Un article paru dans les Inrockuptibles a retenu mon attention. Il commente un événement antérieur. Il explique en grande partie des dérives de l’enseignement d’un catholicisme traditionnel poussé par les partis politiques du centre-droit à l’extrême droite issu en droite ligne du comportement de Nicolas Sarkozy en son temps d’une part et se faisant devient le berceau revendicatif anti gouvernement Hollande. En ce qui concerne l’enseignement privé, il faut constater que depuis la loi de 1905, la droite catholique s’est ingéniée à réintégrer petit à petit, un enseignement œcuménique soutenu par des subventions que paye chacun des assujettis aux impôts. Au nom de quel droit à partir du moment où sont accordés des subventions à un culte particulier ne sont-ils pas accordés à tous les cultes existants sur notre territoire ? L’égalité doit aussi s’exercer sur ce point, aussi je suis en désaccord profond avec ce genre de subventions : qui dit « organisme privé » doit être payé par des privés. MC
Au deuxième sous-sol de la paroisse Notre-Dame-de-Grâce, à Passy, une gigantesque crypte bétonnée, pleine à craquer. (…) A la tribune, les protagonistes de « l’affaire Gerson » (…)
Terrés dans le silence depuis plusieurs semaines, ils acceptent ce soir-là de répondre aux nombreux questionnements des parents.
(…) Habilement tenue secrète, cette réunion n’a fait l’objet d’aucune communication, ni de fuites. Sauf de la part (…) de familles, (…) rencontrées ce jour-là par hasard aux alentours du lycée, ont révélé « l’adresse mystère »
A l’origine de la polémique Gerson, a confession d’une élève de terminale sur l’antenne d’Europe 1, le 14 avril. Elle rapporte les propos d’une intervention en séance de catéchèse d’Alliance Vita, une association proche de la Manif pour tous : « Une fille qui prend la pilule du lendemain ne sait pas s’il y a fécondation. Elle est donc considérée comme semi-meurtrière. Une fille qui avorte commet un homicide volontaire. »
Les vannes sont ouvertes, des professeurs exaspérés dénoncent les liens entre l’établissement et la Fondation Jérôme-Lejeune, Alliance Vita, le Salon beige, l’Agenda pour tous, des groupes proches de l’Opus Dei, des milieux catholiques traditionalistes ou de l’extrême droite
Yves(1), enseignant à Gerson, enrage devant la paroisse « Je dois tout à cette école, ma carrière, mon épanouissement, mais je n’ai aucune raison de m’écraser face aux bouleversements actuels, en contradiction avec l’histoire de l’établissement » Selon lui, l’affaire de l’IVG n’est pas un cas isolé.
Il avait déjà signalé au directeur que des élèves s’étaient dit choqués d’entendre en classe « l’islam a été inventé par le diable » ou « un homosexuel qui veut des enfants, c’est comme un cul-de-jatte qui veut des chaussures ». En réponse, le directeur reste évasif : « Ce doit être une erreur, je ne sais pas. »
Francesca(1), enseignante au collège Gerson, s’inquiète de la « réduction des minorités et de l’homogénéisation des élèves. C’est visible à l’œil nu. »
Aux parents stupéfaits, monsieur Person a répété, comme un mantra : « Bienveillance, ouverture, exigence. Voilà l’ADN de Gerson. » Le directeur diocésain vient à sa rescousse : « Des dérapages verbaux, il peut y en avoir dans tous les établissements. Ce n’est pas symbolique de tout le reste. » A la sortie de la salle surchauffée, les joues rosies, certains parents assurent qu’ils désinscriront leurs enfants à la rentrée prochaine. D’autres choisissent de faire confiance à l’ADN de Gerson.
Élèves et parents du XVIe arrondissement témoignent du durcissement global ressenti dans divers établissements : obligatoires les séances de catéchèse, les pèlerinages remplaçant les voyages scolaires, les célébrations religieuses durant la Semaine sainte, y compris pour les élèves juifs et musulmans, obligatoires les confessions.
Auxquels s’ajoutent des discriminations à l’inscription, fondées sur l’origine supposée des élèves, sous couvert d’une sélection tournée « vers l’excellence ».
Sur le site du lycée Gerson, les dossiers de préinscription à télécharger s’enquièrent sans vergogne : l’enfant est-il baptisé? A quelle date? Votre enfant participe-t-il à des activités de l’aumônerie?
Autant de pratiques « condamnables et parfaitement illégales », souligne Bruno Poucet, universitaire spécialiste d’histoire de l’éducation et auteur de « L’Enseignement privé en France » (PUF, 2012) : « Le vrai problème, c’est que les parents acceptent. Concrètement, ils ont les moyens juridiques de contester. Mais on est devant une clientèle captive. » Si les parents écœurés se taisent, c’est que leurs enfants n’auraient pas le niveau pour intégrer les établissements publics de leur choix. Alors ils ne mouftent pas.
Laure(1), malgré ses revenus modestes, a des enfants scolarisés au collège Saint-Honoré-d’Eylau, à quelques rues de Gerson. Dans l’établissement, pourtant connu dans le quartier comme étant l’un des plus ouverts, elle note « un vrai changement depuis le début de l’année, avec l’arrivée d’une nouvelle directrice », dont Juan(1), un ancien membre du personnel, décrit la panoplie : coque d’iPhone, parapluie, boucles d’oreilles à l’effigie du logo de la Manif pour tous. Un nouveau genre, également noté par un enseignant, parti professer ailleurs : « Je sentais que le respect des différentes confessions volait en éclats. On obligeait tous les élèves à se rendre dans la cour le matin pour assister à des célébrations religieuses, comme pour un exercice incendie. »
A l’inverse, une mère s’attriste « que l’on puisse attaquer l’intervention d’associations qui défendent la vie ». Elle semble sidérée que la Mairie de Paris puisse appeler le ministère de l’Éducation à ouvrir une enquête administrative.
Et pourtant. Ce qui dérange, c’est que ces établissements sous contrat bénéficient d’un financement de l’État.
Ils sont alors soumis à un certain nombre de règles fixées par le code de l’éducation, dont l’article 1 de la loi Debré de 1959, qui exige un « respect total de la liberté de conscience » et précise que « tous les enfants sans distinction d’origine, d’opinions ou de croyances, y ont accès ». En échange, plus de 7 milliards d’euros sont réservés dans le budget de l’Éducation nationale à l’enseignement privé sous contrat.
Une organisation tentaculaire entre en jeu :Conférence des évêques de France, diocèses, Fédération nationale des organismes de gestion des établissements de l’enseignement catholique, rectorats, ministère de l’Éducation nationale s’entremêlent pour régir la gestion,la mission évangélique et l’enseignement dans ces établissements.
Le financement, complexe, est réparti entre l’État, les régions, les départements, et les parents.
A cela s’ajoute le « statut de l’enseignement catholique », une charte, en forme de règlement interne adoptée par la Conférence des évêques, dont la version 2013 pourrait être une des causes de la flambée de l’intégrisme.
Selon Bruno Poucet, la nouvelle charte « autorise une lecture allant vers une catholicisassions plus grande, et permet un contrôle idéologique du directeur diocésain plus étendu qu’avant à un moment où la déchristianisation de la société est plus forte. Il y a un indéniable renforcement identitaire. Mais quelle est son importance réelle? C’est difficile à dire. » Pour Juan(1), « il y a une volonté nette du diocèse de resserrer les boulons depuis la Manif pour tous. Le rassemblement et la mobilisation provoqués par la loi Taubira leur ont donné des ailes. » Claude Berruer, adjoint au secrétaire général de l’enseignement catholique, réfute les soupçons de radicalisation, qui seraient « de l’ordre du fantasme ». Et défend mordicus les établissements catholiques, « qui font au quotidien un travail exigeant, dans un esprit d’ouverture ».
Quid d’une situation explosive qui aurait échappé aux mailles de l’inspection générale de l’Éducation nationale depuis des mois?
Bruno Poucet explique qu’il existe un contrôle de l’enseignement et du respect des programmes. « Mais sur la catéchèse et les activités religieuses, aucune intervention de l’État n’est possible puisqu’elles s’inscrivent dans les temps de vie scolaire. » Au cabinet de Benoît Hamon, on répond qu’ « évidemment le cas Gerson interroge ». Les conclusions du rapport de l’inspection générale seront remises au ministre d’ici à la fin du mois.
Olivia Muller – Les Inrocks N°963 (Extraits). Titre original de l’article « à l’école des cathos tradi »
1. Les prénoms ont été modifiés