

Pour Clémentine Autain, porte-parole de « Ensemble ! », troisième force du Front de gauche, l’argument est un peu court.  » Jeter la responsabilité sur le PS ne suffira pas à répondre à la question qui nous est posée « , prévient-elle. Non seulement la coalition de la gauche radicale n’a pas réussi à dépasser le PS comme le PG se l’était fixé mais les électeurs la renvoient à ses scores initiaux comme si les 11,10 % de la présidentielle n’avaient jamais existé.

Le constat est simple : depuis deux ans, le Front de gauche n’est pas parvenu à attirer les déçus de François Hollande.  » (…)

Eric Coquerel, chargé des élections au PG, renvoie les communistes à leurs responsabilités, eux qui ont opté pour des alliances à géométrie variable aux municipales avec le PS.  » L’absence de stratégie globale ne nous a pas aidés en terme de lisibilité « , tacle-t-il. M. Chassaigne a lui une autre explication.  » On est apparu comme replié sur nous-mêmes, se désole-t-il. Et comme des organisations en concurrence entre elles. (…)

Au Front de gauche, l’objectif reste donc de rassembler au-delà de ses propres forces, en se tournant vers les socialistes et écologistes critiques.  » Si on n’est pas capable de s’allier avec ceux qui refusent cette politique, on ira droit dans le mur « , insiste le secrétaire national du PG, Eric Coquerel. Mais pour y parvenir, le Front de gauche doit déjà  » commencer par balayer devant – sa – porte  » souligne Mme Autain.  » On n’a pas su transformer l’élan de la présidentielle et on a un Front de gauche qui s’est replié sur un tête-à-tête entre le PCF et le PG « , insiste celle qui plaide pour une  » architecture nouvelle  » et des adhésions directes.  » (…)

M. Chassaigne estime ainsi que  » le Front de gauche ne peut être incarné par un seul homme, aussi talentueux soit-il « .  » Le meilleur allié de Hollande, c’est Mélenchon, lâche un autre dirigeant communiste. Sa stratégie de jouer l’effondrement du PS pour lui substituer un Front de gauche dominé par lui-même est contre-productive.  » Une date est déjà retenue. Les 4 et 5 juin, la direction du PCF se retrouve en séminaire pour discuter de l’avenir du Front de gauche. L’occasion que certains ne rateront pas pour lâcher leurs coups.

2 réflexions sur “Au chevet du front de gauche

  1. Alain Fort 29/05/2014 / 12h11

    Excellente analyse Michel, il faut repartir sur d’autres bases pour attirer les déçus du socialisme, et ne pas les repousser, voir les insulter comme le fait JLM. Quand aux gauchistes issus de la défunte LCR ou du NPA, ils doivent choisir entre la négation infantile permanente et l’esprit responsable.

    • Libre jugement - Libres propos 29/05/2014 / 12h49

      Merci Alain, Je me sentais un peu seul. Il faut dire que j’en suis certainement responsable depuis que j’ai pris des distances avec la direction (euh existe-t-elle encore ?) siégeant à Privas. Reste que depuis quelques temps en paix avec mon libre jugement, je me regarde a nouveau droit dans mon miroir. Amitiès

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