La France vieillit. Non seulement les Français vivent de plus en plus vieux, mais la part des personnes âgées dans la population totale s’accroît, du fait des générations nombreuses du baby-boom qui arrivent à l’âge de la retraite.
Ainsi, selon l’Insee, la part des personnes de plus de 60 ans devrait augmenter jusqu’en 2035, pour atteindre 31 % de la population, contre 23 % aujourd’hui. Les plus de 75 ans devraient alors en représenter 14 % (contre 9 % en 2012) et le nombre de personnes dépendantes s’établir à 1,55 million (contre 1,2 million fin 2011). Au-delà, la part des personnes âgées devrait continuer à croître, mais à un rythme moindre.
DES ÂGES ET DES BESOINS NOUVEAUX
Ces évolutions démographiques représentent d’importants défis économiques, sociaux et sociétaux. Bien au-delà de la seule question du financement des retraites qui a fait l’objet d’une série de réformes depuis vingt ans, dont la plus récente date de l’automne dernier. « Pendant longtemps, la retraite fut le début de la fin de la vie. C’est devenu aujourd’hui le début d’une nouvelle vie (…) qui peut durer vingt, trente, quarante ans », constate Luc Boussy, dans un rapport (1) rendu en janvier 2013. Luc Boussy distingue trois situations successives : la retraite active, la période où l’on commence à ressentir des fragilités physiques ou sociales, notamment à travers l’isolement, puis l’entrée dans la perte d’autonomie.
Le premier âge de la retraite, dite « active et en bonne santé », est celui de la grand-parentalité, des loisirs et de l’engagement civique. Selon la Drees, l’implication des grands-parents auprès de leurs petits-enfants représente un volume de 23 millions d’heures hebdomadaires de travail, soit autant que les assistantes maternelles. Parallèlement, selon France bénévolat (voir graphique), l’engagement dans les activités bénévoles concerne 51 % des plus de 65 ans et 45 % des 50-64 ans, alors que la moyenne dans la population est de 36 %.
Le report de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans et de celui de la retraite à taux plein à 67 ans (adopté en 2010), combiné à l’allongement supplémentaire des durées de cotisation décidé à l’automne dernier, pourrait cependant limiter sensiblement ces investissements bénévoles à l’avenir.
D’autant que, parallèlement, les déséquilibres croissants subis par les salariés durant leur vie de travail, tant sur le plan alimentaire que sur celui des modes de vie (stress, précarité, sédentarité), empêchent l’espérance de vie en bonne santé de s’élever au même rythme que l’espérance de vie tout court. Cette limitation de l’implication des retraités dans la vie sociale aurait de lourdes conséquences tant pour les familles que pour la vie associative.
Le second âge de la retraite commence aux alentours de 75 ans. C’est une phase au cours de laquelle les problèmes de santé s’aggravent, notamment les maladies chroniques. Le risque d’isolement social s’accroît, notamment du fait de la probabilité croissante de disparition du conjoint dans les couples. C’est aussi l’âge où la solidarité familiale commence à s’inverser : d’aidants (financiers, au quotidien…), les personnes âgées deviennent de plus en plus aidées par leur entourage. C’est donc à ce moment-là qu’apparaissent des demandes d’adaptation de logements, de recours accru aux services à la personne, de produits de domotique ou de dispositifs d’assistance.
Ces besoins sont encore nettement accrus lorsque les personnes deviennent dépendantes, c’est-à-dire dans l’incapacité d’accomplir des actes de la vie quotidienne de manière autonome, en général après 80 ans. l’objectif des politiques publiques, en accord avec le souhait de la majorité des Français, est de favoriser le maintien à domicile. Lorsque ce n’est pas possible, les personnes doivent cependant pouvoir accéder à un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Or, ces maisons de retraite restent trop chères pour toute une frange des classes moyennes.
En effet, le « reste à charge » (ce qui doit être payé par le résident après les prises en charge par l’assurance maladie et autres prestation dépendance) s’élève en moyenne à 1 617 euros par mois, alors que le montant moyen d’une retraite est de 1 200 euros. Cela fait longtemps déjà qu’il est question de réformer la prise en charge collective, très insuffisante actuellement, du risque de dépendance, mais les fortes contraintes sur les finances publiques amènent toujours les gouvernements à repousser la question à plus tard. Elle devrait cependant faire l’objet d’une loi, prévue pour la seconde moitié du quinquennat (voir encadré en pied de l’article), après celle sur « l’adaptation de la société au vieillissement », prévue d’ici à la fin 2014.
LA « SILVER ÉCONOMIE »
Ces besoins en forte hausse du fait des évolutions démographiques, que ce soit dans les secteurs du logement et de l’habitat, de la technologie, de la grande consommation, des services à la personne ou encore des produits d’épargne, sont censés soutenir le développement d’un nouveau secteur d’activité, baptisé « Silver économie » par le gouvernement : il s’agit de faire du vieillissement un levier de développement économique. Dans ce cadre, le gouvernement envisage notamment de créer un label « Silver économie » afin d’identifier des technologies pour l’autonomie.
Une enquête publiée par le Commissariat général à la stratégie et à la prospective (CGSP), en décembre dernier, montre que les 283 entreprises identifiées pour le moment sur ce marché avaient réalisé en 2012 un chiffre d’affaires de 55,7 milliards d’euros (2). Le noyau dur de la filière rassemble les activités d’accompagnement de la personne, de prévention et de soutien aux aidants. Le reste concerne essentiellement la télé-assistance, la santé et les technologies de l’information et de la communication.
Le CGSP estime son potentiel de croissance à 14 % par an. Quant à la Dares, elle évalue à 300 0001e nombre d’emplois que la Silver économie pourrait permettre de créer dans le secteur de l’aide à domicile d’ici à 2020. Pour la ministre déléguée chargée des Personnes âgées et de l’Autonomie, Michèle Delaunay, « le vieillissement est une chance ». Pourquoi pas ?
Claire Alet, Alternatives Économique – HS N°100 -2e trimestre 2014
Notes ———————–
- « L’adaptation de la société au vieillissement de la population. France : année zéro ! », rapport de Luc Boussy, janvier 2013.
- « La Silver économie, une opportunité de croissance pour la France », rapports & documents, Commissariat général à La stratégie et à la prospective (CGSP).
Un vieillissement planétaire
Le vieillissement de la population ne touche pas que la France. Il est global. Ainsi, selon les projections des Nations unies, le nombre des plus de 65 ans devrait presque tripler d’ ici à 2050 dans le monde.
Ce phénomène va toucher en particulier de plein fouet la Chine au cours des prochaines années, du fait de la politique de l’ enfant unique menée depuis ta fin des années 1970. Ce sera un des principaux défis pour l’avenir du pays : la Chine risque d’être vieille avant d’être vraiment riche.
Par rapport à ses voisins européens, la France est plutôt bien lotie : la part des plus de 65 ans dans ta population française est inférieure à la moyenne européenne, grâce à un taux de fécondité élevé, le second après l’ Irlande.
A l’ inverse, l’ Allemagne est confrontée à un grave problème démographique qui menace son modèle social : le taux de fécondité est très bas (1,4 enfant par femme). C’ est largement le cas également des pays du sud de l’ Europe : Grèce, Portugal, Italie ou encore Espagne. Ce qui ne facilite guère leur sortie de crise…