« Le Généraliste ». Notre enquête, à laquelle 385 praticiens ont participé, montre qu’une majorité de généralistes jugent leur implication importante dans la fin de vie de leurs patients. Les trois quarts se disent même prêts à s’investir davantage, si … (…).
Sur l’implication des généralistes dans la fin de vie, on a un peu dit tout et son contraire au cours de ces derniers mois d’intenses débats sur la question (…)
Dans ce paysage un peu flou, l’enquête que nous avons lancée à la fin de l’année 2013 éclaire sous un angle nouveau le rôle du généraliste dans cette zone en clair-obscur qui sépare la vie de la mort.
Premier enseignement de ce coup de sonde sur Internet : pas question de se défausser face à la fin de vie d’un de ses patients. Près de 95% des répondants à notre questionnaire considèrent que cette prise en charge « fait partie des missions naturelles du médecin généraliste ». (…)
Des praticiens volontaires mais… surmenés!

Une question pas si taboue
D’ailleurs, la fin de vie n’est pas si taboue qu’on le prétend. En tout cas quand on est généraliste. Seul un praticien sur dix n’en parle jamais avec ses patients atteints de maladies graves. Et ce dialogue autour des derniers instants fonctionne dans les deux sens : les quatre cinquièmes ont déjà été destinataires de directives anticipées de la part de leur patientèle.
La fin de vie on en discute avec ses patients

Quant à la demande faite au médecin d’aider à mourir, un gros tiers se disent régulièrement sollicités en ce sens (6% souvent et 30% de temps en temps), mais si l’on ajoute les 41% qui qualifient cette demande d’ « exceptionnelle », cela montre qu’une grande majorité de généralistes a déjà été directement et personnellement confronté au grand débat du moment. (…)
Moments forts dans la relation médecin-malade, la gestion de la fin de vie est aussi vécue comme une activité chronophage. C’est la deuxième conclusion de cette enquête. (…)
Quatre médecins sur dix évoquent l’insuffisance des structures relais pour les épauler et une même proportion le peu de disponibilité des aidants familiaux. (…)
Pouvoir être davantage épaulé
En dépit du temps passé et de la difficulté de cet accompagnement, les retours de notre questionnaire renvoient pourtant l’image de généralistes volontaires. Pour preuve, ils se disent aux trois quarts prêts à s’investir davantage, mais seulement si l’organisation des soins palliatifs à domicile était différente… Il y a donc des choses à repenser dans la structuration des derniers soins aux mourants. Cela ressort clairement dans les réponses qui nous sont parvenues.
À commencer par la possibilité de bénéficier d’une équipe dédiée de paramédicaux à leur côté, évoquée dans 55% des questionnaires, alors que 50% ne diraient pas non si un réseau mobile de soins palliatifs pouvait être mis en place dans chaque bassin de vie. (…)
(…) La perception du cadre législatif actuel.
Avec un double constat éclairant sur la loi Leonetti. Globalement, les médecins la connaissent « bien » pour 46% ou en ont « entendu parler » pour 41%. Seuls 10% restent cois à son évocation. Quant aux patients, il se confirme que le grand public ignore tout ou presque de ces dispositions : près de neuf médecins sur dix estiment que la plupart de leurs malades ne savent pas à quoi correspondent les dispositions de la loi de 2005.
Sur l’euthanasie, une profession partagée

C’est peut-être une des raisons qui explique d’ailleurs que les généralistes apparaissent beaucoup plus partagés que l’opinion dans son ensemble sur la nécessité de changer la loi. Alors que les sondages renvoient l’image de Français favorables à 90% à la mise en place d’une aide médicale pour mourir, le corps médical semble moins unanime, même si une minorité (20%) plaide pour un statu quo qui reviendrait à s’abstenir de toute retouche sur la législation actuelle. (…)
Alors, au-delà de la situation actuelle, que faire ?
Un praticien sur deux retient favorablement l’idée lancée par le CCNE de rendre impératives des directives anticipées des patients. Mais sur ce point, le médecin ne tient pas nécessairement à être en première ligne : seuls 3% revendiquent de façon exclusive ce rôle de « notaire » de la fin de vie alors que 72% sont d’accord pour l’assumer de concert avec la famille.
Aller encore plus loin en médicalisant la mort ?
Les médecins généralistes ne sont pas unanimes. Mais notre enquête montre que, décidément, les débats du moment atteignent aussi les médecins de famille. Un sur cinq est d’accord pour qu’on autorise en France le suicide assisté par un médecin. Et un sur deux ne verrait pas d’inconvénient à ce que l’on permette demain « à des médecins d’aider à mourir un patient en stade terminal ». (…)
Au final, quel que soit le cadre dans lequel il serait sollicité, on retiendra que le généraliste français est prêt à répondre présent, mais pas forcément à jouer les premiers rôles. Qui doit prendre en priorité les décisions concernant la fin de vie ? « D’abord le médecin traitant et l’équipe » avancent 2% seulement des questionnés, « d’abord le patient ou son entourage » répondent 24% de nos sondés, « patient, famille, médecin et équipe doivent décider ensemble » préfèrent 74% des répondants.
Source : Le Généraliste n°2677 (extrait d’un article) – Permalien