Pourquoi, alors que 68 % des Français confient avoir une mauvaise opinion d’elle, et que seulement 35 % la considèrent « honnête » (selon BVA), Marine Le Pen réussit-elle à maintenir le FN en tête, devant l’UMP et le PS, dans tous les derniers sondages pour les élections européennes ?
Et au-delà des prédictions, c’est un fait : le Front national a largement progressé aux élections municipales, passant de 0,4 % de suffrages en 2008 à 8,7 % en 2014. Remportant au passage 9 villes de plus de 10.000 habitants et s’octroyant un contingent de près de 1.600 élus locaux.
Du coup, Marine Le Pen se voit déjà à la tête du « premier parti politique de France ». « Et ce n’est que le début de quelque chose de plus profond: le retour du peuple français », confiait-elle dimanche au journal « Le Parisien ».
En réalité, le FN surfe sur une profonde ambiguïté, qui pour s’avérer un peu grossière n’en est pas moins efficace, en se prétendant le défenseur des « petites gens » mais aussi un parti « hors système».
Dans le brouillage politique général où la gauche succédant à la droite au pouvoir en 2012 applique la même politique d’austérité, le FN a beau jeu de dénoncer des connivences qui tiennent en un slogan en forme d’acronyme « UMPS ». S’agissant des élections européennes, voilà comment Marine Le Pen s’adressait, le 9 mai dernier, à ses militants venus la voir à Béziers: « On nous avait promis l’Europe sociale, nous avons l’austérité comme, seul horizon. Avec, en ligne de mire la suppression du Smic. »
Dans le même temps, lorsque le 20 décembre 2010, le Gauche Unie-Européenne (GUE- GNL) avait fait la proposition d’ un amendement pour instaurer un salaire minimum dans tous les pays d’ Europe, le FN avait obstinément refusé de le voter.
C’ est ici que réside en permanence l’ écart flagrant entre le discours aux classes populaires et la réalité du positionnement politique du Front national. Jamais le FN n’ a réclamé le moindre droit nouveau pour les salariés, jamais il n’ a pris part aux cortèges pour défendre la retraite ou revaloriser les salaires.
Bien des fois il s’est même prononcé contre le droit syndical : « Ensemble, gouvernement et syndicats jettent la France dans le chaos. (…) La tolérance zéro doit s’appliquer aux émeutiers », exultait Marine Le Pen le 22 octobre 2010 lors du conflit sur les retraites. (…)
L’ exploitation des failles est devenue une spécialité du FN
Dans sa nécessité de capter la colère sociale et les difficultés au quotidien, Marine Le Pen sait pourtant qu’elle doit frapper fort, et là encore elle joue la carte d’un prétendu « plus disant » social en usant des renoncements du Parti socialiste cette fois, en la personne de Pascal Lamy, ancien président de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) et « grand ami de monsieur Hollande », précise la chef de file du FN : « Monsieur Lamy, l’homme qui nous rappelle que les socialistes français, derrière l’expression mielleuse de leur compassion pour l’humanité souffrante, ont toujours trahi la classe ouvrière! »
L’exploitation des failles de l’adversaire est devenue une spécialité pour Marine Le Pen. Ainsi lorsqu’elle fait la distinction entre les travailleurs et les syndicalistes qui les défendent, elle profite la aussi de la désaffection récurrente des organisations, qu’elles soient politiques ou syndicales, pour créer un lien singulier avec un monde du travail qu’elle ne défend pourtant jamais dans lesfaits.
Lorsque la directive européenne de détachement des travailleurs, qui vise à installer une concurrence insupportable entre salariés européens, est revenue sur la table des eurodéputés en avril 2014,1a encore, le FN a préféré l’abstention au vote contre. Et pourtant au gré des élections, les plus précaires, les moins bien rémunérés, donnent majoritairement leurs suffrages à Marine Le Pen.
Le vote FN gagne désormais des voix sur une partie de la jeunesse.
Les déceptions à répétition provoquées par les « grands partis » qui se succèdent au pouvoir et les désillusions qu’elles engendrent expliquent sans doute en grande partie ce choix. Un vote qui gagne désormais une partie de la jeunesse : « De nombreuses études le montrent, ce sont les jeunes ayant le moins d’instruction qui se tournent vers le Front national. Moins on est instruit, plus on vote FN. On observe que ce sont également ceux qui s’intéressent le moins à la campagne. Leurs préoccupations sont, par exemple, plus portées sur la sécurité et moins sur l’éducation. Ils sont souvent très peu intégrés socialement, avec une certaine précarité professionnelle. C’est ce qui différencie cet électorat de celui de Mélenchon, par exemple », analysait par exemple le sociologue Sylvain Crépon dans l’Express à l’issue de l’élection présidentielle.
Rapide contre-attaque de Nathalie Pigeot, directrice nationale des jeunes FN sur le mode désormais bien rodé de l’anti-élitisme dont son parti est friand : « Les propos du sociologue Sylvain Crépon relayés (…) dans l’Express démontrent clairement le profond mépris des pseudo-élites envers le peuple français », s’empourpre la jeune frontiste (…)
Ainsi la mécanique frontiste parvient-elle à détourner l’électorat populaire de ses intérêts en captant son exaspération.
Frédéric Durand – (Extrait) Huma quotidien 13 mai 2014
Si 68% des sondés on un avis négatif cela signifie 32% de positif donc encore une marge de progression électorale importante de quoi vous donner encore de beaux articles pleins de lieux communs et d’enfoncer les portes ouvertes
Une question à la personne ayant posé un commentaire ayant tout les relents d’une bienveillance à l’égard d’une couleur bleu marine ; Comment peut-on expliquer le paradoxe d’un parti politique prônant la sortie de l’Europe, le retour aux frontières françaises tout en présentant des candidats à l’élection européenne ?