CENTRAFRIQUE, QUELQUES ÉCLAIRAGES !

CENTRAFRIQUE DE BOKASSA AU CHAOS : LA FRANCE DISQUALIFIÉE.

Jusqu’à présent, qui se souciait de la tragédie en Centrafrique ?

Le délitement du pays, les souffrances du peuple, la violence et les exactions des groupes armés avaient lieu à huis-clos. Quand le chaos se généralise, il devient gênant. C’est ce moment que choisissent les grandes puissances pour intervenir.

Une chose est sûre, il  fallait agir pour protéger les populations, premières victimes des violences. Pour autant, nous ne pouvons donner quitus aux forces africaines et françaises qui devraient être chargées du rétablissement de la sécurité par une résolution des Nations unies.

La présence du contingent tchadien en RCA illustre à elle seule la nature des « conflits d’intérêts » en jeu. C’est en effet le dictateur Tchadien Idriss Déby qui a participé à défaire le régime centrafricain de François Bozizé, après l’avoir soutenu à bout de bras, pour le remplacer par celui de Michel Djotodia. Même si on ne peut prétendre régler le problème du pays sans le Tchad, c’est la prépondérance de ce dernier qui doit être remise en cause.

Quant à la France, est-elle encore qualifiée pour participer à une future opération de maintien de la paix de l’ONU ? Laurent Fabius, dans son discours à la communauté française à Bangui le 13 octobre dernier, a prononcé, sans rire visiblement, cette phrase mémorable : « Sachez que l’amitié traditionnelle qu’a portée la France à la Centrafrique, nous voulons la manifester de nouveau pour aujourd’hui et pour demain ».

Parlons-en.

Depuis des décennies, les relations entre Paris et Bangui n’ont été qu’une succession de coups tordus, parmi les plus rocambolesques et dramatiques de la Françafrique. Du couronnement délirant de Bokassa, auto-proclamé empereur, en passant par les diamants offerts à Giscard. Les uns après les autres, les dictateurs ont été choisis et maintenus par Paris pour le plus grand malheur du peuple. « J’ai demandé à la France d’intervenir pour sauver les institutions » déclarait Ange Félix Patassé le 20 mai 1986. Paris promettait déjà de rétablir l’ordre et les institutions. On connaît la suite.

La France est disqualifiée en Centrafrique. Elle a perdu toute légitimité.

Le ministère de la Défense achemine des troupes sur place dans l’attente d’un vote des Nations unies accordant un feu vert aux forces d’intervention. Heureux hasard du calendrier, ce sera à quelques jours du Sommet de l’Élysée sur la paix et la sécurité en Afrique…

La vraie question qui se pose est celle de l’immédiat. Pour faire quoi ? Pour recommencer un cycle de domination-effondrement ? La France a une responsabilité écrasante dans cette tragédie. Elle a une dette considérable envers le peuple de Centrafrique. Pour ces raisons, elle doit se désengager sur le plan militaire. Elle devrait plaider pour une solution politique en faveur de la reconstruction du pays et de sa souveraineté, et agir pour un mandat d’une force d’interposition de l’ONU qui s’inscrive dans cette perspective.

Dominique Josse

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

CENTRAFRIQUE – INTERVENTION : POUR QUELS INTÉRÊTS ?

« L’Afrique doit assurer elle-même sa sécurité », insistait le président François Hollande au cours du Sommet de l’Élysée sur la paix et la sécurité en Afrique qui s’est tenu les 6 et 7 décembre à Paris, au moment même où, forte d’une résolution du Conseil de sécurité qu’elle a elle-même rédigée, la France engageait 1 600 hommes de troupe en Centrafrique. C’est la 5e intervention militaire française en Centrafrique depuis 1958, la 3e depuis 2006.

La tragédie humaine en Centrafrique (RCA) est bien réelle et cela fait près d’un an que l’alerte a été donnée. La France n’agit donc pas « en urgence ». Elle aurait même dû agir plus vite et, sans doute, autrement depuis l’élection de François Hollande à la présidence française.

C’est en décembre 2012 que le pays basculait à nouveau dans la guerre avec le lancement de l’offensive de la Séléka contre le pouvoir central de Paul Bozizé, arrivé lui-même à la tête du pays à la faveur d’un coup d’État en mars 2003. Paris « sécurise » alors son ambassade et s’emploie à protéger… ses 1.200 ressortissants. La population centrafricaine dans son ensemble est pourtant déjà en danger.

En mars 2013, devant l’avancée des groupes de la Séléka sur Bangui, Paul Bozizé, ami fidèle de la «France » et d’Idriss Déby, dictateur tchadien, appelle à la rescousse ses alliés. François Hollande décide seulement d’envoyer 350 soldats déjà stationnés en Afrique pour porter à 600 le nombre des effectifs militaires français présents en RCA en appui de la Micopax (Mission de consolidation de la paix en République centrafricaine) placée sous la responsabilité de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC).

Le 24 mars, Paul Bozizé prend la fuite et, avec la bénédiction tacite du Tchad et de la France, Michel Djotodia, chef de l’Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR), membre de la Séléka, s’autoproclame président.

Après un bref mois de mai où tout semble rentrer dans la normale, les exactions et violences contre la population reprennent.

En juin, François Hollande est alerté par son ambassade. Il réagit le 20 août devant les ambassadeurs réunis à Paris tout en plaidant pour une intervention internationale en… Syrie.

À quoi ont été employés ces longs mois dramatiques pour le peuple centrafricain ? À préparer une intervention militaire dont les objectifs réels semblent bien éloignés de ceux affichés par notre gouvernement. Car en décembre 2013, selon l’ONU, ce sont maintenant 2,3 millions des 4,6 millions d’habitants de la RCA qui sont en « situation d’assistance humanitaire ». On dénombre 400 000 déplacés internes et 68.000 réfugiés, principalement en République démocratique du Congo. Quelque 1,1 million de personnes sont également touchées par l’insécurité alimentaire.

L’Opération Sangaris est censée restaurer la sécurité et porter assistance aux populations. L’armée française « sécurise le terrain » mais les points stratégiques, les principales routes d’acheminement des ressources tirées du sous-sol centrafricain. Les habitants de Bangui sont soulagés, mais le reste du pays sombre encore un peu plus. Les opérations de désarmement des milices sont engagées. Il est à souhaiter qu’elle réussisse pleinement, mais on a beau jeu d’en appeler solennellement à « la responsabilisation des Africains» quand on passe sciemment sous silence la terrible responsabilité de la France dans les conflits et violence qui meurtrissent le continent. «L’étude menée par l’US Congressional Research Service révèle que la France a accru ses ventes d’armes en Afrique durant la période 1998-2005 faisant d’elle le pays leader dans la fourniture d’armes en Afrique. »

Le Livre blanc de la défense commandé par François Hollande et adopté en 2013 est explicite de la vision et de l’action du chef de l’État et de son gouvernement en matière de relations internationales. Dans la lignée du Livre blanc de Nicolas Sarkozy (2008), il rappelle que « le champ prioritaire d’intervention militaire de la France s’étend sur une zone allant de l’ouest de l’Afrique à l’océan Indien et que le champ du renseignement se voit élargi de l’Afrique vers l’Asie (Chine, Inde, Pakistan) ».

Répondant politiquement à la volonté d’intégration de la France à l’OTAN et relevant, idéologiquement, d’une option eurocentriste, la politique « étrangère » de la France définit l’Afrique comme une « zone d’intérêts prioritaire ». Mais ni les inégalités sociales, ni les pillages économiques des milieux d’affaires, locaux comme internationaux, ne sont cités au rang des critères de cette priorisation.

Lydia Samarbakhsh

°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Centrafrique : les raisons cachées de l’intervention française

Contrairement à l’« impératif humanitaire » agité par le président François Hollande, l’ « Opération Sangaris » menée par 1.200 soldats français vise à contrer l’arrivée des Chinois et surtout à contrôler les réserves d’or, de diamant et d’uranium présentes dans le sous-sol de la Centrafrique. Un pays plus grand que la France où Areva, Total, Bolloré, France Télécom… dictent déjà la loi, malgré les atrocités.

Suite de l’article en PDF : Centrafrique M Collon_Investig Action

Olivier Ndenkop  pour Investig’Action