Chacun son chemin de croix

Il est fort probable que la montée des intégristes catholiques, leurs expressions anti mariage gay, contre la PMA, anti IVG et par conséquence arc-bouter contre les propositions de loi du gouvernement social-démocrate actuel, ayant pendant de nombreuses semaines alimenter les différents médias, aura contribué à « verser » un certain nombre de catholiques dans les bras de Marine Le Pen. MC

Les catholiques ont le sens civique.

L’enquête réalisée par l’Ifop pour La Croix à l’occasion des élections européennes montre que, si 42 % seulement des Français interrogés ont déclaré s’être rendus aux urnes, cette proportion atteint 61 % chez les catholiques pratiquants et même 81 %, soit près du double, chez les pratiquants réguliers.

Cette forte participation s’explique notamment par des raisons démographiques, la population concernée étant plus âgée que la moyenne des électeurs. Mais pas seulement, souligne Jérôme Fourquet, directeur du département opinion et stratégies de l’Ifop. Les plus de 65 ans sont en effet allés voter à 62 % (contre 27 % chez les moins de 35 ans). Le surplus de participation des pratiquants, particulièrement élevé pour ce scrutin, s’explique sûrement par la fibre européenne traditionnellement forte des chrétiens.

Pour ce scrutin, les réseaux catholiques s’étaient encore une fois mobilisés en faveur de l’Europe. L’enquête confirme une très nette « prime à droite » du vote catholique. L’UMP enregistre un score supérieur de 14 points à celui de l’ensemble des Français. Les partis de droite rassemblent 57 % des suffrages des catholiques, l’ensemble des partis de gauche n’en réunissant que 17 %.

« Habituellement, les catholiques sont entre 25 et 33 % à voter à gauche », précise Jérôme Fourquet. Alors que François Hollande avait réalisé 34 % chez les pratiquants réguliers (sources Ifop) au second tour de la présidentielle de 2012, le score du PS tombe à 8 %. Lors du précédent scrutin européen de 2009, les catholiques pratiquants (1) avaient, selon l’Ifop, voté à 16 % pour les listes PS. Les formations de droite et du centre (UMP, MPF de Philippe de Villiers, MoDem) avaient capté 72 % des voix.

Mais la liste FN menée par Jean-Marie Le Pen n’attirait cette année-là que 4 % des catholiques pratiquants et 7 % de l’ensemble des Français. Cinq ans plus tard, la progression de Marine Le Pen est très importante chez les pratiquants réguliers. Certes, en étant 21 % à avoir choisi les listes FN, ils sont en deçà du score national (25 %). Mais, selon Jérôme Fourquet, ce résultat confirme, sur le long terme, que cet électorat est de plus en plus enclin à franchir le pas.

« L’opération de dédiabolisation de Marine Le Pen, la rupture avec les déclarations antisémites de son père ont fait mouche aussi chez les catholiques », estime le politologue. L’enquête montre enfin que Force Vie, de Christine Boutin, enregistre un 9 % très supérieur au pourcentage national (0,74 %). Jérôme Fourquet fait l’hypothèse que « s’il n’y avait pas eu cette liste, une partie de ces voix se serait portée vers le FN ». S’agissant de l’attitude des électeurs vis-à-vis du FN, il n’y aurait donc plus vraiment d’éléments qui, aujourd’hui, différencient le vote catholique de celui des non-catholiques.

(1) À noter que la catégorie des pratiquants réguliers n’avait pas été distinguée de l’ensemble.

Gorce Bernard, La Croix du 27 mai 2014 – Permalien