Débaptiser SANOFI en SANOFRIC serait plus juste

Chez Sanofi, l’un des leaders de la pharmacie, on ne connaît toujours pas la crise. Les actionnaires n’ont pas de soucis à se faire. Contrairement aux salariés !

Du point de vue des dirigeants de Sanofi, on se dit que l’exercice 2013 n’a pas été brillant. Le laboratoire pharmaceutique a publié la semaine dernière un chiffre d’affaires en repli de 5,7 %, à… 32,9 milliards d’euros. Mais ce « sombre » tableau est à nuancer au regard, notamment, de la reprise observée au dernier trimestre.

Le chiffre d’affaires des trois derniers mois a en effet progressé de 6,5 % à taux de change constant. « Ce très bon trimestre confirme un retour à la croissance qui va se poursuivre en 2014, avec un bénéfice par action en hausse de 4 à 7 % à taux de change constant », s’est félicité Christopher Viehbacher, directeur général de Sanofi.

Des termes encourageants qui s’apparenteraient presque à un pied de nez aux salariés du groupe, qui, en plus de subir un gel des salaires, devraient voire boucler dans les semaines à venir le plan social accompagnant la réorganisation de la branche recherche et développement en France – avec, à la clé, la liquidation du centre de recherche de Toulouse et des centaines de suppressions d’emplois.

Une entreprise très bénéficiaire.

Le chiffre d’affaires est en légère baisse, mais c’est ce qui était attendu au regard de la fin de l’exclusivité de certains médicaments », relativise Thierry Bodin, coordonnateur CGT chez Sanofi. « Le résultat net des activités est en baisse sur 2013, à 6,7 milliards d’euros contre plus de 8,1 en 2012. On revient certes aux chiffres de 2007. Mais, souvenons-nous, nous étions 4000 CDI de plus dans le groupe en France à cette époque », rappelle à juste titre le syndicaliste, qui conclut: « Si on reste pragmatique, l’entreprise se porte très bien. Elle est même très bénéficiaire. »En témoigne d’ailleurs le cash-flow (bénéfice, quand les matières premières, les coûts liés aux sites et les salaires sont payés) que l’entreprise dégage, de plus de… 7,6 milliards d’euros. Un matelas plus que confortable, dont presque la moitié est distribuée aux actionnaires sous forme de dividendes (pour 3,6 milliards d’euros). Le reste se partageant entre 1,6 milliard d’euros de rachats d’actions – encore et toujours pour les actionnaires -, 659 millions d’euros en coûts de restructuration et seulement 1,1 milliard d’euros d’investissement.

Le choix de gâter ses actionnaires

C’est bien là l’une des constantes de Sanofi, qui, depuis plusieurs années, a fait le choix de gâter ses actionnaires au détriment de l’investissement interne. Les frais de R & D sont systématiquement rognés. Ils ont ainsi diminué de 2,8 % sur toute l’année 2013. « Cette stratégie est néfaste. On assiste à une fragilisation de toute la chaîne, de l’élaboration de la molécule à la commercialisation. Nous ne sommes évidemment pas opposés aux collaborations, elles sont nécessaires, mais celles-ci sont d’autant plus efficaces quand le potentiel de recherche est fort. Lorsqu’une molécule est trouvée en interne, elle est développée en interne. En revanche, quand c’est en collaboration, c’est l’entreprise qui trouve la molécule qui en assure le développement et la production », explique Thierry Bodin, qui craint carrément la disparition de la recherche chez Sanofi d’ici quelques années.

Le schéma est classique, mais désormais bien rodé : ici, l’argent généré par le travail des salariés est utilisé pour augmenter la richesse des actionnaires au détriment des investissements, de l’emploi et des salaires. La preuve par les chiffres, une fois encore: malgré des résultats financiers en repli, la direction a fait valider par l’assemblée générale des actionnaires une augmentation du dividende, certes minime cette année, à 2,80 euros contre 2,77 euros l’an dernier. Mais cela représente en fait 50 % des profits. « Soyons clairs, cette stratégie de pression capitalistique autour des dividendes va à l’encontre du long terme et de la découverte de nouveaux médicaments », juge Thierry Bodin.

Sanofi bénéficie de larges crédits d’impôts

Le comble, c’est que le groupe encaissera bientôt 20 millions d’euros au titre du Cice (crédit d’impôt compétitivité emploi). Sachant qu’en 2012 il a également touché 130 millions par le biais du fameux CIR (crédit impôt recherche), ce mécanisme de réduction d’impôts sur les sociétés en fonction des dépenses de recherche engagées. Alors que Sanofi n’a eu de cesse de détruire ses centres de recherche, on peut s’interroger sur sa légitimité à percevoir de telles aides publiques. Et comme toutes les autres sociétés, Sanofi bénéficiera de la suppression des cotisations patronales famille, soit un allégement de l’ordre de 86 millions d’euros.

Et pendant ce temps, entre la hausse de la TVA, la non-augmentation collective des salaires, la hausse des cotisations retraite et la fiscalisation de la cotisation de la complémentaire santé, la chute de pouvoir d’achat des salariés, qui subissent restructurations sur restructurations, sera drastique.

Alexandra Chaignon – Permalien