Allez, encore un peu et comme les ilotes, vous serez abreuvé d’un vulgaire picrate en guise de salaire. Non mais, vous n’avez aucune honte, alors que dans le même temps certain se vantent de leur place dans la hiérarchie de milliardaire, honte qu’un petit nombre de riches n’ont jamais été aussi riche, honte devant le nombre de chômeur et pour certains obligées d’avoir recours aux associations caritatives pour ne pas mourir. Honte pour cette annonce et encore plus honte d’en avoir exprimé l’idée. MC
Bernard de Clairvaux enseignait déjà au XIIe siècle que le chemin qui mène à l’enfer est pavé de bonnes intentions. Le débat qui renaît autour du smic le montre une fois de plus. Il est louable, bien sûr, de lutter contre la pauvreté, réduire les inégalités, améliorer le pouvoir d’achat des défavorisés
La réalité est que le smic, parce qu’il est uniforme, parce qu’il est instrumentalisé par l’État, et surtout parce qu’il est trop élevé (relativement au niveau de productivité), crée des effets pervers devenus désastreux à l’heure du chômage de masse. Il plombe la compétitivité en alourdissant le coût du travail des entreprises de main d’œuvre ; il bloque l’entrée des jeunes sur le marché du travail ; il détruit des emplois en favorisant les délocalisations et les suppressions d’effectifs ; il évince les plus faibles du marché du travail.
Perversité suprême, il oblige l’État, pour compenser ces effets négatifs, à concentrer les allègements de charges sur les bas salaires, alors qu’à l’heure de la mondialisation, c’est plutôt le coût du travail qualifié qu’il faudrait soulager.
Des propositions de bon sens sont aujourd’hui émises par un éminent socialiste, Pascal Lamy (« Un petit boulot, c’est mieux que pas de boulot »), et par un proche de François Hollande, le brillant économiste Philippe Aghion, qui suggère dans un livre choc de geler le smic.
Les expériences menées à l’étranger montrent que c’est en réduisant de façon massive le coût du travail qu’on pourra inverser la courbe du chômage. Et en concentrant la formation sur les salariés les moins payés qu’on accroîtra la valeur ajoutée et donc le vrai prix du travail.
Le Premier ministre Manuel Valls s’est prononcé, dans le passé, pour un marché du travail moins régulé. Il est au pied du mur.
Auteur Barochez Luc, L’Opinion
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ALLEMAGNE Un salaire minimum de dilettante
Les restrictions à l’instauration des 8,50 euros brut de l’heure dans le monde du travail suscitent de vives critiques. Certains secteurs échapperont à la nouvelle réglementation et les employeurs seront tentés d’utiliser un réservoir de main-d’œuvre low cost.
La droite chrétienne-démocrate (CDU-CSU) et les organisations patronales ont atteint leur objectif : détricoter le salaire minimum légal [qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2015]. Voilà que les chômeurs de longue durée sont à leur tour [à l’instar des jeunes sans qualification de moins de 18 ans et des stagiaires préparant leur entrée dans le monde du travail] exclus du salaire horaire à 8,50 euros. Une preuve d’amateurisme sur le front de la politique du marché du travail.
Un allongement artificiel des périodes de chômage
En effet, les entreprises seront tentées de limiter l’embauche d’un chômeur à six mois seulement : si celui-ci fait valoir ses droits au salaire horaire de 8,50 euros passé ce délai, il pourra être remercié le plus simplement du monde pour être remplacé par un autre chômeur. Et ce n’est pas noircir le tableau.
Dès qu’il y a une faille, celle-ci est exploitée, l’expérience le montre. Par ailleurs, cette nouvelle réglementation risque d’induire un allongement artificiel des périodes de chômage : car les futurs chefs d’entreprise sauront désormais qu’ils pourront embaucher un nouveau collaborateur à très bas salaire au bout d’un an. Ce faisant, la grande coalition pérennise la précarité liée au chômage qu’elle prétend combattre.
L’argument selon lequel il est ici question de chômeurs difficiles à caser, qui ne seraient jamais embauchés à 8,50 euros de l’heure, est cousu de fil blanc. Est chômeur de longue durée quiconque est en recherche d’emploi depuis plus d’un an. Parmi eux, on trouve des personnes diplômées et qualifiées, qui n’ont tout simplement pas eu de chance dans leurs démarches professionnelles.
Un vivier de chômeurs low cost à leur disposition
Ces nouvelles dérogations au salaire minimum maintiennent ces gens-là et tous les autres chômeurs de longue durée dans la spirale de précarité déclenchée par les réformes Hartz du marché du travail du gouvernement rouge-vert [du chancelier Gerhard Schröder]. Mais si ce nouveau compromis est un aveu d’impuissance de la part de la ministre du Travail, Andrea Nahles (SPD), c’est aussi pour une autre raison.
Celle-ci a toujours clamé fièrement qu’elle ne souffrirait aucune exception à la loi sur le salaire minimum, dans quelque secteur professionnel que ce soit. Or voilà que ces dérogations deviennent partiellement réalité par des voies détournées : dans les secteurs tels que l’hôtellerie-restauration ou l’agriculture, la main-d’œuvre saisonnière ne travaille généralement que le temps des vacances ou des récoltes, c’est-à-dire quelques mois. Là aussi, les entreprises auront à l’avenir un vivier de chômeurs de longue durée low cost à leur disposition – car ces derniers ne valent même pas 8,50 euros de l’heure aux yeux de la grande coalition.
Die Tageszeitung Eva Völpe