C’est mauvais, oui mais, que fait-on ?

Les perturbateurs endocriniens sont partout: parabènes (conservateurs), bisphénol A, F ou S (plastiques), pesticides… La Commission européenne, qui devait présenter en décembre 2013 les critères pour les définir, puis les réglementera pris du retard. La France, de son côté, vient de publier sa stratégie nationale.

La France vient de se doter d’une « stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens ».

Cette stratégie doit déterminer les politiques à mettre à place pour mieux comprendre l’impact de ces substances chimiques et surtout conduire, in fine, grâce aux réglementations, à baisser les expositions de la population. Les esprits chagrins souligneront que le Danemark, dès 2002, et le Royaume-Uni ont déjà mis en œuvre de telles stratégies, il n’empêche, mieux vaut tard que jamais. Sans surprise, les mesures annoncées ne font jamais qu’endosser, enfin, les préconisations de la Commission européenne énoncées dans la première stratégie européenne sur les PE en 1999, à savoir : accélérer la recherche sur les mécanismes d’action des PE, développer les programmes de surveillance de l’environnement et les mesures des expositions.

Un moteur pour l’industrie

La mise au point d’alternatives à l’utilisation de ces substances chimiques qui agissent sur le système endocrinien doit être « un moteur pour l’innovation » pour l’industrie, en lien avec la recherche privée et publique. Ce qui est déjà en cours, depuis la fin des années 1990 avec les 6e et 7e programmes européens qui ont alloué des millions d’euros à la recherche et développement des substituts aux PE.

Autrement dit, rien de neuf, si ce n’est une commu­nication publique sur ces questions, laquelle était demandée justement aux États membres dès 1999, par la stratégie européenne.

S’il y a un élément à retenir, il concerne ce qui se joue actuellement au niveau de l’UE sur la définition des PE. En 2009, il a été acté qu’au plus tard le 13 décembre 2013 la Commission européenne présenterait les critères scientifiques permettant de définir un PE. En effet, la toxicité sur le système endocrinien de centaines de substances chimiques couramment utilisées n’a été découverte qu’à partir des années 1970. Mais cela a donné lieu à une intense activité de recherches scientifiques au point qu’à partir de 1998 l’Organisation mondiale de la santé les considère comme une priorité.

Reste, pour les encadrer de façon réglementaire, à se mettre d’accord sur une définition, au même titre que pour les CMR (cancérigène, mutagène, reprotoxique). À partir de quoi, il est prévu, à l’échelle de l’UE, d’exclure les substances PE dits « avérées » (pour lesquelles les preuves sont suffisantes), des règlements des pesticides et biocides.

De plus, en 2004, la Commission a établi la liste des autres réglementations concernées par le retrait des PE: eau, cosmétiques, matériaux en contact avec les denrées alimentaires, jouets et, bien entendu, protection des travailleurs. Sauf qu’en mars 2013 l’Autorité européenne de sécurité de l’alimentation (EFSA) publie un avis qui remet en cause l’approche commune qui jusqu’alors considère les PE comme une catégorie de substances avec un mécanisme de toxicité aux propriétés intrinsèques.

L’EFSA souhaite distinguer des « endocrine active substances » (ayant une activité ponctuelle sur le système endocrinien) des PE, et introduit la notion de « puissance », à déterminer pour chaque substance. À rebours de ce qui a été mis en évidence jusqu’ici, à savoir: les PE altèrent les fonctions du système endocrinien et induisent des effets nocifs sur la santé d’un organisme intact sans critère de dose, ni de puissance.

La position de la stratégie nationale, qui est aussi celle de l’ANSES, réaffirme que la définition à venir sur des PE « doit être fondée sur les propriétés intrinsèques de la substance ». De son côté, le gouvernement suédois, qui a mis en place dès les années 1990 des mesures d’interdiction de certains PE, pour protéger sa population, a entrepris un « recours en carence » contre la Commission européenne en raison de son « inaction », considérant le retard sur ce dossier incompatible avec l’enjeu de santé publique que représentent des PE.

Anne-Corinne Zimmer, Article paru dans HD N°21420 – Journaliste écrivaine vous pouvez la retrouver : Permalien


 

INFO +. Une première liste recensant 533 perturbateurs endocriniens (selon un corpus d’études scientifiques) est publiée par la Commission en 2000, puis elle établit une liste de PE prioritaires en 2007. Enfin, la Commission a classé en 2011

  • 34 substances en catégorie 1 (preuves suffisantes pour être classées PE),
  • 21 en catégorie 2 (PE potentiel)
  • 52 en catégorie 3 (manquant de données scientifiques).