(…) Ecotaxe, camions et trépas du rail… Le pic de pollution qui a traversé l’Hexagone n’a pas fait qu’irriter les muqueuses.
Il a également attisé les critiques sur les politiques de transports. Entre autres, celle portant sur le chouchoutage du camion aux dépens du train de marchandises, relevé par France Nature Environnement (FNE). Il faut en finir avec la « déréglementation du transport de marchandises qui, depuis vingt ans, favorise le fret routier », entendu la semaine dernière sur France Info, tandis que FNE souligne, sur son site, que « le report de la route vers le rail » réduirait outre la concentration de particules fines dans l’air « notre dépendance aux énergies fossiles » et les émissions de CO2, si nuisibles au climat.
De fait, avec le mode fluvial, le fret ferroviaire demeure le dispositif de transport de marchandises le moins polluant. Il est, aussi, celui qui s’est fait le plus dézinguer ces douze dernières années. En 2002, le rail acheminait encore 50 milliards de tonnes/kilomètre de marchandises chaque année. Le trafic, déjà, marquait le pas depuis 1985, au profit du transport routier qui, dans le même laps de temps, avait doublé ses capacités et mangeait 81,9 % du marché (1). On envisageait, alors, que ce taux atteindrait 83,6 % en 2025, la part du fret étant supposée chuter à 14,6 %.
Onze ans avant terme, les camions ont explosé le compteur: en 2012, ils occupaient pile-poil 83,6 % du marché (2). Le fret ferroviaire, lui, s’était écroulé en deçà de toute crainte, n’assurant plus que 09,6 % des livraisons.
Que s’est-il passé entre-temps?
L’ouverture du secteur à la concurrence, finalisée en 2006 et promue par trois « paquets ferroviaires » européens. « À l’époque, on prétendait réduire la dette ferroviaire, rappelle Bernard Tournier, secrétaire de la fédération des cheminots CGT de Chambéry. On a transféré une partie de l’activité au privé. Des points de fret ont été supprimés et les activités se sont recentrées sur les créneaux rentables.» Voté en février, le quatrième paquet n’est pas de meilleur augure.
Pas plus que le « le plan d’excellence » de la SNCF présenté en décembre, qui prévoit, pour 2014, la suppression de 856 postes dans le fret ferroviaire. La politique de rigueur, enfin, ajoute son grain de sable à la mécanique, qui menace plusieurs quais. Ainsi, le terminal ferroviaire du marché de Rungis craint de perdre l’un des (deux) siens, pourtant fraîchement inaugurés en 2010.
Reste un espoir avec le plan de relance du fret ferroviaire initié à l’automne par le ministre délégué aux Transports. Au menu, des améliorations de gestion, des diagnostics de réseau et autres observatoires de performances. Mais point d’objectifs chiffrés.
Suffisant pour remettre le fret sur rail ?
C’est d’autant moins sûr que ces dernières années auront été plutôt favorables aux gros bahuts. Ceux de 44 tonnes, entre autres, sont, depuis décembre 2012, autorisés à sillonner les routes et ont vu la taxe à l’essieu régresser. La suspension de l’écotaxe, enfin, leur laisse aussi la roue libre. Le manque à gagner de 900 millions d’euros annuels qu’elle engendre coûtera cher aux projets de mobilité durables, entre autres ferroviaires, qu’elle était censée financer.
Auteur – Marie-Noelle Bertrand
1. Flux n° 56/57, revue du Caim-info, avril-septembre 2004.
2. Chiffres clefs du transport, édition 2014, Medde.