Pas belle, la revanche du serpent à plume …

Quand une histoire d’amour se termine, on peut se partager les meubles, la garde des enfants ou du chien mais malheureusement, rien n’est prévu pour les sex-tapes. Sylvie, enseignante de 37 ans, en a fait l’amère expérience en septembre 2012.

A la fin d’un cours, des élèves la préviennent que des photos d’elle dénudée circulent sur Facebook. Sylvie comprend qu’elle est victime de revenge porn, une pratique venue des Etats-Unis qui consiste à se venger de son ex-petit(e) ami(e) en diffusant des photos ou vidéos privées à caractère sexuel sur internet.

Trois mois plus tôt, Sylvie avait rompu avec son mari et quitté le domicile conjugal pour s’installer chez ses parents avec ses deux enfants. Son ex-mari, âgé de 35 ans, alors au chômage, ne supporte pas le départ de sa famille à plus de 600 kilomètres. Il sombre “dans un état dépressif profond”, selon son avocat Mehdi Adjemi.

Un soir, il se décide à se venger en publiant des photos dénudées de son ex-femme sur plusieurs blogs. Il accompagne ces photos compromettantes d’une adresse et de commentaires incitant à la consommation sexuelle. “Mon client a littéralement pété les plombs, ajoute Mehdi Adjemi. Mais il a été surpris de voir que les photos ont ensuite été récupérées à son insu pour être relayées sur d’autres sites de rencontres.” Sylvie se décide à porter plainte.

L’affaire est jugée au tribunal, où elle raconte son calvaire. Au-delà des photos qui se sont propagées sur internet, plusieurs hommes sont venus lui rendre visite pour obtenir des faveurs sexuelles.

Le système judiciaire français n’est pas encore adapté

Conscient du préjudice, le tribunal correctionnel de Metz se montre ferme. Le jeudi 3 avril, son ex est condamné à douze mois d’emprisonnement avec sursis pour “préjudice moral” et “atteinte à la vie privée”. Cette peine est assortie de 5 000 euros d’amende avec l’obligation de travailler et de suivre des soins médicaux. “En France, nous manquons de recul par rapport au revenge porn et c’est l’une des premières condamnations connues, constate maître Mehdi Adjemi. Cette lourde condamnation risque de faire jurisprudence.”

Si de plus en plus de cas de revenge porn arrivent sur les bureaux des juges, le système judiciaire français n’est pourtant pas encore adapté au phénomène. Dans la Manche, un jeune homme d’une vingtaine d’années a été condamné à six mois de prison pour avoir publié une vidéo de ses ébats avec sa compagne sur un site porno gratuit, à l’insu de celle-ci, mais dans le même temps, dans le Doubs, un autre homme a été relaxé. Ce dernier, âgé d’une quarantaine d’années, avait dévoilé une vidéo compromettante sur la page Facebook du nouveau compagnon de sa femme

Sur les images tournées dans un lieu public, à Bart, on voyait son ex-femme lui prodiguer une fellation. “L’article 226-1 du code pénal dispose que le fait de transmettre sans son consentement l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé est un motif de condamnation mais cette disposition peut s’avérer insuffisante si la photo ou la vidéo est prise dans un décor naturel comme c’est le cas dans cette affaire”, explique maître Jean-Pierre Ribaut-Pasqualini, avocat au barreau de Lyon.

En l’absence de directive de la chancellerie et de la création d’une infraction spécifique, chaque juge traite donc le revenge porn au cas par cas.

Extrait d’un article paru dans les Inrocks N° 961, sous la plume de David Doucet – Titre original de l’article « Un plat qui se mange très chaud » Permalien